Loisirs et culture

Prix Bernard Versele : livreur de belles pages depuis 40 ans

De 1979, date de sa création, à aujourd’hui, le prix Bernard Versele n’a pas pris une ride. En quarante ans, son jury si particulier s’est amusé à surprendre, à innover, mais toujours avec son regard critique. Preuve en est avec cette version 2019 des résultats.

Depuis la rentrée de septembre, les 25 livres présélectionnés pour le Prix Bernard Versele sont passés de main en main dans les bibliothèques, les écoles, les familles... Et depuis le début du printemps, les bulletins de vote, plus de 50 000 cette année encore, ont afflué de toutes les régions vers la Ligue des familles. Essentiellement par voie postale ou par l'intermédiaire des passeurs de livres. À noter que – le phénomène mériterait d'être analysé – le recours à internet reste minoritaire. Comme toujours, pas mal de ces bulletins étaient enrichis de dessins et de petits mots. Et ça, ce n’est que du plaisir !

2019 n'est pas une année comme les autres : elle marque et fête les 40 ans du Versele. Rendez-vous compte : ceux et celles qui avaient 10 ans en 1979 ont à présent l'âge d'être grands-parents ! Soit dit en passant, il est réjouissant de constater que pas mal de livres primés au cours de ces quarante années sont devenus des classiques de la littérature jeunesse.

Certes, en quarante ans, le Versele a changé. Dans son organisation, dans son impact et dans les choix de lecture qu'il propose. Ci-après, vous découvrirez les titres que les enfants ont choisis pour ce nouvel opus. Un par compétence de lecture, nos fameuses chouettes. On y a joint les titres arrivés deuxième dans les votes. Faut-il préciser que la carrière de ces dix livres est loin d'être terminée ? C'est en effet une des spécificités du Versele : dénicher les livres exceptionnels, les faire connaître et apprécier par le plus d'enfants possible et – en attirant l'attention sur eux – leur permettre aussi d'entamer une vie nouvelle.

1 chouette (dès 3 ans)

Poto le chien

Andrée Prigent – Didier Jeunesse

Un album malicieux qui parle de fidélité, d'amour et de liberté. Un texte qui joue sur les répétitions. Et des images qui sont travaillées comme des linogravures.
À n'en pas douter, les enfants se sont identifiés à Poto, ce jeune chien abandonné qui a débarqué au village. Ils l'ont suivi pas à pas dans ses démêlés avec la charcutière, l'épicier, le jardinier et le coiffeur. Aucun d'eux n'est véritablement méchant. Ce sont de braves gens comme il y en a des milliers. Mais comme dit la chanson, les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. Heureusement que le boulanger est bienveillant et que l'ami Marcel a un cœur d'or !

Ils ont aimé aussi

Oh, hé, ma tête !

Shinsuke Yoshitake – Kaléidoscope (trad. Corinne Atlan)

Les jeunes lectrices et lecteurs le confirment : cet album, aussi dynamique qu'un film d'animation, est tout simplement désopilant. Il s'agit pourtant d'un drame raconté en direct par la victime elle-même, un petit garçon qui avait décidé de se déshabiller tout seul à l'heure du bain et qui se retrouve la tête coincée dans son tee-shirt. Suspense, questions existentielles, manœuvres infructueuses… et, à la fin, c'est Maman – passablement énervée – qui sauve la situation. Tout est bien qui finit bien. Oui, sauf qu'après le bain se profile une nouvelle entreprise à risque : enfiler tout seul un haut de pyjama.

2 chouettes (dès 5 ans)

Capitaine Maman

Magali Arnal – l'école des loisirs

Archéologue sous-marine n'est pas un métier de tout repos. Sur son joli bateau jaune poussin, avec sa partenaire Quartier-Maître Mémé, Capitaine Maman en fait l'expérience tous les jours. Aujourd'hui, alors qu'elle tente de remonter une énorme tête de pierre, elle frôle même la catastrophe. Heureusement que trois petits polissons – passagers clandestins – connaissent le maniement d'un sous-marin de poche.
Les jeunes votants ont plébiscité cet album qui, sous ses couleurs pastel, dit des choses essentielles. Et qui, en plus, n'hésite pas à se faire documentaire sans que jamais les explications techniques ne prennent le pas sur le suspense de l'aventure.

Ils ont aimé aussi

Le ruban

Adrien Parlange – Albin Michel Jeunesse

Un ballon, un funambule, une boisson, un repas… Le ruban est un imagier, n'est-il pas ? Certes, mais les petits ont très vite repéré – souvent bien plus vite que les grands – le fin lacet jaune inséré dans le bas de la reliure. En reprenant la lecture depuis le début, ils ont découvert que ce fin lacet change de fonction, double page après double page, passant du fil du ballon à celui du funambule, de la ligne de la canne à pêche à la langue du serpent… glissant même du concret au conceptuel. De quoi prolonger chaque image – jaune, cuivre et bleu nuit – en dehors de la page. De quoi jouer avec les formes. De quoi construire, à chaque fois, toute une histoire.

3 chouettes (dès 7 ans)

Minute, papillon

Gaëtan Dorémus – Rouergue

Une petite promenade à travers cet album vous fera partager l'enthousiasme des jeunes votant·e·s. Observez d'abord la succession des planches sur les pages de gauche. On les croirait extraites d'un traité de botanique consacré aux légumes de nos jardins. Sur chacune d'elles, une chenille – minuscule – se nourrit. Ce qu'à droite un commentaire précise avec le plus grand sérieux.
Mais, minute papillon, un peu plus bas, la chenille – énorme – proteste. Elle se présente comme un ogre, déclare ne pas aimer les légumes et prétend se nourrir de baleines, de dinosaures, de lutins, voire de petits enfants.
Sur le fond blanc des pages, ses mots grandissent en même temps que sa véhémence. Quant à son corps, témoin de sa mauvaise foi, il prend peu à peu les couleurs des légumes grignotés. Mais regardez à nouveau les planches botaniques : cette aubergine n'a-t-elle pas un petit air de baleine ? Cette carotte, une ressemblance avec un lutin ? Et cette courgette avec un dinosaure ? La fin de l'histoire, vous pouvez la deviner en partie. Elle est d'ailleurs annoncée sur la couverture.

Ils ont aimé aussi

La révolte des lavandières

John Yeoman – Quentin Blake – Gallimard Jeunesse (L'heure des histoires – trad. Catherine Denis)

Une révolte contre un patron exploiteur – Monsieur Lerat porte bien son nom –, ce n'est pas un sujet que l'on rencontre tous les jours dans un livre pour enfants. D'autant moins que l'édition originale de celui-ci date de 1979. Dans leur ras-le-bol, elles n'y vont pas de main morte les sept lavandières, lâchant les animaux du marché, maraudant dans les vergers, dévalisant une boutique, provoquant du vacarme dans une église… Bref, multipliant les ravages.
Même si, à la fin, tout rentre dans l'ordre ou à peu près et qu'il n'y a pas eu mort d'homme, les auteurs se sont sans doute bien amusés en imaginant cette joyeuse aventure. De même que les enfants lecteurs en la découvrant.

4 chouettes (dès 9 ans)

Ma grand-mère est une terreur

Guillaume Guéraud – Rouergue

Les grand-mères sont légion dans les romans pour enfants. Mais celle-ci ne ressemble à aucune autre. Comme dit son petit-fils, le seul point commun entre elle et la grand-mère du Petit chaperon rouge, c'est qu'elle vit dans une maison isolée au milieu des bois, dans un endroit paumé que personne ne connaît. Elle a de la suite dans les idées, un énorme pouvoir de persuasion, un sens aigu de la justice et du bien commun… et accessoirement un marteau et une faucille qu'elle garde pour les grandes occasions. Bref, les Autorités qui ont décidé de faire abattre des centaines d'arbres afin de construire une route à travers la forêt n'ont pas mesuré leur imprudence.
Les enfants ont sauté à pieds joints dans ce roman où tout est dérision, caricature, mais aussi bonhommie et chaleur humaine. Sans doute ont-ils été conquis par le rythme endiablé du récit. Et peut-être même aussi par la manière dont l'auteur manie les mots, passant avec aisance du langage oral à la prose poétique.

Ils ont aimé aussi

Tout sur les tremblements de terre

Perceval Barrier – Matthieu Sylvander – l'école des loisirs

Les enfants ne se sont pas laissé abuser par le sérieux du titre. Ils ont compris que ce qu'ils avaient entre les mains n'était pas un docte ouvrage documentaire, mais bien un petit bijou de fantaisie mordante signé par deux compères qui n'en sont pas à leur coup d'essai (Rappelez-vous Trois contes cruels).
Le cadre : une grande plaine avec une rivière, des cactus et un tipi. C'est là que vivent Tablette Tactile et Aigle Tremblotant. Ce dernier a passé sa vie à compter les tremblements de terre. Il en est à 2 556 761. Or, voici que débarque Bob dans son camion. Bob, un promoteur plus blanc que blanc, assez ignare mais qui ne doute de rien. Les conseils de Tablette Tactile et la sagesse pince sans rire d'Aigle Tremblotant seront-ils suffisants pour que grandisse, dans la grande plaine déserte, la ville immense que Bob a décidé de construire ?

5 chouettes (dès 11 ans)

Sally Jones. La grande aventure

Jakob Wegelius – Éditions Thierry Magnier (trad. du suédois par Agneta Ségol et Marianne Ségol-Samoy)

Voici un roman animalier, traité à l'ancienne dans la grande tradition des feuilletons du XIXe siècle. Les enfants ont été séduits. Comment ne pas l'être, quel que soit son âge ? Un petit résumé, de quoi vous mettre au parfum...
Il y a environ cent ans, dans un Congo qui venait d'être colonisé, une petite gorille fut arrachée à sa mère par des braconniers. Elle fut vendue à un marchand d'ivoire turc, on la fit passer pour un bébé humain et on la prénomma Sally Jones. De bateau en camion, on la fit bourlinguer à travers le monde entier, ce ne fut pour elle qu'une succession de cages et de prisons. S'il lui arriva de faire des rencontres chaleureuses, elle fut le plus souvent trahie. Mais comme cette petite gorille était particulièrement douée, elle apprit à lire, à écrire, à danser, à conduire un camion… et à se faire un ami dans le monde des humains.

Ils ont aimé aussi

Y a pas de héros dans ma famille !

Jo Witek – Actes Sud Junior

Parmi les ouvrages proposés dans la catégorie 5 chouettes figuraient quelques romans. Chacun d'entre eux a reçu sa part de voix. Mais celui-ci sort du lot. Dans certaines régions, il est même arrivé en tête des votes. Il est centré sur la découverte par Maurice – le jeune narrateur – de l'existence de « milieux » différents.
Dans le sien, « ça parle fort, ça hurle du dedans et du dehors, ça dit des gros mots. La télé aussi parle fort comme les jeux vidéo ». Alors que chez son copain Hyppolyte avec qui il prépare un exposé sur les calamars : « En entrant dans leur jardin, j'ai compris. En découvrant leur belle maison aussi. Chez Hippolyte, c'était comme à l'école. Pareil. Calme, propre, bien rangé, silencieux ».
Ce qui focalise l'attention de Maurice, c'est le mur de photos arborant les membres connus de la famille. « Certains sont morts mais ils ont tous été célèbres ». Et Maurice d'être consterné par cette révélation : « Chez nous, y avait pas de héros. Rien que des zéros ! ».
À partir de là, son regard sur sa propre famille va changer et l'histoire va commencer pour de vrai. Car les héros ne sont évidemment pas toujours ceux qu'on pense.

 


Maggy Rayet

 

 

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