Loisirs et culture

Voici les 25 titres sélectionnés pour le prix Bernard Versele de la Ligue des familles, répartis en cinq catégories d’âge. Il y en a pour tous les goûts : des albums tous formats, des romans, de la poésie, de la BD, du théâtre, etc. Des regrets ? Oui, certainement, comme pour toute sélection et parce que tous les goûts sont dans la littérature ! Aux enfants, désormais, d’élire leur·s préféré·s. Leur vote est attendu pour le 10 mai 2023.
1 chouette (dès 3 ans)
Mélanie Rutten (MeMo)
Un enfant contrarié, vous savez ce que c’est. Manifestement, notre compatriote Mélanie Rutten également. L’enfant se reconnaîtra dans ce petit Chat et le parent dans Chienchien. Il suffit d’une chaussette récalcitrante pour qu’une promenade tourne au vinaigre et d’une surprise pour qu’elle se mue en un joyeux terrain d’aventures. L'éveil de la nature dissipera la mauvaise humeur du petit, en une lente progression des émotions au fil d'une journée de partage et de découvertes.
Les enfants ont cette capacité de passer d’un état d’âme à un autre. L’autrice belge la met en scène avec un dessin qui ne se prend pas au sérieux, dans une palette de couleurs printanières et de lumières matinales. Plusieurs niveaux de lectures sont suggérés pour évoquer bien des réalités comme la peur de perdre l’amour de l’autre, l’avenir, notre rapport au monde. Tout cela dans une écriture bien adaptée à l’âge, qui joue également avec les sonorités.
Chris Haughton (Thierry Magnier)
Chris Haughton avait marqué le prix Versele 2016 avec un doublé gagnant pour Un peu perdu en 1 chouette et Chut, on a un plan en 2 chouettes. On retrouve sa construction précise au rythme cadencé par les répétitions, qui permet d'anticiper de manière jouissive le récit. Il y ajoute une chute qui ouvre sur un possible recommencement et qui constitue une de ses marques de fabrique. Le tout dans une dominante rouge, couleur de l'interdit, particulièrement bienvenue pour une histoire autour de la transgression : une maman singe interdit à ses trois rejetons de descendre de la canopée pour se nourrir de mangues.
Malgré la menace, la tentation est trop forte. Pas à pas, ils franchissent les limites dans un suspense amené par la présence de tigres, cachés (juste ce qu'il faut) dans les buissons, plaçant l'enfant qui les aura remarqués dans la position du lecteur omniscient qui en sait plus que les protagonistes. À tel point que l’on tremble littéralement pour eux quand surgissent les félins gueule grande ouverte. Cela leur servira-t-il de leçon ?
Margaret Wild et Ann James (Le Genévrier – collection Est-Ouest)
Vous déménagez bientôt et vous craignez que votre enfant vive mal ce moment ? Voici l’album qu’il vous faut ! Une gamine (ou un gamin ?) fait le tour du propriétaire de son ancienne puis de sa nouvelle maison. Ce récit en miroir met en scène ses adieux à son passé (et à son enfance) puis la promesse d’une nouvelle étape.
Le texte, sobre, est incroyablement suggestif. Le personnage dessiné d’un simple trait noir sur fond blanc se détache sur des décors colorés et paisibles. Tant ses expressions que son allure rendent compte de son assurance tranquille face à l’événement de sorte que la lecture de cet album procure un sentiment paisible et revigorant.
Vanessa Simon-Catelin et François Soutif (Kaléidoscope)
Nous l’avouons : ce livre nous a fait crouler de rire. Voici l’histoire du petit chaperon rouge revisitée d’une manière délirante. Tiguidanké la petite Africaine refuse de manger le plat que lui tend son père. Excédé, celui-ci la menace et appelle le loup. Bien mal lui en a pris. Suit une galerie de personnages qui envahissent littéralement les pages et se dévorent les uns les autres. Jusqu’au moment où arrive la grand-mère en boubou jaune, justicière de ce carnage.
Construite sous forme de randonnée avec répétitions du schéma narratif, cette parodie du conte classique est présentée comme dans une pièce de théâtre avec des dialogues percutants. François Soutif joue avec les hors-champs, les variations de cadrages, le découpage en vignettes et croque des personnages on ne peut plus expressifs, d’une grande force scénique.
Clémentine Mélois et Rudy Spiessert (L'école des loisirs)
Une page de gauche rouge, une page de droite sur fond bleu et texte bleu, des silhouettes noires comme un jeu d’ombres et quelques touches blanches. Un dispositif habilement construit de couleurs franches et de contrastes pour une histoire qui ne manque pas non plus de jeux d’oppositions en conviant et détournant des figures classiques de la littérature enfantine comme un loup, un ogre, un château, des dinosaures… Les doubles pages se répondent en un dialogue drôle et plein de non-sens. La chute, extraordinaire, célèbre humoristiquement les histoires lues le soir.
2 chouettes (dès 5 ans)
Herbéra (MeMo, collection Tout-petits MeMômes)
Charles Perrault doit se retourner dans sa tombe. Ghislaine Herbéra a métamorphosé Le Petit Poucet auquel elle fait une discrète allusion au début de l’album. Si tout le livre s’en inspire et rend ainsi hommage au pouvoir de la lecture, c’est pour mieux s’en éloigner.
D’abord, avec des personnages étranges à la taille lilliputienne, au faciès farceur et à l’apparence de doudous qui étaient déjà au centre de La poupée cacahuète et de L’heure bleue. Ensuite, avec ce personnage de Nin qui, ayant lu Le Petit Poucet, s’inquiète lorsque ses parents annoncent une balade dans la forêt. Instruite du danger par sa lecture, Nin sème les perles d’un collier pour sauver ses frères. Mais l’un d’eux les a ramassées ! Les aînés, insouciants, s’activent et apprennent au cadet à tresser de l’osier, reconnaître les plantes comestibles, etc. Jusqu’au retour des parents qui, eux, s’étaient perdus !
Les couleurs chatoyantes et la texture des images réalisées à l’encre monotype sur bois imprègnent la nature foisonnante de mystère et collent bien à ce récit plein d’humour et de joie de vivre.
Xie Hua et Huang Li (HongFei Cultures, collection Vent d'Asie)
L’imagination de Xiaoma est débridée. On ne pourrait mieux la qualifier. Lors d’un séjour chez sa grand-mère qui habite un petit appartement, il a décidé d’emmener ses cinq chevaux, qui deviendront dix, et davantage encore. La grand-mère joue le jeu de son imagination… galopante, pour notre plus grand plaisir.
L’album est construit sur un juste équilibre entre réalité et imaginaire. La vieille dame occupée par ses tâches quotidiennes est représentée essentiellement en noir et blanc, tandis que Xiaoma est dessiné aux couleurs foisonnantes de son univers imaginaire. Le texte est essentiellement constitué du dialogue entre eux, ce qui donne un ton dynamique à leur relation complice.
Arnold Lobel (L'école des loisirs, collection Mouche)
Grande plume de la littérature jeunesse mondiale, l’Américain Arnold Lobel a toujours eu le souci d’offrir des histoires pour apprentis lecteurs auxquels il a offert ce Porculus, édité pour la première fois en 1971 et réédité plusieurs fois depuis. Son approche animalière est d'une qualité exceptionnelle : accessible, poétique, profonde. Ses phrases simples - sujet, verbe, complément - sont faciles à déchiffrer. Dans la mise en page, il amène beaucoup d’air pour faciliter la lecture, trois, quatre mots par ligne, des petits blocs bien lisibles, qui permettent d’appréhender visuellement les phrases.
Porculus est un cochon heureux, qui se roule de bonheur dans la boue de sa ferme jusqu’au jour où la fermière est prise d’une frénésie de propreté. Porculus est le premier à en faire les frais et fugue. Effaré, il découvre l’urbanisation galopante et la société de consommation. En quelques vignettes vintage, Arnold Lobel confronte le monde animal et l’univers humain en une jolie fable.
Anne Brouillard (Pastel)
Revoici le chien Killiok, un des personnages fétiches de la belge Anne Brouillard. D’entrée de jeu, nous découvrons son intérieur douillet tandis qu’il neige. Un temps à préparer un gâteau pour l’anniversaire de son ami Pikkeli Mimou. Killiok s’aventure ensuite dans la forêt dense pour le lui porter et célébrer l’amitié.
Les tons bleus-gris un peu délavés, le jeu des lumières, les détails qui parsèment les illustrations créent une atmosphère intime, mystérieuse. Le monologue de Killiok ou les conversations entre amis renforcent cette impression d’intimité. Le récit est rythmé par une suite de petites vignettes contrebalancées par des illustrations pleines pages lorsque l’action est plus lente, tout en explorant des contrastes : intérieur-extérieur, chaud-froid, lumière-obscurité, solitude-convivialité, inquiétude-(ré)confort…
Cette histoire d’amitié à l’apparence simple et linéaire, réconfortante dans un monde parfois cynique, se double d’une atmosphère poétique. Heureuse surprise : la recette du gâteau proposée à la fin vous invite à prolonger le plaisir de la lecture en cuisine !
Jan Jutte (Les éditions des éléphants)
Les vieilles dames dans les livres pour enfants, c’est plutôt fréquent, mais qu’elles ne soient pas des grands-mères, c’est plutôt rare. Et des vieilles dames qui se lient d’amitié avec un tigre, c’est exceptionnel. Voilà ce qui arrive à Joséphine après une promenade dans la forêt proche de chez elle. Elle adopte le félin et parvient à ce que tout son quartier l’accepte. Le bonheur semble parfait jusqu’au jour où le tigre se met à déprimer… Joséphine décide de le ramener dans son pays d’origine.
Aimer, c’est aussi laisser l’autre libre de ses choix. Chaque étape de ce récit-voyage aux personnages attachants est marquée par une étude graphique et chromatique de toute beauté, avec des illustrations douces et lumineuses qui s’étendent à fond perdu sur des pages tout en verticalité.
3 chouettes (dès 7 ans)
Lolita Séchan et Camille Jourdy (Actes Sud BD)
Lolita Séchan revient avec Bartok Biloba, la petite taupe. Quand celle-ci se met à compter jusqu’à sept, son amie Nouk s’empresse de se cacher. Une première aventure en sept pages, suivie d’une autre quand Bartok se met à sa recherche. Nouk revisite les mêmes lieux, est confrontée aux mêmes personnages avec un décalage qui apporte la touche humoristique.
Dans ses aquarelles aux couleurs tendres, Camille Jourdy intègre des dessins hyper discrets et d’autres historiettes, une double narration minimaliste en heureux contrepoint au jeu de cache-cache. Jusqu’à l’apparition d’un loup et une nouvelle déclinaison de la comptine Loup y es-tu ?. Le format, inhabituel en BD, convient à merveille à ce petit album bien plaisant.
Mari Kanstad Johnsen (Cambourakis)
Dans la veine des grands albums scandinaves, voici 3, 2, 1 de la Norvégienne Mari Kanstad Johnsen. Son trait audacieux surgit à chaque page dans une profusion de détails, un trait apparemment déjeté, des perspectives inattendues, des personnages aux formes élastiques, des couleurs originales. Un style ultra moderne pour aborder le consumérisme, le rapport à l’argent, les rivalités, le sens donné au travail, les vacances.
Tout cela ne serait rien sans deux personnages hors normes : Anna, gamine finaude, qui sait ce qu’elle veut et négocie à merveille face à une grand-mère – béret breton et ongles vernis – qui ne se laisse pas démonter par les suppliques de sa petite-fille. Elle lui fait confiance et reste zen malgré les risques pris lorsqu’elle lui confie les clés des cinq maisons voisines pour s’occuper des plantes et des animaux contre rétribution. On sent poindre la catastrophe, mais la finale restera bon enfant, jubilatoire.
Kate Hoefler et Sarah Jacoby (Les éditions des éléphants)
Le rêve d’un ailleurs : qui ne l’a jamais eu ? À défaut de le réaliser, Lapin se nourrit des aventures que son vieil ami Chien a vécues sur sa moto. Des histoires qu’il lui laissera en héritage, ainsi que sa moto. Mais Lapin n’ose pas se lancer. Jusqu’au jour où il surmonte son chagrin et sa peur.
Transmission, pouvoir des histoires, deuil, quête d’un ailleurs et de liberté, cet album traite en nuances et poésie ces questions hautement existentielles. Sans aucune lourdeur grâce à des illustrations qui combinent pastel et aquarelles mordorées, au gré des jours, des nuits, des saisons et des émotions. Le format à l’italienne offre des doubles pages où se déploient de magnifiques paysages.
Sophie Blackall (Les éditions des éléphants)
Tout en verticalité à l’image d’un phare, cet album parlera à tous les amoureux et à toutes les amoureuses de la mer. Proche du documentaire, il nous immerge dans la vie quotidienne d’un gardien de phare et de sa famille. Une vie où il est question de solitude, de dangers, de routine immuable des jours et des nuits passés à veiller sur la lumière, de naissance aussi et d’amour.
Sophie Blackall a séjourné dans un phare à la pointe nord de Terre-Neuve pour être au plus près du quotidien de cette vie hors normes. L’illustration, merveille d’aquarelle et d’encre de Chine, montre la mer sous toutes ses formes et les détails de ce monde à huis clos grâce à des vignettes rondes comme les pièces du bâtiment ou ce que l’on voit dans la longue-vue et des images en coupe du phare.
Gideon Sterer et Mariachiara Di Giorgio (Les fourmis rouges)
Quand un cortège de camions forains s’installe dans une clairière, tout le petit peuple de la forêt s’émeut. Curieux, il attend le départ des fêtard·es pour envahir à son tour les attractions et s’en régaler. Cette visite d’animaux, en pleine nuit, sous les lumières des attractions, contribue au réalisme magique de cet album tout-en-images. C’est une farandole fantastique d’ours, ratons-laveurs, lièvres, sangliers… qui donne vie à la fête foraine : les animaux activent les manèges, montent sur la grande roue, chevauchent les montagnes russes…
Le lecteur, la lectrice, spectateur/spectatrice de ce grand livre, se régalera de sensations fortes et de plaisirs sucrés. Avec, à la fin, une allusion discrète sur le retour à la vie sauvage d’un poisson rouge grâce à un renard.
4 chouettes (dès 9 ans)
Mikaël Ollivier (Thierry Magnier, collection Petite Poche)
Dans la très sympathique collection Petite Poche des éditions Thierry Magnier, au format et au design originaux, voici un texte ultra court mais ultra efficace sur un thème en phase avec l’époque : la survie de la planète et des Terrien.nes.
3 789 ans après avoir été cryogénisé et placé dans un vaisseau spatial avec sept condisciples, un garçon est réveillé à l’approche d’une planète habitable, la leur étant menacée de toutes parts. Le doute s’installe peu à peu : qui est vraiment ce garçon ? Suspense et surprise finale avec une conclusion en forme d’hommage à notre Terre pour une sympathique prise de conscience écologique.
Thomas Lavachery (Pastel)
Thomas Lavachery est un de nos plus fabuleux raconteurs d’histoires. Lilly sous la mer est d’abord un magnifique objet. Sous la forme d’un carnet d’explorateur, il se lit verticalement, avec des rabats de divers formats qui créent des effets de surprise. Sa couverture bleu roi, rehaussée de filets dorés, fait référence aux romans d’aventures de Jules Verne, dont il reprend les codes pour raconter cette plongée océanique. Lavachery s’est inspiré du premier sous-marin en forme d’œuf, le Turtle, et des onze expéditions marines du couple Bullitt dans les années 1920.
Thomas Lavachery le revisite avec humour et sens du merveilleux en imaginant cette fois le séjour abyssal de Lilly, 5 ans, en famille, qui espère trouver un signe de vie dans l’obscurité des grandes profondeurs. Mutique, Lilly a les yeux collés au hublot et voit ce que personne n’a jamais vu auparavant.
David Dumortier et Pierre Pratt (Møtus, collection Pommes pirates papillons)
La Maison Møtus fête ses 30 ans cette année et propose ici le 34e volume de sa collection de poésies Pommes pirates papillons. Ce recueil joue avec les mots et en détourne le sens, tout en faisant découvrir plein de manières de les choisir, de les associer ou de les détourner, pour créer un autre sens, ou un clin d’œil, ou une dimension absurde qui nous fait voyager dans la langue française. À l’image de ce petit garçon pour qui une pierre dans un champ devient « le point final d’une phrase préhistorique » !
Ces textes sont aussi très visuels grâce aux lavis en ocre et noir du Québécois Pierre Pratt, qui soit illustrent le propos, soit l’élargissent, soit le tiennent à distance.
Clémentine Beauvais et Max Ducos (Sarbacane)
Après avoir lu cet album, on ne traverse plus les parcs de la même façon. Jour après jour, l’héroïne passe par un parc pour ravitailler un oncle malade, cloué au lit. Elle croise des statues d’angelots, satyres, naïades… Tout un peuple apparemment immuable, sauf que leurs cheveux de pierre poussent.
Nourrie de réalisme magique, cette histoire allie nature et merveilleux en un récit sobre et fluide, parsemé d’humour et illustré de dessins poétiques : verts intenses sur fonds de ciel, jeux de reflets et transparences de l’eau, ocre chaud de la pierre, lettrines ouvragées comme les grilles du parc. Si le merveilleux s’y glisse avec délicatesse, sans effet spectaculaire, la pirouette finale nous propose une explication on ne peut plus rationnelle.
Gilles Bachelet (Seuil Jeunesse)
Un jour, les enfants s’entichent de licornes, un autre, de grolovious à poils doux, auxquels succéderont les pandas en tête du classement des animaux super choupinous. Ainsi en va-t-il des modes. Mais que deviennent les personnages détrônés ? Gilles Bachelet a imaginé une maison de repos pour vedettes oubliées ou une sorte de super-colonie de vacances : la Résidence Beau Séjour.
Dans un décor bien chargé et bourré de références, Poufy la licorne et ses camarades s’adonnent à l’aqua poney, au pole dance ou à la pâtisserie. Mais la façade rose bonbon de la résidence cache un terrible secret lié à des disparitions inexpliquées. Avec son brio habituel, Gilles Bachelet provoque ici le télescopage de son univers de parodies et marshmallow avec celui de savants fous pour une enquête inédite.
Plus que jamais, dans cet album foisonnant, il s’en est donné à cœur joie : jeux de mots, clins d’œil visuels, références à la littérature de jeunesse – y compris à ses propres albums -, au cinéma, à l’actualité, etc. Autodérision, comique de situations, satire sociale… il fait feu de tout bois pour nous faire rire.
5 chouettes (dès 11 ans)
Oriane Lassus (Biscoto)
Prépubliée sous forme de feuilleton dans le journal Biscoto, cette BD de cinquante-deux pages est donc construite par épisodes avec une relance régulière du suspense. Les gardiennes du grenier, dont les cases varient par les formes, l’emplacement et le style graphique, met en scène des chauves-souris.
Au moment de partir pour hiberner, Plecota a un accident et se retrouve au milieu d’une famille de musaraignes qui la soignent. Puis elle est adoptée par des humains, lesquels sont menacés d’expropriation. Plecota fait appel à ses amis Riri et Mino pour les aider. Une aventure comme la vie, avec des amitiés, des séparations, des retrouvailles, des rêves, des combats, des solidarités inattendues, etc.
Aux lignes courbes ou pointues, aux camaïeux de gris et de noir du monde des chiroptères, succèdent les formes généralement rondes et claires du monde des hommes. Les dialogues sont vibrants et amusants, renforcés par le jeu graphique des phylactères. Un « En savoir plus » sans rupture avec le style de la BD clôture cet album qui allie protection de la nature et découverte d’un monde ailé méconnu.
Nada Matta (MeMo)
Le cœur, dans cette histoire, c’est la bergerie, celle de la maison où la narratrice, 6 ans, a trouvé refuge avec une floppée d’autres enfants confiés à différentes femmes. Artiste franco-libanaise née en 1968 comme la petite fille dont elle raconte l’histoire, Nada Matta avait donc 6 ans lorsque la guerre du Liban a éclaté.
Dans le cœur raconte par sa voix la vie quotidienne des civils pris dans un conflit : la peur, l’isolement, le manque, le rationnement et, pour l’enfant qu’elle est, la fin de l’école, des jeux, des nuits sereines. Mais aussi l’entraide, les rêves, la nature toujours aussi radieuse malgré le désastre…
On ne verra ni armes, ni belligérants. Nada Matta joue avec le noir et le gris pour camper les personnages, les couleurs pour traduire les ambiances, les émotions et les circonstances. Un récit sensible à hauteur d’enfant, avec émotion mais sans pathos.
Julie Annen (Lansman Jeunesse)
Du théâtre pour changer ! Le titre est clair. Julie Annen revisite La chèvre de Monsieur Seguin, nouvelle extraite des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet.
Si l’auteure reprend la trame d’une chèvre qui rêve d'ailleurs, refuse le confort douillet de son pré carré et ne se contente pas de l’affection de Monsieur Seguin, elle insiste davantage sur la notion d’instinct (chaque être vivant doit manger pour vivre) et sur la nécessité de se battre pour exister et être libre. Ce que résument à merveille les deux phrases placées en exergue : « Plutôt mourir debout que de vivre à genoux » (Albert Camus) et « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu » (Bertolt Brecht).
Le texte alterne des dialogues efficaces entre les trois protagonistes et des parties racontées, plus poétiques, comme dans un drame antique.
Xavier-Laurent Petit et Amandine Delaunay (L'école des loisirs, collection Neuf)
Troisième tome de la formidable série Histoires naturelles qui en compte cinq à ce jour, Mission mammouth nous amène aux confins de la Russie profonde dans un univers de glace et de neige. Voici le récit d’Amouksa, 117 ans. Son père, déçu de ne pas avoir de garçon, a changé son prénom et l’a initiée à la chasse aux rennes et à la pêche aux saumons. Elle raconte sa vie à une arrière-arrière-arrière-petite-fille dont elle oublie constamment le prénom. Comique de répétition à la clé ! En revanche, elle n’a rien oublié de l’extraordinaire découverte d’un mammouth, qu’elle a faite, enfant, en 1901. Informé, un savant allemand, Eugen Pfizenmayer, les rejoint et noue avec la gamine une belle complicité.
Ce roman, fondé sur un fait historique, est un subtil mélange d’aventure scientifique, de récit initiatique, de témoignage féministe. Il s’enrichit de multiples thématiques : la connaissance des peuples traditionnels sibériens, le choc culturel lorsque le trappeur et sa fille se retrouvent à Saint-Pétersbourg, à la cour du Tsar (première rencontre avec une ville, une baignoire, du pain !), la tradition patriarcale opposée à l’émancipation féminine, l’opposition entre connaissance scientifique et savoir ancestral.
Davide Cali et Maurizio A.C. Quarello (Sarbacane)
Les mouches, ce sont Lizzy, Taï-Marc, Penny, Poubelle et Jungle, petite bande d’enfants qui travaillent à récupérer ce qu’ils peuvent sur une montagne de déchets contre de la nourriture et de l’eau. Un éclair bleu a créé un univers post-apocalyptique, de roches, de sable et de bâtiments éventrés, sous une canicule permanente.
Entre dystopie et uchronie, cet album multiplie les niveaux de lecture, nous baladant dans les époques, proposant des personnages costumés incroyables et des animaux mi-réels, mi-fantastiques. On découvre les combats de procaj et les courses de churupangi. D’où un dessin visuellement très fort inspiré par un mélange d’imageries futuriste, orientale, médiévale ou de science-fiction.
Hyper hiérarchisé (les garçons passent avant les filles), ce monde est fondé sur le commerce et les marchandages. Jusqu’au jour où Poubelle trouve un étrange objet qu’il décide de monnayer au prix fort… Au gré de ses rencontres, la petite bande découvre de nouvelles valeurs et notamment qu’« apprendre à lire, c’est gratuit » !
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