Vie pratique

La crise du covid-19 a mis la question au centre des préoccupations. Entre rester chez soi et choisir une maison de repos, il y a un panel de solutions qui existent aujourd'hui et qu'il reste à imaginer pour demain. Petit tour d'horizon.
1. Chez soi
C'est en général le choix privilégié. Mais bien souvent, la maison qui a accueilli les enfants n'est plus vraiment adaptée : trop grande pour une personne seule ou un couple avec beaucoup d'entretien à faire. S'occuper de sa maison peut faire partie des activités qui permettent de rester en forme. Mais quand la santé décline, certains aménagements peuvent être envisagés. Solival ou les mutualités, par exemple, aident à aménager sa maison, comme redescendre les meubles de la cuisine, adapter l'éclairage, retirer les tapis, etc. Le site internet bienvivrechezsoi.be propose toute cette série d'aménagements. Et puis, il est possible de faire venir des services jusqu'à la maison, comme les soins à domicile, les aides ménagères pour ce qui est de l'utilitaire ou bien des bénévoles des associations comme ceux de Bras dessus bras dessous pour éviter l'isolement.
2. Chez soi avec quelqu'un
C'est bien la clé de voûte d'une vieillesse qui se passe bien : « Ne pas tomber dans le repli sur soi », dit Anne Jaumotte ; « Garder un sentiment d'utilité, d'inclusion dans la société », le dit autrement Caroline Guffens. Pour garder ces liens sociaux, certains décident carrément d'aménager la maison pour pouvoir accueillir quelqu'un chez soi, un·e étudiant·e par exemple. C'est ce qu'organise l'asbl 1toit2âges : une personne âgée loge un·e étudiant·e chez elle moyennant un petit loyer ou des services. On voit aussi des grands-parents qui accueillent leurs petits-enfants pour qui il n'est pas toujours facile de se payer un logement avant d'avoir trouvé un emploi, par exemple. Une solidarité entre générations qui est encore malheureusement taxée aujourd'hui, puisque le statut de cohabitant fait perdre une partie de ses droits pour les allocations de chômage ou la grapa (la garantie de revenus aux personnes âgées).
3. La proximité avec la famille
Quand nous avons demandé aux parents la solution à laquelle ils avaient réfléchi avec leurs propres parents, c'est ce qui est revenu le plus souvent : aménager une partie de la maison pour les accueillir. Certains vivent sous le même toit, avec cuisine séparée ou non. D'autres ont organisé leur maison pour que ce soit deux unités indépendantes (chacun sa cuisine et sa salle de bain), tout en restant à proximité l'un·e de l'autre, qu'il puisse y avoir des repas en commun, que les proches soient tout près en cas d'accident.
« Il faut voir comment on s'entend avec la personne, nous confie Laureline, maman de deux garçons de 10 et 13 ans. Personnellement, ma grand-mère qui a vécu dans un appartement au 1er étage de notre maison pendant les dernières années de sa vie avait un caractère qui le permettait. Il n'y avait pas d'intrusion chez l'une comme chez les autres. On avait deux portes séparées. Et en même temps, les enfants ont pu partager beaucoup de moments avec elle. J'ai pu être auprès d'elle à la fin de sa vie. »
Une décision à prendre avec son conjoint pour être certain que ça convienne à tous et qui demande une certaine présence. Cela peut représenter une charge difficile à porter quand on travaille à temps plein. Là encore, faire appel à des aides à domicile peut s'avérer être un sacré coup de main. Bon à savoir : le fonds du logement propose un prêt intergénérationnel pour ce type d'aménagement.
4. L'habitat groupé
Ce type d'habitat permet un vivre-ensemble qui peut convenir aux personnes qui aiment les projets communs. Il mériterait un article à part entière mais retenons une chose : créer un habitat groupé ne se fait pas du jour au lendemain. Cela prend plusieurs années. Or, « à Bruxelles, nous recevons deux à trois demandes en urgence par semaine, c'est assez similaire en Wallonie, explique Daniel Mignolet, chargé de mission chez habitat et participation. Aujourd'hui, nous sommes en incapacité d'y répondre. Par définition, l'habitat groupé ne répond pas à l'urgence ».
Pour monter un habitat groupé, il faut en effet partager un certain nombre de valeurs, trouver le bâtiment qui conviendra pour que chacun ait sa partie privée en plus d'un endroit commun. Bref, ça prend du temps.
- l'habitat intragénérationnel. On en a pas mal entendu parler comme un exemple d'habitat qui évite le phénomène de glissement : la formule type Abbeyfield. Ce sont des logements autogérés par des personnes autonomes de plus de 60 ans. Il en existe une petite dizaine en Belgique, « mais ce n'est pas suffisant, commente Laurence Braet, chargée de mission chez Habitat et participation. Il s'agit d'un partenariat public privé : la maison est une asbl et fait un partenariat avec une commune, un CPAS ou une société de logement public ».
À noter qu'il s'agit d'un habitat où il faut fournir un certificat médical pour y accéder. L'idée est donc d'être encore en bonne santé quand on y entre. - l'habitat intergénérationnel. Il y a aussi des projets qui se créent de manière privée. Ils sont bien souvent intergénérationnels, ce qui permet à la personne qui vieillit de pouvoir s'appuyer sur les plus jeunes générations sans pour autant en faire des aidants proches. « Ces logements se financent soit par eux-mêmes soit en cherchant un partenariat avec les pouvoirs publics. En général, le processus est très lent, très long. Il faut être sérieusement accroché pour voir le projet aboutir », commente Laurence Braet.
Un peu partout en Wallonie, on voit éclore ce genre de projets. « S'ils fonctionnent, ces projets pilotes vont montrer que c'est possible et vont créer un modèle reproductible pour le montage, pour le vivre-ensemble », espère la chargée de mission.
5. Les résidences-services
Avec ce type de studio ou d'appartement, on se rapproche de la maison de repos, mais on garde son chez-soi. Le ou la résident·e peut ainsi bénéficier des repas ou des activités des la maison de repos s'il le souhaite mais sans obligation. Ces résidences accueillent les plus de 60 ans, seuls ou en couple, encore valides et autonomes. Là encore, le prix peut vite grimper, mais un projet de résidences-services sociales est en projet pour les plus faibles revenus.
6. La maison de repos (et de soins)
Beaucoup d'acteurs disent qu'elle reste irremplaçable en cas de perte d'autonomie. La crise du Covid-19 nous a montré qu'il y avait des choses à améliorer. « Quand on parlait des maisons de repos pendant la crise, on ne parlait que du soin médical qu'on y apporte, commente Anne Jaumotte d'Eneo. On a vu que ça ne suffisait pas. Un être humain, il ne faut pas seulement le nourrir et le loger. Si on ne l’aime pas, qu’on ne l’écoute pas et qu’on ne répond pas à ses besoins, il ne sera pas heureux ». C'est le syndrome du glissement.
Il y a donc des choses à améliorer dans les maisons de repos. Mais là encore, cela mériterait un dossier à part entière. Pour Caroline Guffens de l'asbl Le bien vieillir, la première chose à faire est de permettre plus de perméabilité entre la maison et la maison de repos. Elle a imaginé le modèle de demain (voir ci-dessous).
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De petites îles au cœur de la cité
L'asbl Le bien vieillir imagine le modèle de demain pour que parents et grands-parents vivent sereinement l'hiver de la vie. Pour Caroline Guffens, il ne faut pas seulement penser au logement en terme d'hébergement, mais à l'habitat dans son intégralité : le quartier, le village, son accessibilité.
« Ce serait de petites structures à taille humaine de dix personnes maximum. Elles seraient situées au sein des villes et des villages. Elles seraient dynamisantes pour l'endroit où elles se trouvent. Un lieu qui permettrait aussi une revitalisation d'un quartier, un lieu de rencontre pour le voisinage, ouvert vers l'extérieur. Il permettrait à différentes générations de se rencontrer : vieilles ou non. On pourrait aussi aider d'autres types de profils comme les mères célibataires ou les personnes porteuses d'un handicap, mais on peut aussi juste ouvrir ce logement à toute génération et toute situation sociale. Pas seulement les personnes en difficulté. Les soins viennent aux habitants plutôt que l'inverse pour éviter le déracinement. Un lieu ouvert où des personnes qui vivent ailleurs peuvent aussi venir passer un petit peu de temps. Un lieu où c'est beau simplement, où c'est normal d'habiter, qui donne envie et pas des lieux fermés dont on a peur et dont on s'approche contraint·e et forcé·e. Là où on est vu comme un·e citoyen·ne à part entière, qui peut certes avoir des ennuis de santé, mais qui ne se résume pas à ça. Et si il y a des difficultés, il ou elle peut avoir recours à des aides, mais rester chez lui ou chez elle car le lieu est adapté en terme architectural et qu'il y a une présence qui permet un sentiment de sécurité dans ce lieu. Le but est d'éviter les ruptures quand la personne est fragilisée. »
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