Développement de l'enfant

Permis de conduire : mode d’emploi parental

Même si la voiture n’a plus le prestige d’antan auprès des jeunes, le permis de conduire reste pour beaucoup de nos grand·es ados un passage obligé vers l’autonomie. Révision du véhicule avant d’emprunter la route qui mène à l’obtention de ce fameux sésame en compagnie d’un instructeur d’auto-école chevronné et de quelques parents.

Compteur kilométrique

Filière libre ou auto-école ? Question habituelle qui émerge lorsque les grand·es ados se décident à passer leur permis de conduire. Pour nous éclairer, nous sommes allés sonder Jeff Nicaise, instructeur d’auto-école depuis vingt-quatre ans. On s’attendait à ce qu’il nous vante les mérites de l’auto-école. En fait, il est beaucoup plus nuancé.
« Non, je ne prêche pas pour ma chapelle. Pour moi, l’idéal, c’est de panacher. Au début, genre six heures d’auto-école pour avoir les bonnes bases. Ensuite, beaucoup de filière libre. Et enfin, avant de passer le pratique, un cours ou deux pour gommer les imperfections et se mettre dans le moule de l’examen ». Ce mélange est assez prisé. En Wallonie, il séduit quasiment un jeune conducteur ou une jeune conductrice sur quatre. À Bruxelles, ça grimpe à un·e sur trois.
« Franchement, apprendre à Emma des rudiments de conduite, c’était au-dessus de mes forces et de mes compétences. Elle a fait un peu d’auto-école et puis, j’ai pris le relais. C’était plus rassurant ». Étienne est satisfait de la formule panachée, Emma a réussi du premier coup le théorique et le pratique. « Mais on a beaucoup roulé », affirme le papa.
Le nombre de kilomètres parcourus durant l’écolage, c’est la clé du succès selon Jeff Nicaise. « En filière libre, il y a une obligation de faire au moins 1 500 kilomètres à consigner dans un roadbook. Plus ce roadbook est rempli, moins il y a d’échecs. Le taux de réussite est de 80% pour celui ou celle qui a roulé 3 000 kilomètres. À l’inverse, à Bruxelles et en Wallonie, il existe un système d’accès direct qui permet de passer son permis après avoir suivi trente heures d’auto-école. Cela peut paraître beaucoup, mais, au bout du compte, s’il y a les connaissances, il y a un manque d’expérience. Les résultats sont moins bons ».
L’accès direct n’est pas non plus plébiscité par VIAS, l’institut de sécurité routière. Dans une analyse publiée en 2022, il émet de sérieux « doutes quant à la capacité d’un conducteur à appréhender tous les dangers de la circulation après avoir seulement roulé pendant trente heures, d’autant que ces heures incluent des manœuvres. Elles sont par ailleurs prestées en journée pendant la semaine, ce qui ne permet pas au candidat de faire face à toutes les conditions de conduite. Cette formule n’existe d’ailleurs pas en Flandre ».      

Géolocalisation

« Le permis de conduire, Louis va le passer à Marche-en-Famenne. Il paraît qu’ils sont plus cools qu’à Namur ». Alexandra a validé l’option de son fils après avoir sondé quelques ami·es. Vrai ou pas ? On verra à l’usage, ce sera dans le courant du mois de septembre. Cela dit, il y a une petite mise en garde liée au choix de l’endroit où on passe son permis. Jeff Nicaise, notre instructeur, souligne que le Code de la route a été en partie régionalisé depuis 2015. Ainsi, les trois régions sont libres de fixer les limitations de vitesse, à l’exception des autoroutes.
Cette réforme a également donné aux Régions les compétences en matière de formation à la conduite, d’écoles de conduite et de centres d’examen. Si, au bout du compte, le permis est délivré au niveau fédéral, les formations et examens ont donc leurs particularités régionales. C’est une variable à prendre en compte, ce qui est valable en Wallonie ne l’est pas forcément à Bruxelles et encore moins en Flandre. « Le jeune doit toujours bien se renseigner sur les modalités de l’examen en fonction de la Région où il passe son permis pour ne pas avoir de mauvaises surprises », confirme Jeff Nicaise. Parmi les différences, on relèvera une formation en premiers secours qui est obligatoire à Bruxelles, mais pas en Wallonie.

► Pour dissiper tout malentendu, allez chercher l’info à la source. Tapez « permis de conduire » dans les moteurs de recherche de wallonie.be ou de mobilite-mobiliteit.brussels.

Cruise control

« La première fois qu’il a pris seul la voiture, j’étais en panique. Je sentais que je devais lui laisser son autonomie. Mais j’ai dû me faire violence ». Sylvie partage une grosse crainte de parent : l’angoisse de l’accident qui n’est jamais bien loin lorsque son ou sa grand·e ado prend le volant.
« Dans un premier temps, lance Jeff Nicaise, les parents ne doivent pas avoir peur de les accompagner. Parfois, ça rassure tout le monde. Le parent, comme le jeune ». L’instructeur aborde aussi un point très Ligueur, papas et mamans doivent être à l’écoute de leurs conducteurs et conductrices en herbe.
« Les parents font parfois, sans le savoir, des erreurs que les jeunes ont appris à corriger. Plus on conduit, plus on prend des mauvaises habitudes qu’il faut pouvoir remettre en question. Il y aussi le Code de la route qui peut avoir changé. Avoir l’humilité de se mettre en mode écoute ne peut que déboucher sur un win-win. »

Embrayage poussif

« Les enfants, ils ne sont plus vraiment pressés de passer leur permis de conduire. Martin, il est au-dessus de tout ça. Moi, de mon temps, la liberté, c’était ma voiture. Lui, c’est la trottinette ou les transports en commun ». Il y a comme une once d’incompréhension lorsque Jean-Philippe, papa de Martin, partage cette confession. Le monde a changé, les marqueurs de l’indépendance aussi.
Ce désintérêt grandissant des jeunes pour la voiture, Jeff Nicaise, notre instructeur de référence, le constate aussi. « C’est un changement générationnel, dit-il. Avant, les jeunes étaient plus motivés pour apprendre à conduire. Aujourd’hui, ce sont quasiment les parents qui décident qu’il est temps pour leur gamin ou leur gamine de passer le cap. Ou alors c’est une obligation professionnelle ».
Les chiffres sont là pour soutenir le propos de nos deux interlocuteurs. En 2022, le nombre de jeunes de 18 à 25 ans qui ont passé leur permis a chuté de 6,6% par rapport à l’année précédente. Bien sûr, le chiffre de 2021 avait été gonflé par un « rattrapage » Covid, mais ça n’explique pas l’ampleur d’une baisse qui s’observe depuis plusieurs années. Autre exemple chiffré ? En Région bruxelloise, en 2021, 648 jeunes âgés de 18 ans ont passé leur permis. En 2007, ils étaient plus de 2 200. La liberté automobile n’a pas le vent en poupe.
Cette évolution n’est pas sans influence sur le boulot de l’instructeur. « Si quelqu’un a de l’envie, mais n’est pas doué, on peut jouer sur la motivation. Mais si l’apprenant freine des deux pieds parce que ce n’est pas son choix, la formation est plus ardue ». Reste que pour certain·es, obtenir le document qui permet de prendre le volant relève de la nécessité. « J’ai l’impression que la désaffection touche surtout les villes où les alternatives sont plus nombreuses ». Un sentiment qui se traduit effectivement dans les statistiques.
Au-delà d’une utilité contestée en milieu urbain, le permis de conduire chez les 18-25 ans fait aussi les frais d’une voiture qui n’a plus bonne presse. Elle est pollution, elle est danger et, en plus, elle ruine votre budget. Passer son permis devient, en effet, de plus en plus coûteux. Ainsi, en Flandre, une formation supplémentaire obligatoire a été mise en place pour les jeunes conducteurs et conductrices. L’initiative est louable, le « terugkommoment » les sensibilise aux comportements dangereux… mais elle coûte quand même 122 €. Cette somme ajoutée à celles dépensées pour les séances d’auto-école et les examens constitue au final un joli petit montant qui peut être dissuasif.

BON À SAVOIR

Tableau de bord

  • 17 ans : l’âge où on peut débuter l’apprentissage, le permis lui ne peut être passé qu’à 18 ans.
  • 16 € : en Wallonie, c’est le coût de l’examen théorique, mais aussi du test de perception des risques (désormais obligatoire) en Wallonie. L’examen théorique, c’est 18 € à Bruxelles.
  • 40 € : c’est le coût de l’examen pratique en Wallonie, c’est 43 € à Bruxelles. Le tarif bruxellois inclut le coût du test de perception des risques.

Boîte à gants

Un point à ne pas négliger, les assurances. Renseignez-vous auprès de votre courtier pour voir s’il est intéressant, par exemple, de qualifier votre grand·e ado de conducteur ou conductrice du véhicule.
Au rayon paperasse, informez-vous aussi auprès de votre mutuelle. Elle fait peut-être partie de celles qui font de l'aide à la filière libre. « Elles embauchent des instructeurs auto-école et offrent quelques heures de conduite à prix très compétitifs aux enfants de leurs affiliés s’ils ont un permis de conduire provisoire », nous tuyaute Jeff Nicaise.

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