Développement de l'enfant

Précieuses petites oreilles…

Otites à répétition, baisse d’audition, etc., avec les conséquences éventuelles : infections plus importantes, tympans abîmés, retard de langage. Tendons l’oreille pour bien soigner les leurs ! Rencontre avec Anne-Laure Mansbach, O.R.L. pédiatrique à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola à Bruxelles.

Observez-vous un accroissement des otites chez vos petits patients ?
Anne-Laure Mansbach : « Ces problèmes sont beaucoup plus fréquents qu’il y a cinquante ans. Pourquoi ? Parce que tous les enfants vont à la crèche ! C’est un endroit inadapté au petit sur le plan infectieux, car il n’a pas encore de défenses immunitaires et il ne sait pas se moucher. Or, il se retrouve en permanence dans un bain microbien. Il est vrai que l’enfant doit faire son immunité, mais plus il est jeune, moins il est armé pour se défendre. Si l’enfant n’a que le nez qui coule pendant toute l’année, ce n’est pas grave. Mais c’est rare. Il a des cavités très communicantes : après les rhumes - qui sont chez le petit des rhino-sinusites -, viennent les bronchites, bronchiolites, otites… ».

Quels sont les autres facteurs favorisant ces infections ?
A.-L. M. :
« Jadis, l’exagération de la prise d’antibiotiques. Si le médecin ne prescrivait pas d’antibiotiques, les parents n’étaient pas contents et allaient voir ailleurs, pensant que l’enfant guérirait plus vite s’il en recevait et qu’il serait mieux protégé des complications. On ignorait les risques de ces prescriptions rapides et systématiques, notamment l’apparition de germes plus résistants au traitement, plus agressifs, le retard d’immunisation... La sonnette d’alarme a été tirée depuis plusieurs années : pas d’antibiotiques pour des infections banales ! »

Quid de la pollution ?
A.-L. M. : « Ce facteur entre aussi en compte. Il y a encore d’autres explications… On pense aussi que parce que le niveau d’hygiène a augmenté, les enfants s’immunisent moins bien, mais le facteur principal reste la fréquentation de la crèche. L’enfant, à peine guéri, s’y retrouve à nouveau. Or les muqueuses ont besoin de temps pour se calmer, pour se désenflammer. Les petits n’ont pas le temps de récupérer, la vie actuelle n’est pas adaptée à leur rythme de guérison. »

Pas le temps de guérir

À quoi les parents doivent-ils rester attentifs ?
A.-L. M. : « Les problèmes d’oreilles de la petite enfance sont pratiquement toujours consécutifs à l’état du nez. Il faut absolument moucher l’enfant ! On ne peut pas le laisser avec un nez qui coule en continu. Surtout pas si ce nez coule vert-jaune. Pour ma part, je prescris des gouttes désinfectantes et fluidifiantes. Même s’il apprécie moyennement la chose, il est important d’aspirer le nez du nourrisson. Ensuite, il faut apprendre à l’enfant à se moucher. Tout ce qui sera retiré du nez n’ira pas dans les oreilles ! »

Quand consulter un spécialiste ?
A.-L. M. : « Normalement le pédiatre propose aux parents de rencontrer un spécialiste lorsqu’il a un doute sur l’évolution de l’oreille et estime qu’un contrôle approfondi est nécessaire ou si la guérison n’est pas complète après trois mois. Après une otite aiguë, il faut toujours un contrôle chez le pédiatre ou le généraliste après un mois, même si l’enfant ne se plaint plus, ce qui est la réalité dans la majorité des cas. En effet, beaucoup d’enfants gardent encore du liquide derrière le tympan : c’est l’otite séro-muqueuse. Elle ne fait pas mal. »

À propos d’interventions, sont-elles légion chez les tout-petits ?
A.-L. M. : « Cela dépend de la situation et du médecin. Une mise au point permet de voir s’il n’y a pas un facteur favorisant : allergie, volume trop important des végétations, reflux gastro-œsophagien, problème d’immunité, particularité d’anatomie...
Pour un petit pourcentage d’enfants, on peut ainsi supprimer la ou les causes et la situation s’améliore nettement. Mais beaucoup n’ont aucun facteur favorisant, si ce n’est qu’ils sont dans un environnement pollué par les microbes. On trouve des moyens pour améliorer la situation en s’adaptant aux particularités de chaque enfant. Il n’y a pas de garantie absolue d’efficacité. Certains médecins prescrivent des antibiotiques au long cours. Une autre possibilité est de poser un drain, c’est-à-dire une sorte de petit aérateur qui reste en place quelques mois puis s’expulse tout seul. Cette intervention demande une petite anesthésie générale. Techniquement, ce n’est pas lourd et ce n’est pas douloureux pour l’enfant, mais il est important d’aller dans un endroit où il y a un service d’anesthésie pédiatrique. »

Que pensez- des traitements alternatifs comme l’ostéopathie, l’homéopathie ?
A.-L. M. : « Il n’y a rien de prouvé, car les statistiques sont impossibles, puisque dans ce type de médecine, il n’y a pas de systématisme. Je dis toujours aux parents : ‘Si vous voulez essayer, essayez. Mais revenez me voir’. Il y a risque si les parents ne reviennent pas consulter le médecin, on se retrouve alors quelques années plus tard devant un tympan très abîmé. »



Sarah Colasse

La question

Comment savoir si son audition est entamée ?

  • Vers l’âge de 1 an, l’enfant doit se retourner, chercher la source sonore et dire ses premiers mots.
  • Vers 2 ans, il doit comprendre un ordre complexe comme « Apporte la pomme » et dire des petites phrases simples de deux ou trois mots.
  • Attention, certains enfants ont des retards de langage parce qu’ils sont en proie à un problème de climat familial. Quelle qu’en soit la cause, les retards de langage doivent être rapidement repérés - de préférence avant 3 ans -, car le système auditif central est en pleine maturation, très malléable durant cette période. Après, il est plus difficile de rattraper le temps perdu…

Autant savoir

IL FAIT DES OTITES TOUT LE TEMPS…

… et les parents s’affolent. En fait, c’est la première otite qui n’a jamais eu le temps de guérir complètement. En effet, pratiquement aucun parent ne peut assurer un retrait de la crèche pendant au moins six semaines, délai obligatoire pour qu’une oreille de nourrisson guérisse.

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies