Loisirs et culture

Quand les livres ne font pas genre

Littérature jeunesse, genre, ouverture, découverte de l'autre

Pas toujours simple de changer nos préjugés et habitudes. Aux niveaux individuel et sociétal. Certains parents font des efforts, des écoles itou, ainsi que le monde des arts avec des films, des romans, des séries... La littérature jeunesse n’est pas en reste. Exemple avec trois albums consacrés à la question du genre.

► Julian au mariage

Avant Julian au mariage, il y a eu Julian est une sirène. Un tsunami international dans l’édition jeunesse. L’album est d’ailleurs repris dans la sélection du prix Bernard Versele en cours. Le rêve d’un gamin de se transformer en sirène sous le regard complice de sa grand-mère, Mamita.
Nous retrouvons ce garçon qui semble vivre seul avec cette grand-mère d’une rare ouverture d’esprit. Cette fois, il rencontre la petite Marisol lors d’une fête de mariage avec deux mariées. Il est entouré de personnes de couleurs, ce qui est assez rare en livre jeunesse pour être souligné. Le lien est fait avec l’album précédent lorsque les deux enfants se réfugient sous un saule pleureur, l’arbre à sirènes ! Ceux et celles qui ne le savent pas encore découvriront qu’« un mariage, c’est fait pour l’amour ».
Tolérance, déguisement, liberté, courage d’être soi-même, quête identitaire, ode à la diversité ou encore transmission traversent ces deux albums intergénérationnels où apparaissent à nouveau des grands-mères compréhensives qui ne manquent pas d’humour et de tendresse pour les facéties de Julian et Marisol.
Tout cela ne serait rien sans les illustrations de Jessica Love : un trait réaliste et ondulant accompagné d’une explosion de plantes et de tissus colorés sur un fond brun carton devenu la signature graphique de l’auteure. Deux albums joyeux et généreux à avoir dans sa bibliothèque.

  • Julian au mariage, de Jessica Love (Pastel/L’école des loisirs). Dès 4 ans.

► T’es fleur ou t’es chou ?

La meilleure façon de déconstruire des clichés, c’est parfois de les jouer à fond la caisse. Tel est le parti-pris de départ de cet album : « Léa est née dans une fleur. Normal, c’est une fille ». Elle aime le rose, les poupées, les princesses, les poneys à poil mauve. Léo, lui, est né dans… un chou, bien sûr. Casse-cou, il aime les voitures, les tracteurs, les super-héros, les épées, les pistolets et son univers se décline sur fond bleu. L’un et l’autre savent ce qu’ils veulent et surtout ce qu’ils ne veulent pas. Du coup, chacun·e reste dans son coin. Jusqu’à l’arrivée de Maël qui réconcilie les deux extrêmes en imaginant des jeux qui plaisent à tout le monde : des gâteaux à découper à la tronçonneuse, du rugby-princesse, des parties de bisous baveux, etc. À vous d’inventer les vôtres et deviner dans quoi est né Maël. Illus rigolotes et bourrées de détails.

  • T’es fleur ou t’es chou ?, de Gwendoline Raissonet et Clotilde Perrin (Rue du monde/coll. La maison aux histoires). Dès 4 ans.

► Valentin de toutes les couleurs

Valentin ne trouve pas sa place. Il préfère l’amitié des filles à celle des garçons, il a peur de se battre, est nul au foot. Avec sa chemise à fleurs, il est moqué et harcelé par ceux-ci à la cour de récréation. Antoine en particulier. Animé par la passion des beaux tissus et des couleurs, il demande à ses parents de lui offrir une machine à coudre. Le voilà comblé : « Le fil trace des lignes sur le tissu, c’est droit, régulier, rassurant. Pas de bagarre, pas de ballon, pas de filles ni de garçons. Juste un bruit, et le fil qui avance sur son chemin, sûr de lui ». Il confectionne un T-shirt arc-en-ciel, « cousu pour Antoine, parce qu’il voudrait que l’amitié soit de toutes les couleurs et que les choses déchirées puissent se réparer ». Comme le sujet, les illustrations sont comme cousues de beaux tissus, tout en formes géométriques, pour dire les émotions à l’œuvre dans ce livre.

  • Valentin de toutes les couleurs, de Chiara Mezzalama et Reza Dalvand (éditions des éléphants). Dès 8 ans.