Souvenirs d’enfance, et d’amitié

Avouons-le d’emblée : on aime beaucoup Agnès Jaoui, actrice, scénariste, réalisatrice et chanteuse. Alors, face à son premier livre, on se réjouit. Avec raison. Justesse et intensité sont au rendez-vous dans La taille de nos seins (Grasset). Une plongée en profondeur dans ses souvenirs d’enfance, parfois les plus intimes. Soit trente courts chapitres tendrement animés par les illustrations de Cécile Partouche.
Elles sont trois. Agnès (famille juive de Sarcelles débarquant à Paris), Cécile (l’illustratrice complice) et Isabelle. Elles ont 7 ans, se rencontrent à l’école, deviendront amies pour la vie. « Isabelle était mon contraire et Cécile était mon même », note Agnès Jaoui. Les souvenirs s’égrènent, tantôt légers, tantôt graves. Ils sont ancrés dans une époque, le début des années 70, mais respirent étonnamment l’air du temps actuel.

Il est question de cruautés entre enfants. De jeux : princesses et bourreau, docteur… D’occupations favorites, comme tomber amoureuse. De complexes à assumer. De cafard qui évolue en dépression. De ce « secret » aussi, quand l’oncle Paulo a emmené la jeune Agnès dans la colline derrière sa maison « pour me déshabiller et tout le reste ». Elle précise alors : « Bien sûr, tous les hommes n’éprouvent pas ce désir, mais mon expérience, c’est que je n’ai jamais été autant courtisée, regardée, draguée, pelotée, harcelée, abusée qu’entre mes 10 et 13 ans. Il faut dire que j’ai eu des seins très tôt ». Et, à chaque page, il est bien sûr question de « l’infini réconfort de l’amitié ».
Agnès Jaoui est bien cette femme engagée au regard aiguisé qui nous touche tant.