Crèche et école

Pourquoi agite-t-on la peur de l’échec ?

Ils ont 11-12 ans et sont en début de secondaire. Ils sont en pleine construction dans leur corps et dans leur tête. Alors qu’ils ont tellement besoin de se situer positivement, beaucoup de choses, à l’école, passent par des sanctions négatives. Cette éducation par la peur de l’échec peut faire des dégâts : perte de confiance en soi, somatisations, dépression, décrochage scolaire…

Entrer en secondaire, c’est enthousiasmant, mais ça fait peur aussi. Marion et son copain Brieuc ont connu ça. On leur avait bien expliqué que c'était un grand changement, mais là ce fut très dur. Marion aurait bien voulu y être accueillie comme l'a été sa copine Justine. Dans l’établissement de Justine, les enfants de 1re secondaire sont parrainés par des plus grands qui leur expliquent les coulisses de l'école. Les grands racontent les profs, la cantine, les règles et habitudes quotidiennes. Ils aident à rendre plus familière cette grande école qui impressionne.

Des pressions de tous côtés

Et puis, il y a la réalité des cours, donnés par des profs multiples, aux exigences variées et aux discours plus ou moins inquiétants. Les enfants sentent la pression : il faut travailler beaucoup plus, avoir une méthode de travail, programmer son emploi du temps et, surtout, ne pas avoir d'échec, sinon on double. « Et si tu n'y arrives pas, tu devras changer d'école ». Une menace terrible pour un enfant qui vient déjà de subir un grand changement.
Marion, Brieuc et leurs copains sont en pleine évolution physique et psychique. Ils grandissent dans tous les sens. Ils ne sont plus des enfants et deviennent des ados avec de nouvelles préoccupations. Ils s'intéressent au monde, à la politique, au sexe opposé. Les parents et l'enseignant ne sont plus les seules personnes de référence. Ils risquent de tomber de leur piédestal, et ce, d'autant plus lourdement qu'ils y étaient haut placés. Les échanges avec les copains prennent de plus en plus de place. Les profs ne sont pas toujours du même avis. Internet et les médias déversent leurs nouvelles souvent catastrophiques. Que de choses à intégrer à un moment aussi critique de l'existence, un moment où la confiance en soi est si fragile ! À 11-12 ans, les enfants sont, en effet, en pleine construction d’une nouvelle image d’eux-mêmes. « Vais-je réussir ? Vais-je avoir des copains ? Les garçons ou les filles, comment ça marche ? Va-t-on m'aimer ? »
Il y a aussi les phénomènes de marques et de mode. Il faut avoir les vêtements de cette marque-ci et les accessoires de cette marque-là, sous peine de se voir rejeté par le groupe des « populaires ». Encore un risque pour Marion, Brieuc et les autres, risque d'autant plus grand que les amis d'école primaire ne sont plus toujours avec eux et qu'ils doivent se faire un nouveau groupe de copains.

Motiver les jeunes

Beaucoup de jeunes de 1re et de 2e secondaire sont complètement perdus. Ils dépriment. Ils somatisent. Ils ont mal au ventre ou à la tête. Ils ont du mal à se lever le matin. Ils sont hantés par l'idée de l'échec, la crainte de doubler. Et si leurs parents se sont démenés pour qu'ils entrent dans l’école où ils sont, il faut qu'ils y restent ! Encore une pression de plus…
Et puis, arrive le premier bulletin. Les échecs sont soulignés en rouge ou notés en gras. C'est ce qui ne va pas qu'on voit en premier lieu. Comme si nos jeunes allaient construire leur avenir sur ce qui ne va pas. Ils se concentrent alors sur ces échecs, au détriment de leurs compétences et de leurs intérêts, et tous les résultats deviennent médiocres. Quand donc les bulletins valoriseront-ils les performances, qualités et dons des enfants ? Quand donc mettront-ils en évidence leurs compétences ? Les deux premières années du secondaire devraient être des années d'observation qui permettent aux jeunes et aux adultes qui les entourent de mieux savoir qui ils sont, ce qu'ils aiment, les matières où ils sont bons, celles qui les intéressent, celles qu'ils ont plaisir à apprendre. Or, ces deux années sont pour beaucoup d'enfants l'épreuve sélective et éliminatoire pour la suite de leur scolarité.
La reconnaissance des compétences, les sanctions positives (par exemple, leur proposer des contrats, des objectifs, les féliciter et les encourager) seraient tellement plus efficaces pour motiver les jeunes. Il y aurait probablement beaucoup plus de réussites et moins de décrochages scolaires. Plutôt que de dire qu'il faut travailler pour éviter les échecs, pour ne pas rater, pourquoi ne pas dire qu'il faut travailler pour réussir, pour remplir sa tête de bonnes choses ?
On ne va pas à l'école pour faire plaisir aux adultes, mais pour soi-même, pour apprendre, comprendre, se donner des outils pour avoir la liberté de choisir un métier qui nous plaise. Pour, plus tard, se lever le matin et être content d'aller travailler.



Mireille Pauluis

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies