Santé et bien-être

Parlons vite du porno pendant que le loup n’y est pas

Ils sont petits, ils sont innocents... et ils risquent de ne pas le rester longtemps. Deux de nos intervenants récurrents, Anne de Labouret, grapho-thérapeute, et Christophe Butstraen, médiateur scolaire et auteur d’un incontournable opus sur les bonnes pratiques du web, se sont plongés dans les dessous du porno sur internet. Il en ressort un livre avec un fait général accablant : nos enfants y sont sujets de plus en plus tôt. Comment on leur en parle ? Et comment trouver les mots alors qu’ils n’ont rien demandé ? Il est plus que temps de prendre le sujet à bras le corps…

Parler du porno aux enfants avant même qu’ils ne tombent dessus sur internet : comment l’idée vous est venue ?
Anne de Labouret
 : « C’est un sujet qui me tient à cœur, parce que j’ai été confrontée à la problématique. Et qu’en tant que maman, je n’ai trouvé aucun support pour pouvoir en parler. La question de départ est donc très simple : comment amorcer la discussion ? Question d’autant plus importante qu’aujourd’hui les enfants tombent dessus très tôt. Les études les plus récentes font le constat alarmant d’une moyenne d’âge de 11 ans pour les premiers visionnages. Certains experts parlent même de 9 ans. C’est une moyenne, ça veut dire que ça peut aussi arriver plus tôt. »
Christophe Butstraen : « Les lois devraient protéger ces petits. Elles existent, mais ne sont pas appliquées. Un enfant qui sait à peine taper quelques mots dans un moteur de recherche a de grands risques d’être confronté à du contenu pornographique. ‘Ken et Barbie’ ou ‘Casimir’ sont des termes qui parfois réservent des surprises. Ce risque est d’autant plus grand si une grande sœur, un grand frère ou un parent consomme de la pornographie sur ce même ordinateur. Le choc sera grand pour l’enfant qui découvrira, images à l’appui, les ‘nouvelles activités dévêtues’ de ses personnages favoris. »

Comment un enfant si jeune perçoit-il ces images ?
A. de L.
 : « L’enfant qui tombe malencontreusement sur du contenu trash prend tout pour argent comptant. Il pense que c’est comme ça que se déroule un acte sexuel. C’est imprimé. Ça a des conséquences sur son imaginaire et sur ses représentations. Idem chez un ado, me rétorquerez-vous, mais lui, il est plus armé, car il a conscience de son corps. Je ne minimise pas. Tous ceux qui sont tombés très jeunes – avant 10 ans – sur des contenus à caractère pornographique disent que ça a eu un impact sur leur sexualité et sur leur vie. »
C. B. : « Le problème, c’est que les enfants sont un peu seuls avec ça. Beaucoup de parents sont à des années-lumière de s’imaginer ce que leurs enfants peuvent visionner et surtout de la facilité avec laquelle on accède à ces contenus qui, sont, pour rappel et par une loi claire, exclusivement réservés aux plus de 18 ans. Il y a quelques années, dans une école, je suis tombé sur du contenu horrifiant qu’un petit garçon a montré (grâce à son smartphone) à une copine de classe âgée de 10 ans. Des scènes que je n’imaginais pas possibles. La gamine ne demandait rien et voilà les premières images liées à la sexualité qu’elle découvre. Notre livre n’est pas un plaidoyer pour ou contre la pornographie. Seulement, ces contenus s’imposent parfois aux enfants. Rester les bras ballants nous semble un peu irresponsable comme solution. »

Quid du porno comme porte d’entrée à l’éducation à la sexualité dont parlent parfois certains spécialistes ?
A. de L.
 : « Ça me semble une très mauvaise idée de se servir du porno comme support pédagogique. Il est inadapté, en ce sens que les films sont violents. On s’y insulte, la question du consentement y est traitée de façon catastrophique. Les répercussions sur nos enfants sont concrètes. De plus en plus de jeunes filles de 12-13 ans vont se faire des épilations intégrales. J’ai lu plusieurs fois sur des forums, des questions d’adolescentes qui, dans un langage un peu crû directement inspiré de ce qu’elles avaient vu, demandaient s’il fallait ‘faire les trois trous la première fois’, comme dans les films. »
C. B. : « C’est du cinéma. Il faut apprendre aux enfants que ce n’est pas comme ça que ça se passe dans la vie. Et pour cela, il ne faut pas les laisser seuls face à leurs représentations, parfois toxiques, souvent perturbantes. Dans la mesure où la société ne fait rien, cette responsabilité incombe aux adultes. Bien sûr, tout le monde n’est pas à l’aise avec ce type de thématique, et on ne peut pas juste dire aux parents : ‘Allez-y, parlez-en avec vos enfants’. »

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