Crèche et école

D’un côté, on emploie le terme d’éducation physique, de l’autre, on parle de sport. La première se pratique à l’école, l’autre se fait dans un stade, un gymnase, une salle dédiée. L’une est obligatoire pour les élèves, l’autre est un choix pour certains enfants. Entre les deux, on retrouve des enseignant·es, des éducateurs, des éducatrices, des entraîneurs, des entraîneuses. Et une même ligne de conduite : faire aimer le sport aux enfants.
Dans la cour de récré, Lucas est une flèche. Lancé à fond de balle entre le mur du préau et la ligne d’arrivée fictive à l’opposé, il devance à chaque fois ses camarades. En cours d’éducation physique, ce garçon de 4e primaire se distingue par ses performances. De quoi inciter monsieur Jérôme, le prof d’éducation physique et à la santé (voir Zoom), à en toucher un mot à ses parents et le diriger vers un club d’athlétisme.
Pour Eva, Samira, Ricardo ou encore Abdel, d’autres élèves de primaire, le sport à l’école aura été une vraie passerelle vers le sport en club, que ce soit le hockey sur gazon, la danse, le basket ou le badminton. « Ça fait aussi partie de notre boulot de prof, souligne monsieur Jérôme. Je trouve que c’est important que nous fassions ce travail de relais entre des gosses qui ont des capacités évidentes et des clubs qui pourront les prendre en charge et les faire progresser. Et c’est tout aussi important, voire plus, de le faire auprès de familles pour qui le sport n’est pas, pour une raison ou une autre, une priorité ».
Pour Consuela, maman de Tina, 11 ans aujourd’hui, le sport a longtemps été uniquement considéré comme une pratique scolaire. Pour sa fille, l’extrascolaire, c’était l’académie de musique et les scouts. C’est à l’occasion d’une journée multisports à l’école que la GRS (gymnastique rythmique et sportive) s’est invitée dans la vie familiale.
De la cour de récré aux courses sur la piste
« Quand je suis allée chercher Tina à la garderie du soir, sa prof de sport m’attendait. J’ai d’abord cru que ma fille avait fait une bêtise (rire). En fait, elle voulait juste me dire que Tina se débrouillait bien dans tout ce qui est gym, qu’elle avait une super coordination et que ça valait peut-être le coup d’aller un peu plus loin. Tina était partante, elle a essayé et ça fait maintenant trois ans qu’elle pratique. Elle adore ça. »
De l’autre côté de la barrière, le monde du sport organisé est évidemment très intéressé par ces recommandations de l’école. Elles permettent de venir enrichir les effectifs des clubs avec des jeunes à potentiel qu’ils ont du mal à aller chercher habituellement, que ce soit par des journées portes ouvertes ou des animations lors de fêtes communales.
« De manière générale, dans la vie des clubs, les nouveaux et nouvelles arrivent très souvent par l’intermédiaire de la famille avec un parent, un grand frère, une grande sœur déjà dans le club ou par un copain, une copine qui pratique déjà, explique Pierre, entraîneur dans un club d’athlétisme hennuyer. C’est très bien, ça participe à la stabilité du club. Avec l’arrivée de nouveaux jeunes via l’école, la donne est différente. On apprécie de découvrir des jeunes dont on sait qu’ils ont des capacités et, peut-être, d’arriver à les voir performer assez vite. C’est aussi assez intéressant pour la richesse ‘sociale’ du club, parce que ces jeunes viennent assez souvent d’horizons différents. Ils et elles arrivent avec leurs codes et, sans vouloir trop tomber dans le cliché non plus, une envie de réussite, de travail très forte. »

« Pour changer les mentalités, il faut faire de l’éducation physique un vrai moment récréatif »
On retourne à l’école, avec monsieur Jérôme. Son cours d’éducation physique du moment se fait avec des élèves de 4e primaire. Des filles et des garçons âgé·es globalement de 9 à 11 ans. Pour certain·es, on sent que ces deux périodes de 45 minutes ne sont pas forcément les plus plaisantes de la journée. Mais le dynamisme et la créativité de leur prof rendent le moment plutôt joyeux.
« Je sais très bien qu’une partie de mes élèves ne feront jamais de sport en club, au contraire d’autres qui sont déjà dans le circuit, sourit l’enseignant. Mon job, c’est de faire cours à tout le monde, de montrer que l’activité physique peut être partout et notamment dans le jeu. Je leur explique toujours pourquoi on fait telle ou telle activité, pour qu’ils et elles prennent conscience que leur corps est un outil formidable qu’il faut entretenir. Et tout ça, c’est encore plus chouette si on le fait ensemble. »
Faire aimer par le jeu et le collectif
Dans le petit gymnase de l’école, cela se traduit par un parcours d’obstacles ponctué de cibles à viser. L’objectif du jour : comprendre que la précision est liée à l’équilibre, à la position du corps, mais aussi à la respiration et à la capacité à se calmer très vite. Le travail se fait non pas en équipes, mais en une seule grande équipe composée de tou·tes les élèves. On s’encourage, on s’entraide et surtout on rit pas mal.
« Pour changer les mentalités, il faut faire de l’éducation physique un vrai moment récréatif, remarque monsieur Jérôme. Je suis les mêmes élèves pendant tout leur cycle primaire, je vois bien que ce que je fais à un impact. C’est ma petite récompense personnelle, même si je sais que c’est finalement assez peu dans cette société qui maltraite quand même pas mal le physique. »
On repart du côté de la piste d’athlétisme. Pierre, l’entraîneur, est avec un groupe de différentes catégories d’âges. De loin, on entend déjà les rires de ces garçons et de ces filles. La philosophie de Pierre rejoint celle de monsieur Jérôme : on travaille mieux dans la bonne humeur et de façon ludique.
« Ça reste avant tout des enfants, c’est quelque chose à ne pas oublier. C’est d’autant plus important que, contrairement à l’école où l’approche est très générale, ici, on apprend des gestes précis, des mouvements particuliers qui sont vraiment la base technique et qui conditionnent pas mal de choses à moyen terme. Il y a parfois un côté répétitif qu’il faut faire passer en utilisant le jeu, sinon les jeunes se lassent, et je les comprends. Le sport, quel qu’il soit, s’il n’est pas associé au plaisir, ça perd vite de son sens. »
ZOOM
Des socles de compétences au tronc commun
Dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, les anciens socles de compétences sont progressivement remplacés par les référentiels du tronc commun, et cela pour toutes les matières. Pour le primaire, ce sont d’abord les 1re et 2e qui ont été concerné·es à la rentrée 2022, puis les 3e et 4e en 2023, les 5e en août dernier. Ce sera ensuite au tour des 6e en août 2025, sauf éventuel revirement du nouveau gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Pour ce qui est de l’éducation physique, le premier changement notable est dans l’intitulé même de la matière. Il n’est plus seulement question d’apprentissages de l’éducation physique (EP), mais d’apprentissages de l’éducation physique et à la santé (EP&S). On retrouve ainsi deux grands axes déjà présents dans les socles de compétences précédents : les « habiletés motrices et expression » et les « habiletés sociomotrices et citoyenneté ». Le nouveau champ de compétences à acquérir est quant à lui dénommé « Gestion de la santé et de la sécurité ».
Pour les élèves, cela se traduit par des apprentissages continus de la 1re à la 6e qui doivent conduire à connaître son corps et à savoir l’utiliser (maîtriser des mouvements et des gestes techniques, gérer l’équilibre et le déséquilibre, s’exprimer à l’aide de son corps…), à être capable d’interactions avec les autres élèves (respecter des règles convenues et les participant·es, collaborer activement et positivement, s’adapter au milieu…) et, enfin, à être responsable de son bien-être et de sa santé globale (développer sa condition physique, apprendre à gérer stress et émotions, développer une image positive de soi…).
On notera que, dans le référentiel du tronc commun concernant l’éducation physique et à la santé, figurent des notions importantes, qui sont en quelque sorte les lignes directrices pour les enseignant·es. Il s’agit du « plaisir du mouvement », de l’acquisition d’un « mode de vie sain et actif dans et en dehors de l’école » ou encore d’amener l’élève « à intégrer dans l’action, les valeurs d’engagement, de solidarité, d’égalité, de respect de soi et des autres dans leurs différences ».
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