Crèche et école

Orientation : le parent face aux passions de son enfant

« On a beaucoup de chance. Pouvoir faire ce que l’on veut. En vivre. Je veux dire, c’est ouf de se dire que peu importe où l’on veuille bosser, il y a des études pour ça, des structures, des gens qui pratiquent ce métier. Et que peu importe l’endroit d’où l’on vienne, c’est là, c’est possible. Moi, mon père, c’est un agriculteur, toute la famille aussi. Je ne suis pas un bourgeois. Mais je peux faire les études que je veux, pour ce qui n’est même pas considéré comme un vrai métier : le cinéma. Au départ, je voulais raconter des histoires. J’étais de tous les festivals autour de chez moi. J’ai rencontré des gens du milieu. Ils me racontaient leur quotidien, les galères, les trucs magiques. Ça m’a fait rêver. Surtout, ça m’a montré que c’était là, à portée de main. Je me suis renseigné, j’ai appelé les écoles. Mes parents ont discuté avec les conseillers PMS, les profs, avec des gens dans des salons. Comment on se débrouille pour obtenir des aides. Comment on se démerde avec la famille. Je mène mes études aujourd’hui dans une super école de Bruxelles. J’ai moins envie d’être réalisateur et plus envie de me spécialiser dans le montage. C’est aussi une façon de raconter des histoires. Ma passion ne m’a jamais lâché. Je me dirige vers ce que je veux. Je bosse pour ça à côté. Ce n’est pas toujours facile. Mais je regarde toujours devant, jamais derrière. Et quand je constate tout ce que j’apprends, tout ce que les rencontres m’apportent, je me le dis, encore et encore : on a beaucoup de chance. »
Andreas, 21 ans

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Dans le cas d’Andreas, le cinéma. Ailleurs, on nous a parlé de sport, de jeu vidéo, bien sûr du métier d’influenceur, influenceuse... Et même de sanibroyeur. Nos jeunes ont des rêves plein la tête. Comme des obsessions qui les étourdissent, les guident. Bien, pas bien ? Est-ce une bonne chose de convier ce type de passion dans son parcours d’orientation ?
On pose la question à Carole, conseillère dans un centre PMS. Un peu dubitative : « Je ne sais pas si c’est systématiquement une bonne chose. On discute avec certains enfants qui ont un vrai projet. Avec d’autres chez qui, tout cela semble complètement hors réalité. Qui nous disent qu’ils ou elles veulent faire de la télé, être DJ ou même encore ‘faire du buzz’ ! La passion peut donc produire l’effet inverse : mener vers de fausses pistes ».
Notre rôle d’adulte, là-dedans ? Pressentir. Mener des conversations en famille pour sentir finement les choses. Solange, maman d’une ado de 16 ans, apprend un jour que sa fille veut vivre de sa passion soudaine : la chirurgie. Alors qu’elle tombe dans les pommes à la vue du sang. « Là, je me dis que l’encourager dans cette voie, ce n’est pas la meilleure idée. Je lui demande. ‘D’où est-ce que ça vient ?’. De la série Good Doctor, me répond-elle… ». La lubie lui passe sitôt venue.

Un aquarium qui s’autodégénère

On pousse la porte du Centre de Ressources scolaires où l’on rencontre son fondateur, Didier Bronselaer. Ce dernier dessine une ligne de départ. Pour lui, l’élément déclencheur est indiscutable : la réussite à l’école. C’est elle qui va conforter l’enfant dans son choix, qui va l’assurer.
« Pas de réussite, pas de motivation. L’enfant se met à croire en ses aptitudes. Hélas, l’école ne conforte pas l’enfant dans ses capacités. Trop souvent, il a une perception de ses acquis qui est négative. La faute au système d’évaluation qui crée une pression. L’enfant développe des anxiétés significatives quand ça ne fonctionne pas. »
Pour notre intervenant, l’école ne valorise pas assez tout ce qui sort du programme. Ni le sport, ni les disciplines artistiques, encore moins les métiers techniques. Didier Bronselaer a des propos très durs, affirmant que l’école broie les passions qui n’entrent pas dans sa culture. Il qualifie l’institution « d’aquarium qui s’autodégénère. Elle n’évalue pas l’enfant, mais sa capacité à s’adapter à l’évaluation ».
L’accent est pourtant mis dans le Pacte d’excellence sur le fait de permettre à l’enfant de s’essayer à des disciplines extrascolaires au sein même de l’institution. Des activités manuelles, des ateliers d’expression artistique, sportive, littéraire… Comme le voisin allemand le fait, par exemple, depuis des années. Si les institutions, voire même la société, n’encouragent pas à suivre sa petite flamme intérieure pour s’épanouir dans son parcours d’orientation, qui donc peut le faire ? Mais oui, c’est là où vous entrez en scène, parents.

Le principal appui de l’enfant, c’est…

Comment permettre à son enfant d’emprunter un chemin qui lui convient ? C’est tout le sujet de ce dossier. D’abord comme le soulignent les expert·es interrogé·es, ce n’est pas la finalité qui compte, mais le chemin à emprunter. En cela, l’appui de l’enfant, son filet de sécurité, c’est la famille. En rêvant à un avenir taillé 100% sur mesure, l’enfant draine tout un tas de compétences et de motivations.
« Il est important d’écouter son enfant. De lui donner toute la confiance qu’il ne trouvera pas nécessairement ailleurs. Assurez-le, veillez à ce qu’il soit heureux, à ce qu’elle soit heureuse. Ce qui compte le plus et qui déterminera le reste, c’est qu’il ou elle se sente bien où il ou elle est. Il ou elle s’orientera alors naturellement vers ses forces, vers sa quête. »
En un mot, le rôle du parent consiste à construire un climat constructif et positif autour des choix de son rejeton. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut tout concéder. En cela, le témoignage de Basil est éloquent. Le jeune homme rêve de hockey. S’orienter vers une carrière pro, il n’y a que ça qui compte pour lui. Malheureusement, beaucoup d’appelés, peu d’élus. Le jeune homme rembobine l’histoire.
« J’étais obsédé. Aveugle. Mes parents m’encourageaient et j’ai compris par la suite, qu’ils le faisaient sans trop y croire. Mon père m’a appris un jour qu’il me laissait aller au bout de mon truc pour que je n’aie jamais de regret par la suite. Il a bien fait. Je me suis beaucoup impliqué dans mon club et ça m’a orienté vers des études d’éducateur sportif. Je continue à cultiver et à partager ma passion. »
Rêver un impossible rêve. Suivre l'étoile, peu importe les chances. L’orientation liée à la passion n’est pas fantasmagorique. C’est un puzzle que l’on compose à plusieurs. Quels leviers actionner, quelle artère emprunter, à qui s’adresser, comment s’essayer ? Autant d’objectifs à mener de front, ensemble. Pour les parents, c’est un carrefour. Celui où l’on s’apprête à lâcher la main de son enfant. Où on le voit faire ses premiers pas dans une voie professionnalisante. Cela doit se faire de manière juste et bien pensée. Sans conflit. N’oubliez pas que rien n’est définitif. La réussite de votre enfant consiste d’abord à ce qu’il soit en accord avec lui-même. Encouragez-le donc à entreprendre dans sa passion… avec un soupçon de raison.

ZOOM

Vivre de sa passion ? C’est pour les bourgeois

« Je ne suis pas un bourgeois. Mais j’ai pu faire les études que je voulais », clame Andreas. L’idée du déterminisme social est beaucoup revenue dans les témoignages. Comme une fatalité. Du type : « Les gens comme nous, ça ne fait pas ce type de métier ». L’ensemble des expert·es interrogé·es combat fermement cette fatalité, qui repose d’abord sur un ensemble d’obstacles imaginaires. Souvent par manque d’infos.
Pourtant, il existe tout un panel d’aides très structurées qui permet de pallier les manques de moyens. Mais aussi les incertitudes. L’ensemble des intervenant·es insiste : aucun conseiller d’orientation, aucune institution, aucun établissement n’est autorisé à décourager votre enfant dans son choix d’orientation au nom de ses origines sociales ou de son identité. Si c’est le cas, la personne le fait par manque de connaissance ou de volonté. C’est en allant au-delà des présupposés que l’on peut permettre aux différentes couches de la population d’emprunter la voie qui leur convient.

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