Vie pratique

« Une mère qui prend sa place, c’est de l’amour aussi »

On n’apprend pas à marcher sans tomber. Tout parent le sait. Pourtant, peu de femmes osent avouer leurs premiers pas difficiles dans la maternité. C’est pour encourager une parole plus nuancée que Cécile Doherty-Bigara a écrit Nouvelle mère, un livre dans lequel elle témoigne avec humour et sincérité de ses propres débuts chamboulés.

Pull jaune lumineux, visage chaleureux, Cécile Doherty-Bigara nous parle par écrans interposés depuis Toulouse, où elle enseigne le yoga et la méditation. Attentive à nos questions, elle n’hésite pas à marquer de courtes pauses, à la recherche des mots justes pour évoquer la manière dont l’arrivée de son fils, il y a six ans, a bouleversé sa vie.

Comment vous êtes-vous sentie pendant les mois qui ont suivi la naissance de votre fils ?
Cécile Doherty-Bigara :
« Quand on parle de la rencontre avec la parentalité, on se concentre souvent sur les premiers mois. Dans mon expérience, ce sont les deux ou trois années qui ont suivi qui ont été pleines de défis. Il y a eu une accumulation. Je me suis confrontée à l’idéal de maternité que j’avais hérité de ma propre mère, une maman qui était tout le temps là, dévouée, qui se sacrifiait. J’avais aussi cette envie de ‘bien faire’ qui est très présente dans ma génération, dans le fait d’allaiter longtemps, de bercer son enfant s’il ne s’endort pas, de lui donner des aliments qu’on a cuisinés soi-même, etc. Je donnais tout, et le fil de ma vie s’est arrêté. Quand, dans notre journée, on est soit dans son rôle de mère, soit dans son rôle professionnel, soit dans le travail domestique, et qu’il n’y a plus de temps pour autre chose, comme le plaisir, le silence, du temps avec soi, du temps avec des ami·es… à un moment donné, on manque de ressources. Il y a un décalage immense entre les soins qu’on accorde à son enfant et la manière dont on se traite soi-même. J’ai ressenti une grande fatigue, de l’épuisement. Je me suis dit : ‘Via la maternité, j’exprime une partie de moi, la mère, qui est riche et profonde, mais je suis d’autres choses aussi. Et ces autres parties de moi, qui n’ont plus de place, me manquent’. »

Vous semblez former un couple égalitaire avec votre compagnon, mais on comprend en vous lisant que les difficultés des jeunes mères ne sont pas qu'une affaire de répartition des tâches. Elles renvoient aussi à une certaine image de la maternité véhiculée par la société ?
C. D.-B. :
« Ce que le féminisme m’a fait comprendre, c’est qu’un homme et une femme sont capables de faire les mêmes choses, sauf une : la femme est la seule qui, par son utérus, peut porter un enfant. Et culturellement, un lien a été fait entre cette réalité biologique et une certaine idée de l’essence de la femme. Petite fille, on comprend, consciemment ou inconsciemment, par les modèles qui nous entourent, qu’être mère est quelque chose qu’on doit vouloir et qu’une mère occupe davantage son rôle de parent. Puis arrive l’expérience de la maternité, crue, corporelle, dans le couple, dans la réalité économique actuelle... Il y a un tel décalage entre ce qu’on imaginait et ce qu’on vit réellement que différentes émotions apparaissent. Il y a de la honte chez les jeunes mères, une honte très personnalisée : ‘C’est moi qui n’ai pas réussi’. Beaucoup de comparaisons aux autres, aussi. Et souvent ce n’est pas dicible, pas partageable. »

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