Vie pratique

Sans logement, elles peuvent compter sur un dernier filet de sécurité

Parcours de deux femmes devenues sans logement avec leurs enfants

Elles s’appellent Sédia* et Vanessa. La première a fui la violence conjugale. La seconde s’est fait expulser de son logement. Toutes deux se sont retrouvées sans logement avec leurs enfants. Heureusement, des acteurs de terrain offrent un dernier filet de sécurité : un hébergement.

SÉDIA : « JE VEUX JUSTE VIVRE AVEC MES ENFANTS , TRANQUILLE »

Les larmes affluent lorsque Sédia revient sur son parcours de vie. Un parcours cabossé. 37 ans seulement, et déjà tellement de violences reçues, subies, emmagasinées. Neuf ans qu’elle encaisse. Neuf ans qu’il promet que ça va changer. Bien sûr, elle envisage de le quitter, mais les circonstances n’aident pas.
Pour le travail de monsieur, ils déménagent souvent. Sédia n’a jamais le temps de s’intégrer et de tisser des liens sociaux. Une fois maman, Sédia est accaparée par les problèmes de santé de son fils qui naît avec une hydrocéphalie (eau dans le cerveau). Quelques mois plus tard, on lui diagnostique un spectre autistique. Pour son suivi médical, la famille se fixe en Belgique.
Un jour, un voisin dit à Sédia : « Tu ne peux pas rester comme ça ». Avec cette phrase toute simple, il vient confirmer ce qu’elle pressent. Ce qu’elle subit, ce n’est pas normal. Elle décide de quitter le foyer familial. Mais pour aller où ? Au Samusocial, la seule structure qui accueille inconditionnellement les femmes, les hommes avec ou sans enfants, avec ou sans papiers.

Fuir pour sauver sa peau et perdre ses droits

Sédia et ses deux enfants sont d’abord accueillis dans un hébergement d’urgence. Un service de première ligne qui voit le nombre de familles sans abri augmenter de façon fulgurante. « Il y a une dizaine d’années, avec 120 places, on répondait largement à la demande, souligne Fabienne de Leval, directrice opérationnelle au Samusocial. Aujourd’hui, nous comptons 400 places et on refuse chaque jour une dizaine de familles ».
Sédia est aussi représentative d’une tendance observée par les acteurs de terrain : ce sont principalement des femmes seules avec enfants qui se retrouvent sans logement. Sur les 450 familles hébergées par le Samusocial, deux tiers sont des mamans solos. Malheureusement, le Samusocial ne parvient plus à absorber la demande. Chaque jour, une dizaine de familles sont refusées. Dans les maraudes de nuit, en novembre, les travailleurs et travailleuses du dispositif ont compté 80 personnes qui n’avaient pas de plan B. Parmi eux, plus d’une trentaine d’enfants.
Dans son infortune conjugale, Sédia bénéficie d’une éclaircie. Grâce à l’accompagnement du Samusocial, elle a pu ouvrir des droits en son nom propre. Après un premier hébergement d’urgence, elle vit depuis plus d’un an au centre familles. Là-bas, elle dispose d’une chambre pour elle et ses deux enfants. Cette situation stable lui permet de les scolariser. Un suivi médical est aussi assuré. Des bases précieuses qui assoient le sentiment de sécurité de Sédia et de ses enfants.
Avec ses mots, elle l’exprime : « Ici, on a un toit, on mange bien, on dort bien. Je peux me connecter avec mes enfants ». Les bénéfices rejaillissent aussi sur ses enfants. « Avant, ils étaient toujours collés à moi, même à la maison. On avait tout le temps peur ». Depuis qu’ils ont intégré le centre familles, Sédia et ses enfants trouvent un équilibre, parviennent à se quitter la journée, pour mieux se retrouver le soir.

VANESSA : EXPULSÉE ET À LA RUE AVEC SES QUATRE ENFANTS

Vanessa occupe un appartement à Godarville, en Province de Hainaut, avec trois de ses enfants de 15 mois, 4 et 6 ans et est enceinte lorsque son propriétaire refuse de renouveler son contrat de bail pour cause de « surpeuplement ». « En tant que locataire d’un bien social, on ne peut pas faire ce qu’on veut, explique Vanessa. Dans ma situation familiale, avec quatre enfants, je ne suis pas autorisée à occuper un appartement deux chambres ».
La maman se retrouve à la rue avec un compagnon sur lequel elle ne peut pas compter. Entretemps, elle accouche de son dernier enfant. La famille compte maintenant six membres, mais n’a plus de logement. C’est une connaissance qui lui renseigne la Maison des Quatre vents (Nivelles). Dans l’urgence, elle rencontre une assistante sociale et une chambre est mise à disposition de la famille. Depuis, le papa a déserté les rangs. C’est seule que Vanessa essaye d’écrire une nouvelle page de son histoire.
« J’accorde trop vite ma confiance, c’est mon tort », explique-t-elle d’entrée de jeu. Car si la maman vit aujourd’hui aux côtés de quatre de ses enfants, deux autres sont placés en institution et son aînée vit chez sa grand-mère depuis qu’elle a 1 an. À 34 ans, Vanessa a déjà déménagé huit fois.
C’est pour des faits de violence qu’elle se fait expulser d’un premier logement. Doublement pénalisée, la jeune femme subit non seulement les coups du conjoint, mais aussi la perte de son logement en raison des plaintes du voisinage. Rebelote deux ans plus tard avec un autre compagnon. Jusqu’en 2013, Vanessa peut compter sur l’aide inconditionnelle de son papa. Le décès de ce dernier signe le début de son calvaire d’un logement à un autre.
Depuis octobre, c’est donc à la Maison des Quatre vents que Vanessa a trouvé refuge avec ses quatre enfants. « Nous sommes la seule maison du Brabant wallon qui accueille des hommes, des femmes et des familles, explique Aurélie Lacaille, directrice pédagogique. Deuxième particularité, on fonctionne en communauté. Les pièces de vie, les charges, les repas sont partagés ».
Contrairement aux maisons maternelles qui accueillent les mamans et leurs enfants, la maison d’accueil focalise son approche sur le parent. « Notre mission, c’est vraiment d’identifier chez l’adulte les capacités à assumer sa vie, que ce soit pour entretenir son logement ou conserver ses droits et revenus ». Ce processus d’accompagnement vise l’autonomisation de la famille une fois que le parent se sent prêt pour faire face au quotidien.
Didier Gruselin, directeur administratif et financier, se souvient du chemin parcouru par une autre famille nombreuse, partie de la Maison dernièrement. « Ils étaient sept et fuyaient une situation de représailles familiales à Bruxelles. Le père souffrait aussi de maladie mentale et avait un passé judiciaire. Le genre de profil que beaucoup refusent, mais que nous accueillons. Nous les avons coachés sur les choses à savoir quand on loue un bien. Progressivement, ils ont aussi géré leur budget, épargné pour leur garantie locative. Les filles aînées sont parties en prospection d’un bien. Une fois installées, les autres membres ont suivi ».
Une histoire qui se termine bien comme celle-ci, on la souhaiterait à Sédia et Vanessa. Mais seules, la situation est trop lourde à porter. Heureusement , des acteurs de terrain sont là pour mettre un toit au-dessus de leur tête. Mais surtout pour les accompagner en vue de les rendre autonomes, le meilleur moyen pour quitter la rue pour de bon.

*Prénoms d’emprunt

SUR LE TERRAIN

Le CPAS, acteur de première ligne à solliciter pour les aides au logement

Stéphanie Degembe, conseillère à la Fédération des CPAS : « N’hésitez pas à passer la porte d’un CPAS. Ce n’est pas une tare de faire appel à nos services. Nos agents sont là pour vous fournir des informations et de l’accompagnement dans la recherche de solutions de logement adaptées à votre situation ».