Santé et bien-être

Maladie grave : quand les factures font souffrir comme la maladie

Le poids de la maladie sur le budget familial peut peser très lourd

Un parent sur cinq est confronté à la maladie grave et la moitié des familles touchées rencontre des difficultés financières. Des structures et services peuvent aider et faciliter un peu de ce quotidien compliqué.

Dominique, maman de trois adolescents, venait de fêter ses 50 ans lorsque le pneumologue lui découvre une tâche suspecte sur le poumon droit. Pendant deux mois, l’institutrice maternelle enchaîne les rendez-vous médicaux. Puis tombe le diagnostic : cancer. Un tiers du poumon doit être retiré. L’opération est planifiée en juin pour ne pas trop affecter les enfants et permettre à Dominique de se remettre de l’intervention pendant l’été.
« Ma maladie n’a heureusement pas eu trop de retentissement financier. L’hospitalisation et les honoraires ont été pris en charge par notre assurance, qui rembourse tous les frais un mois avant et trois mois après. L’impact sur mon salaire ne s’est fait ressentir qu’au mois de juin. Finalement, ce qui m’a coûté le plus cher, c’est l’acupuncture, car la séance revient à 50 € et rien n’est remboursé par la mutuelle. Mais j’ai maintenu le rendez-vous chaque semaine, car c’est ce qui soulageait le mieux la douleur. Et puis, les frais continuent après avec les examens de contrôle (spirométrie, IRM, pet scan) et les consultations chez les spécialistes. Heureusement, ils s’espacent au fil du temps. »

Bérengère, 42 ans, maman solo de jumelles de 10 ans, témoigne d’une maladie mentale. « En janvier 2019, j’ai fait un énorme burn-out. J’étais dans un état d’épuisement tel que je n’étais plus capable de lire ni de comprendre ce qu’on me disait, je ne parvenais plus à m’occuper de mes filles ou à travailler. Je passais des nuits entières à ne pas fermer l’œil, tellement j’étais épuisée nerveusement, et des semaines recroquevillée en boule dans mon lit ».
Bérengère perçoit alors 60% de son salaire via la mutuelle. Impossible pour elle de faire face aux dépenses de santé. Mais les frais de soins de santé en médecine parallèle ne sont pas pris en charge. C’est pourtant via la naturopathie et l’homéopathie qu’elle parvient à retrouver le sommeil et de l’énergie. Elle demande une aide financière à ses parents.

Après huit mois d’absence, Bérengère reçoit un appel de l’avocat de son employeur qui souhaite mettre fin à son contrat. Entre temps, elle passe en invalidité du côté de la mutuelle, ce qui lui permet de percevoir une indemnité un peu plus élevée étant seule avec deux enfants à charge. Elle fait appel au service d’un avocat pour défendre ses intérêts. Bérengère évite ainsi le C4 médical et obtient des indemnités.
Dominique et Bérengère témoignent toutes deux de l’impact financier d’une maladie grave. D’un côté, un impact modéré pour Dominique qui parvient à combiner avec son travail et peut aussi compter sur les revenus de son mari et une bonne assurance. De l’autre, un impact conséquent pour Bérengère, maman solo, qui perd son travail. « Sans mes parents et ma meilleure amie, je ne sais pas où je serais aujourd’hui ».

Plus de 1 parent sur 5 touché par la maladie grave

Un ménage sur cinq est touché par la maladie grave en Wallonie et à Bruxelles. Ce sont même 22% des parents qui en souffrent selon le Baromètre 2020 de la Ligue des familles. Parmi les ménages concernés, la moitié rencontre des difficultés financières. Alors que la famille doit déjà faire face à la maladie, gérer le stress qu’elle occasionne, s’ajuster pour réorganiser la vie autrement, elle doit aussi subir des impacts financiers. Et l’impact se transforme en difficulté lorsque la famille dispose de moins de ressources.
Le Baromètre est très clair et pointe le coup de grâce financier porté aux familles touchées par la maladie.
Interrogées sur leurs besoins, ces familles expriment en premier lieu un besoin de soutien financier pour compenser une perte de revenus ou des frais qui augmentent. Elles souhaitent aussi pouvoir disposer de jours de congés supplémentaires pour accompagner le ou la partenaire malade. Une aide-ménagère permettrait aussi à ces familles de se délester de cette charge dans un quotidien déjà trop compliqué, comme l’explique Colette.

« Après ma journée de travail, je passais chercher les filles à l’école, puis nous allions rendre visite au papa qui souffrait d’une maladie incurable dégénérative. Au retour de l’hôpital, il fallait encore faire le repas, les devoirs alors que j’étais exténuée par ce rythme de vie. Cela m’aurait vraiment aidé de pouvoir compter sur une aide pour le ménage ».
Au-delà des difficultés financières, les familles touchées par la maladie expriment des besoins criants. Pour certaines, l’épine dans le pied, c’est l’absence de réseau, pour d’autres, l’incompatibilité des horaires école-travail, pour d’autres encore, les factures à payer. Heureusement, des structures et services existent pour rendre leur quotidien un peu moins compliqué.

CE QUI PEUT VOUS AIDER SI...

Vous êtes malade et sans réseau

Isabel est maman solo d’un petit garçon autiste sévère. Le handicap de son enfant l’a beaucoup isolée. Traductrice indépendante et d’origine portugaise, elle n’a pas de proche sur qui compter. On vient de lui diagnostiquer un cancer du sein, mais avant de penser soin et opération, qui va prendre son fils en charge en son absence ?

Julie Blondiau, directrice d’Accompagnement en Accueil Familial d’Urgence asbl : « Isabel peut s’adresser au service d’Aide à la jeunesse (SAJ) et solliciter une rencontre auprès d’un conseiller, d’une conseillère de son arrondissement qui va ouvrir un dossier et mandater un service d’accueil. On l’ignore souvent, mais la mission du SAJ, c’est d’aider tout enfant en difficulté.
Au niveau de l’accueil (familledaccueil.be), il peut se faire dans l’urgence (45 jours maximum), à court terme (9 mois) ou à long terme (un an renouvelable). L’accueil d’urgence peut intervenir dans les quelques heures ou jours qui suivent le mandat. Nos services sont là pour accompagner la famille d’accueil, soutenir l’enfant, mais aussi maintenir le lien parent-enfant. »

Vous avez besoin d’aide au quotidien

Maxime, papa de deux enfants, est entrepreneur. Sa femme est en revalidation à la suite d’une maladie neurologique. Boulot, devoirs, courses, ménage, trajets, il ne peut pas tout gérer seul. Comment maintenir un bon cadre de vie pour ses enfants et lui durant les mois à venir ?

Gaël Verzele, directeur de l’aide à la vie journalière pour ASD (Aide et soins à domicile) : « Nos services sont ouverts et accessibles à toute la population pour un tarif horaire défini sur base des revenus du ménage (plafond maximum : 7,81 €/h). Ce papa peut solliciter une rencontre avec une coordinatrice qui évaluera ses besoins et définira avec lui un plan d’aide. Dans ce cas-ci, une aide familiale peut soulager le papa pour les courses, la préparation des repas, mais aussi les trajets vers et depuis l’école et l’accompagnement scolaire. Une aide-ménagère sociale peut aussi être mobilisée pour l’entretien du logement. Après revalidation, la maman pourrait aussi bénéficier des soins infirmiers à domicile et d’une garde-malade. La Fédération des centrales de service à domicile peut aussi fournir des services équivalents. »

Vous êtes malade mais n’avez qu’une assurance complémentaire de base

Christian, papa de trois enfants, a un cancer. Il doit subir une intervention, mais s’inquiète car il ne dispose que d’une assurance complémentaire de base. En tant que petit indépendant, il subit déjà de grosses pertes de revenus et redoute les factures à venir.

Éric Adam, chef de service de psychologie clinique et d’action sociale au CHU de Liège : « Notre rôle, c’est vraiment d’amener toutes les aides aux malades suivis dans notre hôpital. Beaucoup de patient·e·s ont une mauvaise connaissance de ce que peut couvrir ou non leur mutuelle. Avec une assurance complémentaire, on peut déjà accéder à toute une série de services. Et nous sommes là pour informer les patient·e·s et leur famille de ce à quoi ils et elles ont droit et les aider dans leurs démarches administratives.
Dans les cas les plus critiques, nous pouvons interférer auprès du service facturation pour échelonner les factures. Nous avons aussi déjà introduit des demandes d’indigence au CPAS qui peut intervenir quand le ou la patient·e ne peut vraiment pas honorer ses factures. Ce dispositif peut même être activé pour les personnes qui n’émargent pas du CPAS. Pour les patient·e·s suivi·e·s en oncologie, un troisième recours peut être activé auprès de la Fondation contre le cancer pour une aide pécuniaire ou l’achat de matériel. »