Développement de l'enfant

Pour un soutien parental réaliste et positif

Dans un monde secoué, les grand·es ados ont plus que jamais besoin de sentir qu’ils ou elles peuvent compter sur leurs parents. Un soutien potentiel dont l’efficacité tient notamment à sa verbalisation.

« L’âge des grands ados, il se situe entre 16 et 23 ans. C’est un moment de transition, de grands changements. Avec un statut social ‘différent’ et pas toujours confortable. Ils et elles accèdent à la majorité, sans avoir un statut d'adulte pour autant. Bref, cette tranche d’âge est beaucoup plus livrée à elle-même, plus responsabilisée dans les choix qu'elle pose, sans avoir encore les libertés dont bénéficient les adultes ». Sophie Maes plante le décor. Pédopsychiatre, thérapeute de la famille, mais aussi responsable de l’équipe mobile des grands ados, elle explore le sujet sans relâche. Pointant les éléments qui soulignent toute l’importance du soutien parental.

Comment se situent les grands ados par rapport à la société en général ?
Sophie Maes :
« La société fait peu de place aux jeunes. On est même confronté, je dirais, à une forme de lâchage du côté du social. Exemple, toutes et tous ne vont pas poursuivre des études supérieures. Donc, le jeune de 18, 19, 20 ans qui cherche un emploi va être questionné, va rencontrer du doute quant à ses capacités, des freins lorsqu’il s’agira de trouver un premier emploi. Il y aura aussi des freins lors des démarches administratives, dans la recherche d’un logement, lors des discussions avec un propriétaire. C’est comme si la jeunesse, au niveau social, était synonyme de manque de fiabilité et de compétence. Elle se retrouve dès lors face à des adultes dont l’attitude est un peu hautaine, méfiante. C'est difficile pour un jeune de se faire entendre dans ce contexte-là. »

D’où l’importance de l’encadrement familial ?
S. M. :
« Le grand ado doit savoir qu’il ou elle peut s’appuyer sur ses parents qui peuvent être utiles et nécessaires dans toutes les démarches. L’autonomisation ne se fait pas d’un coup. À l'image des oisillons qui apprennent à voler, il doit y avoir la possibilité d’effectuer des allers-retours entre le monde extérieur et le nid familial. De s'entraîner avant de prendre un envol définitif. Mais, voilà, ce n’est pas toujours permis, possible, compris, tant dans le chef du jeune que dans celui de ses parents. Trop souvent, c’est comme s’il fallait à un certain moment quitter le nid et ne pas y revenir. Pourtant, je pense que ce qui peut vraiment aider les jeunes, du côté de la structure familiale, c'est de permettre justement ces allers-retours. Le moment de l'envol varie vraiment d'un jeune à l'autre, cela dépend de nombreux facteurs. Principalement du degré de maturité du jeune, de son sentiment de sécurité interne, de la confiance qu'il peut avoir en lui, de ses perspectives. Cela dépend aussi de la qualité de la relation avec sa famille, avec les parents. »

La famille joue un rôle de refuge ?
S. M. :
« Il doit y avoir un contrepied face aux exigences de la société qui n’est pas prête à donner aux jeunes le droit à l'échec. Alors qu'ils et elles sont dans une période de complète construction, on leur donne de moins en moins la possibilité de douter, de se trouver, de se chercher, de changer d'orientation en cours. Regardez le débat autour du décret Paysage.
On minimise cette pression sociale sur les jeunes. Un jeune qui sort de l'école, tant qu'il n’a pas travaillé un an, il n’a pas accès au chômage. Un jeune qui vient d'avoir son permis de conduire, il va payer cher et vilain l’assurance de sa première voiture. Les banques, même chose, elles accueillent les jeunes quand il y a de l'argent à déposer. Mais dès qu'il s'agit d'un emprunt, ce n’est plus vraiment le cas. Au niveau social, le jeune est considéré pour son potentiel économique, lorsqu’il y a quelque chose à dépenser. En tant que consommateur, il est extrêmement prisé, mais dès qu’il est dans une position plutôt de citoyen, il est vraiment traité comme un citoyen de seconde zone. »

Les parents ont parfois l’impression de ne pas se sentir efficaces dans leur rôle de soutien.
S. M. :
« Pour les parents, c'est compliqué, ils se retrouvent dans un monde qui a terriblement changé depuis vingt-cinq ans. Et ce n’est pas fini. Il va falloir s'adapter à une mutation sociale, écologique, économique. Tout cela inquiète légitimement. C'est difficile, pour les parents, d'avoir pleinement confiance en l'avenir de son enfant quand on n'a pas déjà confiance en l’avenir tout court.
La meilleure attitude ? Croire en la capacité d'adaptation de son enfant et pouvoir lui garantir qu'en tout cas, la famille sera là pour le soutenir, l'aider, lui donner la possibilité de faire des choix, des erreurs, des allers-retours. Il s’agit aussi de pouvoir reconnaître qu'il y a une forme d'injustice. Et qu’on est prêt à descendre dans la galère avec lui pour l'aider à ramer. Je pense que ça, c'est quelque chose qui peut déjà beaucoup aider. Il faut dès lors bannir cette espèce de compétition de la souffrance qui pousse à dire : ‘Oui, mais tu sais, à notre époque, il y avait la guerre en Irak, il y a eu des crises boursières, et on ne savait pas non plus de quoi le lendemain serait fait’.
Plutôt que d'être dans une anticipation anxieuse et une volonté de contrôle, c’est plus constructif d’avoir confiance dans ses enfants. Pour rester positif, on peut aussi se dire que la moitié des emplois de demain n'existe pas encore aujourd'hui. Ça veut dire qu’il y a des choses qui vont s'ouvrir. Les jeunes auront donc l'opportunité de rebondir à un moment ou un autre. »

Avec l’assurance que les parents seront là dans les situations difficiles.
S. M. :
« Savoir qu’on peut compter sur ses parents en cas de coup dur, c’est important. Si on est en mesure d’apporter un soutien financier, il faut le verbaliser. Cela ne veut pas dire qu'on ne croit pas dans la capacité de réussite du jeune. Cela veut plutôt dire qu'on partage avec lui un sentiment d'instabilité du monde dans lequel nous vivons. Mais tout cela en étant effectivement dans quelque chose d'optimiste et de positif par rapport à la capacité du jeune à pouvoir rebondir tout en étant quand même conscient que le terrain sur lequel il va devoir bâtir sa vie est très instable. Si c’est inondable, on construit sur pilotis, et puis, si ça casse, on retroussera ses manches et on reconstruira. Je pense qu'on peut être en même temps positif et réaliste. »

ZOOM

Quand faut-il s’inquiéter par rapport aux capacités de rebond de son enfant ?

« Lorsqu’il se met à l’arrêt, procrastine, ne tente plus rien, ne se donne plus de perspectives, là, c’est préoccupant. Mais, souvent, les parents vont s’inquiéter alors que leur enfant est dans une dynamique qui n’est pas la leur. Chez les grands ados, c'est important de soutenir le désir, le rêve. C'est ça qui va leur donner l’envie de tester des choses. Et de leur donner la possibilité, malgré le discours ambiant, de se donner le droit effectivement de tester, de ne pas nécessairement choisir la facilité. De choisir, par exemple, le plaisir de l'étude plutôt qu’un contrat garanti. »

EN PRATIQUE

Une chambre au cas où

« Aujourd’hui, les jeunes sont beaucoup plus soumis aux aléas de la vie. Les loyers sont devenus très chers. Celui qui était parti vivre en couple, peut, très bien, après une séparation revenir chez ses parents parce qu’il n’a pas les moyens d’assurer seul son logement. Raison de plus pour permettre à ces jeunes de faire encore des allers-retours et de pas conclure trop rapidement qu’ils sont véritablement partis. D’où mon conseil de ne pas, tout de suite, réaménager l'ancienne chambre en bureau. Je pense qu'il est important de permettre à nos grands ados, quand ils commencent à s'autonomiser, de savoir qu’il y a une place pour eux, au cas où. »

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