Crèche et école

Parents-professeurs : mots pour maux

Pour que l’équation parents-enseignants-élèves fonctionne, il faut davantage ouvrir l’école, nous disent des professeurs du secondaire. C’est ce que réclament également les parents. Seulement, la relation est parfois difficile, notamment à cause de nombreuses incompréhensions, et ce, au détriment de l’enfant. Comment améliorer de part et d’autre ce dialogue, ce trilogue ? Rencontre avec Jean-Louis Auduc, historien, auteur sur le blog cafepedagogique.net de nombreux ouvrages et de billets.

L’homme nous répond en qualité d’enseignant, d’abord. Puis d’ancien directeur d'une université de formation d’enseignants en banlieue parisienne. Le tout appuyé de son expertise européenne sur le sujet.

Pourquoi la relation parents-enseignants est-elle si complexe ?
Jean-Louis Auduc :
« Il existe un véritable problème d’incompréhension entre les deux parties. Surtout dans le secondaire. Les institutions d’aujourd’hui n’ont plus aucun rapport avec celles qu’ont pu connaître les parents. Il existe un immense défaut d’information. Si vous vous penchez sur les filières technologiques par exemple, elles sont truffées de sigles et de termes que plus grand monde ne comprend. »

Comment améliorer cette communication ?
J.-L. A. :
« C’est d’abord à nous, acteurs de l’éducation, d’ouvrir les portes de nos établissements et d’en exposer le fonctionnement. C’est dans cet esprit que je milite pour toute une série d’outils de communication simples et clairs, destinés aux familles, qui expliquent comment se déroule la scolarité aujourd’hui. Par exemple, j’ai mis en place dans mon secteur La mallette des parents. Une sorte d’aide que les équipes éducatives utilisent pour animer la discussion avec tous les parents lors d'ateliers-débats. Attention, les enseignants ne sont pas seuls responsables. Il y a un effort considérable à fournir pour que la société s’intéresse à son école. Chez quelques voisins européens, des émissions de télévision sont consacrées au déroulement de la scolarité. En Belgique comme en France, pour ne citer que ces pays, on l’évoque uniquement de façon sensationnaliste. »

Rencontrer d’abord le prof sans l’enfant

Jusqu’où peuvent aller ces tensions ?
J.-L. A. :
« Je pense que chacun reste dans l’imaginaire de l’école qu’il a connue et se garde bien de la confronter à la réalité d’aujourd’hui. Il n’existe que très peu de rencontres au-delà de la convocation en cas de problème. Du coup, les tensions peuvent aller loin. Il arrive que des familles se montrent très agressives, que des tables soient renversées, que des menaces soient proférées. C’est rare, mais cela existe. La cause essentielle en est l’angoisse des parents par rapport à l’avenir de leurs petits. Si ça se passe mal, il ne faut pas hésiter à interrompre l’entretien ou à faire intervenir un tiers. Il faut s’efforcer de ne jamais monter le ton, sans quoi les deux parties s’embarquent dans une spirale d’où elles ne sortiront pas. Il est important de valoriser le rôle de chacun et surtout d’éviter que l’élève assiste à la rencontre. Il ne doit pas choisir un ‘camp’. En revanche, en fin de rencontre, si l’entretien a été profitable, parents et enseignant peuvent le faire venir et lui exposer ensemble, d’une même voix, les points d’entente. »

Plus concrètement ?
J.-L. A. :
« J’ai invité (terme que je préfère à ‘convoquer’) un couple pour lui exposer les difficultés de leur jeune fille. J’ai évoqué une orientation dans une filière technologique que je jugeais plus adaptée à cette élève. Pour les parents, cette proposition était incompréhensible. C’était comme si le ciel leur était tombé sur la tête. J’ai été invectivé : ‘Notre fille n’est pas une gogole’, m’ont-ils dit. Après quelques agressions verbales, j’ai rompu le dialogue. Là-dessus, je vais manger à la cantine où j’en parle à un collègue. Un membre du personnel de la cantine prend part à la discussion : il m’apprend qu’il a lui aussi suivi ce cursus et a ainsi obtenu une qualification qui lui a permis de trouver un emploi. Aussitôt m’est venue l’idée de le présenter à la jeune élève. Le courant est bien passé, à tel point que nous nous sommes de nouveau tous réunis avec les parents pour discuter tranquillement. L’orientation a bien eu lieu. J’ai su plus tard que cette jeune fille a trouvé du travail dans ce qu’elle aime et qu’elle est ravie. Il ne faut donc pas hésiter à confronter l’ensemble des personnels de l’établissement scolaire aux familles. Ils peuvent être témoins d’espoir. Beaucoup d’entres eux collent davantage à la réalité de certains foyers, plus que le professeur lui-même parfois. Voici la preuve qu’il n’existe pas qu’une seule manière d’aborder l’avenir. »



Yves-Marie Vilain-Lepage

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