Vie pratique

Pour maintes raisons, séparés, certains parents sont absents, occupés ou happés. Il arrive donc que ce soit aux grands-parents de prendre en charge la garde des enfants sur une base régulière. Voyons comment se définissent ces modalités.
Les grands-parents qui assurent les arrières en cas de séparation. Trop facile. Le genre d’article dans lequel on s’embarque, persuadé que l’affaire sera traitée vite fait bien fait. Un ou deux témoignages, l’intervention d’un·e psy, peut-être un mot d’une travailleuse de terrain et l’affaire est dans le sac. Terminé. Sujet suivant.
C’est hélas à la dernière étape que tout vacille. Sandra Blum, médiatrice familiale qui entretient avec nous des correspondances régulières, suggère : « Vous devriez pousser les portes des Espaces-Rencontres ». Bon élève, le conseil est mis en application. Et c’est là que tout chamboule. Nous contactons la maison de la famille Willy Peers à Bruxelles. Bénédicte, la responsable, pose la question : « À quels grands-parents vous vous adressez ? Aux vertueux qui viennent en aide à leurs enfants, sur qui les petits-enfants sont heureux de s’appuyer ? C’est une image idyllique. La réalité est beaucoup plus compliquée que ça… ».
Juge ou pas juge ?
Rembobinons. L’idée de l’article naît d’une famille proche. Un couple qui se remet coup sur coup des diverses dépendances du papa et d’une douloureuse séparation. Les grands-parents paternels viennent à la rescousse. Les week-ends du papa, une semaine de vacances sur deux, pour lui permettre de retrouver un second souffle. Ils assurent la gestion du quotidien de la fillette que l’on appellera Léa, 9 ans, bien secouée par la situation de ses parents.
Une maman en bout de course, un papa noyé, ce n’est rien de dire que pour Léa, les séjours chez ses grands-parents sont précieux. Ces derniers sont passés devant le juge pour officialiser les modalités de garde. Est-ce un passage obligé ? Non. D’ailleurs Bénédicte, la responsable d’Espace-Rencontres, s’en étonne. « C’est loin d’être obligatoire. Je répète souvent aux familles que si on s’entend, pas besoin de juge ou de tribunal. Ici, à mon sens, les grands-parents sont passés devant le Tribunal de la jeunesse parce que la situation avec la maman n’est peut-être pas au beau fixe. Ça arrive quand les grands-parents vont devenir famille d’accueil. Il arrive aussi qu’en cas de décès d’un parent, les modalités soient débattues au tribunal civil, cette fois ».
Peu importe ce que la famille traverse comme épreuve de séparation, un grand-parent n'est jamais un parent
Leur place à ces grands-parents ? Notre psy tout-terrain, Claire Jarret, rappelle que peu importe ce que la famille traverse comme épreuve de séparation, un grand-parent n'est jamais un parent. « Il peut intervenir dans l’éducation des petits-enfants. Les guider, leur prodiguer des conseils, partager leurs enseignements, relater leurs expériences. Ils peuvent assurer un soutien affectif, financier et pratique, tout en jouant un rôle crucial dans leur développement et leur bien-être… Attention aux points de friction que ce rôle parental de substitution peut entraîner à long terme. Et cela finit très souvent par se produire. Le parent se sent dépossédé. Il vit avec le poids d’avoir failli à sa mission. La culpabilité passe par des manifestations parfois très violentes ».
Dans ces cas de figure, la place pour ces grands-parents de bonne volonté est alors délicate. Ils s’impliquent beaucoup, pour un retour parfois désagréable. Et puis, parfois, il vaudrait même mieux éviter de faire appel à eux…
Plus c’est limpide, mieux c’est
Nous en revenons donc à la remarque de Bénédicte en début d’article. De quels grands-parents parle-t-on ? Hélas, la gentille grand-maman qui va combler les failles affectives de ses propres enfants ou le gentil bon-pépé dévoué, paré à investir tout son amour dans sa mission de substitution… ça ne fonctionne pas toujours.
Notre psy observe : « Il existe autant de cas de figure que de séparations. Tout peut merveilleusement bien se passer, tout peut générer encore plus de chaos. Ce qu’il faut, si une telle situation se produit autour de soi, c’est bien vérifier si c’est acceptable pour l’enfant ».
Et Bénédicte d’affirmer et compléter que parfois il vaut mieux réfléchir à d’autres aménagements. « Dans certaines situations, les enfants préfèrent encore l’impartialité d’un internat quitte à se répartir entre parents et grands-parents les week-ends et congés, par exemple ».
La responsable d’Espace-Rencontres rappelle alors que, quoi qu’il en soit – et dans la mesure du possible –, le mieux reste de réunir un maximum de gens autour de ces modalités de garde. Oncles, tantes, nounou, proches... De manière à dégager alors au mieux les horizons. « On expérimente à plusieurs. On se parle. On n’opte pas illico pour une solution définitive. On voit si la situation convient aux enfants. On se revoit. On réévalue. On réajuste. Je le redis : c’est toujours mieux quand on s’entend ».
Claire Jarret rappelle à son tour de toujours prioriser l'enfant. « Quoi qu’il en soit, il faut redire aux parents qu’on ne prend pas leur rôle. On est juste soutien et partenaire. De même qu’il me semble important de le rappeler aux enfants. Si tout est dit clairement, si tout est limpide, la situation devient plus vivable pour tout le monde ».
EN SAVOIR +
Et les Espaces-Rencontres, alors ?
La maison de la famille Willy Peers nous fait remarquer que les grands-parents ne s’appuient pas assez sur les Espaces-Rencontres. Si ces espaces servent majoritairement à maintenir le lien entre enfants et parents, les grands-parents sont invités à y prendre part également. « N’hésitez pas à pousser les portes de ce lieu de médiation. En cas de dispute entre les parents, ça peut être une solution, plus que de se dire ‘Ils régleront ça entre eux’. Toute demande sera toujours traitée et nous n’hésitons pas à vous conseiller au cas par cas ».
Hélas, il n’existe plus de fédération pour piloter le tout. Renseignez-vous, il existe cinq structures de ce type en Région bruxelloise et la Wallonie en compte onze agréées.
À LIRE AUSSI