Société

Soins de santé : quand les parents se sacrifient

Nous sommes allés à la rencontre de familles des quatre coins de Wallonie et de Bruxelles pour mieux connaître leurs difficultés en matière d’accès aux soins de santé. Décryptage entre manque d’argent, de temps et de professionnel·les conventionné·es.

Si les parents doivent assurer leurs soins de santé, ils doivent également assurer ceux de leurs enfants. Mais selon notre dernier Baromètre des parents, 22% des parents ont dû reporter des soins à un enfant.
Des entretiens réalisés lors des rencontres avec les familles ressortent plusieurs constats.

► Un manque de budget pour payer à la fois les soins des parents et des enfants

Les parents que nous avons rencontrés nous indiquent tous faire passer la santé de leurs enfants avant la leur. Les parents annulent régulièrement leurs rendez-vous médiaux, ne se soignent pas – laissant parfois la situation se dégrader jusqu’à l’hospitalisation – afin de dégager le budget nécessaire aux soins de leurs enfants.

Les parents en parlent

« Ma généraliste, ça faisait un an que ma vie était hyper dure et qu'elle n’entendait plus parler de moi, et qu'elle me voyait régulièrement pour l'un ou l'autre enfant. Je ne suis pas une priorité de santé : j'ai mal quelque part, j'attends que ça passe. »

► Un manque de temps pour assurer les rendez-vous médicaux de toute la famille

Concilier travail et vie de famille est un défi quotidien pour chaque parent. Quand des problèmes de santé ou des besoins spécifiques apparaissent, certains parents ne parviennent plus à assurer leur horaire de travail. Ils doivent faire face à des rendez-vous en journée et réguliers, à l’absence de praticien·ne à proximité… Les soins ont un double coût pour ces familles : celui de la consultation et la perte de revenu due au passage à temps partiel d’un parent ou à des congés sans solde.

Les parents en parlent 

« Mon fils est né prématuré, il a eu un gros suivi médical. Il a dû aller chez une logopède durant quatre ans, entraînant énormément de frais de logopédie mais aussi de frais de déplacement, car la logopède que nous avions trouvée – qui était spécialisée là-dedans – habitait en Flandre. Quand on y allait, ça nous prenait trois heures. Cela a eu des répercussions importantes, j’ai choisi un 4/5e pour cela. Le temps investi — où je ne peux pas travailler — n’est jamais compensé. Ça, on ne s’en rend pas compte, mais c’est énorme. »

► Un manque d’argent pour les médicaments et les supports médicaux

Souvent, le médecin va prescrire des soins, sous la forme d’un médicament ou d’un support médical visant à agir sur un temps long (semelles orthopédiques, appareils dentaires, lunettes…). Or, c’est surtout à ce moment où il faut transformer une prescription médicale en un traitement réel que va se jouer une partie importante du non-accès aux soins de santé. Pour une série de parents, ces médicaments ou ces supports médicaux sont impayables et ne seront donc jamais achetés. Et pour ceux qui arrivent tout de même à débloquer les budgets nécessaires, cela se fait au prix de sacrifices.

Les parents en parlent 

« Ça, c'est le devis qu'on a eu de l’orthodontiste. On a failli pleurer quand il nous l'a montré. C'est 2 300 € l'appareil + 400 € de quelque chose + 45 € les visites + les visites de pose et dépose qui sont plus chères et d'autres trucs encore. Au total, tu es à plus de 3 000 €. On a déjà 1 000 € pour l’appareil de notre troisième enfant. Je peux pas payer l'appareil à 1 000 € et les 3 000 en plus. Pour le moment, on a juste dit à l'orthodontiste qu’on ne faisait rien et ma fille n'y va plus. Mais il nous a expliqué que c'est nécessaire, parce que sinon elle risquait d'avoir mal à la tête, à la nuque... Voilà. Donc c'est un vrai choix, je trouve ça terrible. Parce que là, ils te mettent une grosse responsabilité. »

► Un manque de médecins conventionnés

Dans une série de professions des soins de santé essentielles pour les familles, il est très difficile de trouver un·e praticien·ne aux tarifs abordables. À Bruxelles, seuls 66% des pédiatres sont conventionnés ; en Wallonie, à peine… 4% des orthodontistes le sont ; 20% des dentistes en Flandre… L’absence de conventionnement signifie que des soins qui devraient être accessibles deviennent hors de portée pour certaines familles.

Les parents en parlent

« Un orthodontiste conventionné, ça n'existe pas. Il y en a extrêmement peu. Tu sais comment les gens choisissent leur orthodontiste ? Celui qui est disponible dans l'année. Conventionné ou pas, tu prends ce qu'il y a. »

EN ACTION

Les demandes principales de la Ligue des familles

  • Au-delà de 500 €/an de frais médicaux pour l’ensemble de la fratrie (au lieu de 732 €/an par enfant actuellement), remboursement intégral des soins de santé pour les enfants.
  • Meilleur remboursement des lunettes, appareils dentaires, semelles orthopédiques…
  • Congé de conciliation pour permettre aux parents d’accompagner leurs enfants à leurs rendez-vous médicaux.
  • Interdiction des suppléments d’honoraires pour les bénéficiaires de l’intervention majorée.

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