Crèche et école

Laissons de côté le mauvais bulletin et intéressons-nous pour uen fois au bon bulletin. Fin du fin chez tous les élèves. Ultime récompense d’une course effrénée au bon point. Preuve suprême de sa légitimité de bon élève… C’est très manichéen au final : le bon, le mauvais. Où est la frontière ? Qu’est-ce que c’est un bon bulletin ? On en parle comme s’il était universel. Voyons avec nos deux coordinateurs régionaux d’Échec à l’échec de quoi il en ressort.
Esther, maman de trois enfants, sort du tiroir de sa cuisine un papier tout froissé. Le bulletin de son fils Alban, 13 ans, en 2e secondaire. « 11 en maths, 10 en néerlandais, 14 en histoire… oui, je dirais que c’est un bon bulletin ». Elle continue de fouiller dans la pile et déniche un second papier, correctement plié. Elle s’en amuse. C’est un autre bulletin. Celui de son aînée, Iris, 15 ans : « 14 en anglais, 15 en maths, 12 en allemand… Là, je me dis qu’elle aurait pu mieux faire. Ce n’est pas mauvais. C’est moins bon que l’an passé où elle enchaînait les 16 ». Incompréhensible. Le bulletin ne serait donc pas une science exacte ?
Quand un bulletinabon teint
Françoise Cornet ouvre le bal. « Un bon bulletin, c’est un bulletin où l’élève a progressé ». Son homologue Philippe Orban nuance. « C’est un bulletin sans échec. Il est toujours en rapport avec l’enfant. Il reflète le travail, en fonction de la capacité de l’élève ». Très bien, mais alors, en tant que parent, comment je le décrypte ?
« Je pense qu’une première chose, c’est de mettre le doigt là où il y a des améliorations », recommande Françoise Cornet. Rien de plus encourageant pour un petit que de déceler une certaine fierté chez le parent : « Dis donc, t’as vachement progressé dans les matières scientifiques. Génial ». À l’inverse, certaines petites phrases nuisent. Elles nous échappent toutes et tous. « Non, mais regarde tes notes. C’est foutu là, t’es bon pour le redoublement ». Maxime des experts : ce n’est jamais foutu. On reprend à zéro. On rencontre les profs. On demande de l’aide. On ne (se) décourage pas. Rien n’est jamais joué.
Revenons à nos bonnes notes. Et abordons à présent la question de la gratification.
Je félicite, mais comment ?
En fonction de l’histoire de votre enfant, de son parcours, n’hésitez pas à user et abuser de gratification(s). Sans parler de cadeaux onéreux, pourquoi ne pas marquer le coup ? Un repas qu’il aime, un film en duo, une autorisation de sortie exceptionnelle. Oui, il s’agit d’une petite carotte, mais au-delà de la vile manipulation parentale, c’est agréable de sentir pour un enfant que son travail est salué. Vous activez la spirale positive, comme on l’a conseillé tout le long du dossier.
Que ça ne vous empêche pas de repérer là où le bât blesse et quelles sont les marges de progression pour éviter que Junior ne s’endorme sur ses lauriers. « C’est très inégal, cette histoire, déplore Philippe Orban. Je vois des parents qui embrassent leurs enfants et les gâtent parce qu’ils atteignent les 55 %. Et d’autres qui ne sautent pas de joie quand le 80 % est atteint. Le parent devrait toujours avoir en tête de gratifier les efforts. Un gamin qui cravache et tape un peu en dessous des 50 % sera doublement pénalisé. On peut comprendre que ce soit décourageant. C’est bien aussi d’essayer de voir au-delà de la note ».
Tiens, c’est intéressant ça. Bon bulletin, mauvais bulletin, ce serait donc une vue de l’esprit. Et si on sortait de la logique scolaire et qu’on admettait que ça ne veut rien dire ? Qu’au-delà des chiffres, des moyennes et des sanctions, rien n’est gravé dans le marbre. Et si on allait même encore un tout petit pas plus loin et que l’on sortait du trop basique bon élève-mauvais élève. En un mot, pourquoi ne pas essayer d’étiqueter un peu moins et de tâcher de comprendre un peu plus ?
Yves-Marie Vilain-Lepage
Zoom
Je reçois le bulletin, et… ?
On s’est demandé s’il y avait une bonne façon de recevoir le bulletin de ses enfants. Un peu comme au Japon quand on reçoit une carte de visite où il existe tout un tas de codes pour la réceptionner. Mireille Pauluis, psychologue, nous apprend que oui.
D’abord, regardez le bulletin de votre enfant à l'endroit. Profitez-en pour raconter vos propres expériences d'élève. Intéressez-vous aux grands moments du trimestre dont le bulletin est le point final. Partagez vos enthousiasmes. Soyez fièr·e de son travail. Félicitez ses réussites. Même si tout ne correspond pas à vos exigences. Ce ne sont que des notes qui ne figureront jamais sur un CV. Relativisez donc.