Séparation : l’école doit rester un terrain neutre

L'école est le territoire des enfants. Il devrait pouvoir le rester sans être envahi par les conflits familiaux. Lors de notre enquête sur la question des mauvais bulletins en primaire, des professeurs déploraient les règlements de comptes entre parents qui se déroulaient trop souvent dans la cour de l’école. Comment, pour les adultes pris dans le maelström de la séparation, éviter de trop perturber leurs enfants… et dans la foulée, leurs résultats scolaires ?

Quand tout va mal à la maison, que papa et maman se disputent ou au contraire ne se disputent même plus mais se battent froid, l'école est pour beaucoup d'enfants un lieu neutre. Leur lieu à eux, celui où ils peuvent dire leur chagrin ou leur colère sans risquer de blesser papa ou maman.
Certains enfants pourront y dire leurs émotions, pleurer ou se fâcher. D'autres exprimeront ces émotions par leur comportement: ils seront turbulents, bagarreurs ou au contraire distraits, perdus dans leurs pensées. Dans ces situations de tension familiale, les instituteurs et institutrices sont souvent les premiers à remarquer la souffrance des enfants : le rendement scolaire baisse, les petits sont moins attentifs, ils sont dans la lune.

L’enfant ne peut pas prendre parti

Il y a bien les grands-parents qui pourraient avoir une écoute attentive mais ils sont rarement neutres dans les conflits parentaux. Ils vont argumenter, justifier, prendre parti pour l'un ou l'autre. Or, l'enfant ne peut pas prendre parti. Il en veut à ses deux parents : ces grandes personnes qu'il aime et qui eux n'ont pas été capables d'entretenir leur amour ! « Comment vont-ils faire pour entretenir l'amour pour moi ? Comment leur faire confiance quand ils disent aimer ? Combien de temps cela va-t-il durer ? L'amour s'arrête-t-il après quelques temps, quand on n'a pas été assez gentil peut-être ? Va-t-il falloir prendre parti aussi et choisir un des deux ? »
Les parents se disputent et se séparent forcément pour ce qui ne va pas entre eux, pour leurs raisons à eux, pas à cause de leurs enfants. Les enfants aiment leurs parents de manière inconditionnelle, c'est un amour, qualités et défauts compris ! Ce n'est qu'en grandissant qu'ils pourront faire la part des choses. Il faudra parfois attendre l'âge adulte - et encore ! -, pour qu'un enfant coincé dans un choix forcé puisse se faire, un jour, sa propre opinion.

La cour de récré : pas un «  no man's land  »

Les conflits entre les parents sont parfois tellement forts qu'ils ne savent même plus se parler sereinement Ils décident alors, pour le bien de l'enfant, de faire le changement de garde à l'école, dans un lieu neutre pour eux. Pour eux… mais pas toujours pour l'enfant. 
Car tout dépend de la manière dont papa et maman gèrent leurs conflits.
Avoir des parents qui se disputent dans la cour de l'école, ce n'est pas amusant du tout. Ce n'est pas confortable non plus de se trimballer tous les lundis et tous les vendredis avec un énorme sac et la hantise de ne rien avoir oublié. Et que dire si, en plus, les enfants sont chargés de transmettre les messages, peu cordiaux, d'un parent à l'autre. Un sac bourré de : « Tu diras à ta mère que...  » ou « Il a encore une fois oublié de mettre ton nouveau pull dans la valise... il le fait exprès ». Ce sac-là est bien lourd à porter.
Voilà des jours d'école où l'enfant risque bien d'avoir la tête encombrée de choses si difficiles qu'il n'y aura pas beaucoup de place pour y mettre de nouveaux apprentissages. Les tables de multiplication ou l'accord des participes passés ne feront pas le poids. Oh, tous ne verront pas leurs points dégringoler. Certaines fillettes, certains gamins se consacreront à fond à l'école, ne laissant pas de place à toutes ces questions douloureuses, les enfouissant tout au fond de leur cœur pour ne pas y penser. Là, au moins, on pense à autre chose…

Le temps, une notion relative

Il y a aussi la notion du temps qui n'est pas la même pour un enfant de 6 ans que pour un grand de 12 ans.
À 6 ans, on commence seulement à s'y retrouver dans les jours, les semaines et les mois. Les semaines se scandent en termes très affectifs : le petit jour, le jour de piscine, le jour de Mamy et Papy, le mauvais jour du sac si lourd. Nommer les jours de la semaine et s'y retrouver prendra un peu de temps. Et lundi, mardi, mercredi... sont des mots moins chargés affectivement !
Le temps psychologique, le temps vécu, celui qui passe plus ou moins vite, n'est pas le même quand on a 6 ans ou 12 ans. Le temps passe d'autant plus lentement qu'on est petit. Une semaine d'école pour celui qui a 6 ans, c'est si long avant de revoir l'autre parent. Pour les parents, la semaine en garde alternée est bien plus courte que pour les enfants.
Il y a évidemment des tas de raisons valables pour que des parents se séparent et beaucoup d'enfants finissent par bien s'adapter, trouvant même des avantages à cette nouvelle vie. Le parent qui n'a pas vu ses enfants pendant quelque temps est en général très disponible et tout à eux. Beaucoup de pères et mères expliquent que la garde alternée, délicate à mettre en place, leur permet de se consacrer totalement à eux-mêmes pendant une semaine ou quelques jours et puis totalement aux enfants quand ils sont là. Tout bénéfice pour les enfants qui auront le meilleur de chaque parent à chaque changement.  Mais pour en arriver là, il faut un profond respect d'abord des besoins de l’enfant, ensuite des parents l'un pour l'autre. Avec le temps, c’est possible… et le bulletin du petit refleurira alors de jolis points.



Mireille Pauluis

POUR UNE ÉCOLE HORS DES TENSIONS FAMILIALES

  • À l'école, il y a des règles, des chartes de vie, des horaires, toutes sortes de repères qui rassurent l’enfant. Préservez cet espace.
  • Évitez, dans la mesure du possible, d’échanger la valise de la semaine et le sac de sport dans la cour de récré.
  • Glissez dans le sac du petit, une boîte à bisous ou autres petits mots qui lui rappellent que vous pensez à lui même quand il n'est pas là.
  • Organisez un rendez-vous téléphonique pendant la semaine : ça peut l'aider à alléger la longueur de l'absence.
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