Développement de l'enfant

Voyages scolaires, un bien nécessaire

Lors de voyages scolaires, la séparation peut être compliquée, autant côté élèves que côté parents

Si certain·e·s trépignent à l’idée de partir par monts et par vaux, pour d’autres, la séparation s’annonce compliquée… et pas toujours côté enfant. Tour d’horizon à 360 degrés avec les parties prenantes, le tout saupoudré de quelques conseils de professionnel·le·s.

Un jeudi soir de septembre, une cinquantaine de parents sont rassemblés dans le réfectoire de l’école pour discuter des classes de ferme organisées pour les élèves de 2e primaire. Dans l’assemblée, on sent aussi de l’appréhension chez certain·e·s. Une maman s’inquiète pour son fils qui saigne souvent du nez la nuit. Quelques rangs plus loin, Karim interroge : « En cas de cafard le soir, y a-t-il moyen de prévoir un appel téléphonique ? ». Nicole*, l’institutrice, se montre très rassurante.

Un exercice de lâcher-prise pour le parent

« La plupart du temps, il y a un pincement au moment du départ et puis, dès que le bus a tourné au coin de la rue, les enfants sont pris dans l’énergie du groupe et oublient leur chagrin. En vingt-et-un ans, je n’ai eu qu’un seul enfant qui n’a pas bien vécu la classe extérieure », rassure Nicole.
Certains enfants ont besoin d’être rassurés sur le fait qu’ils reverront bientôt leurs parents, parfois c’est le câlin qui fait mouche ou le fait de rester près de l’enfant au moment du coucher. L’équipe enseignante adapte la réponse en fonction du tempérament et du profil de l’enfant.
Comme l’a montré la réunion de parents, l’inquiétude peut aussi être parentale. « Certain·e·s ont besoin d’être rassuré·e·s sur la manière dont va se passer le séjour, d’autres sur le fait qu’on sera là si leur enfant a un coup de blues », confirme Nicole.
C’est le cas de Karim, papa d’Amina. « Je suis un papa poule et j’aime avoir mes filles près de moi. Si on avait eu la possibilité, je serais parti avec elle », confie-t-il. Si Karim a pleinement confiance en l’équipe éducative, il redoute davantage l’aspect groupe.
« Ma fille est très émotive, je sais que la moindre petite anicroche peut la chagriner. La semaine dernière, elle est rentrée toute triste en disant qu’elle avait eu la pire journée de sa vie parce que des copains se sont moqués d’elle quand elle est tombée ». Si un incident se produit, qui sera là pour relativiser et trouver les mots justes, s’inquiète Karim, qui se raisonne dans le même temps. « Je me dis que ça va bien se passer et que je dois me préparer à ce qu’elle prenne son envol, c’est bon pour son développement personnel ».
Même topo pour Nathalie, maman de Noa. « Je suis hyper contente qu’elle parte, mais c’est compliqué à gérer. Ça vient réveiller chez moi une angoisse de mort qui a été réactivée au moment des attentats. Ma sœur était dans le métro qui précédait celui qui a explosé à Maelbeek ». Mais Nathalie est bien décidée à ne pas laisser ses peurs diriger sa vie. Première étape, identifier la source de son inquiétude : le trajet en car.
« Du coup, je vais me programmer un petit déjeuner avec une copine ou une balade pour me distraire ». Nathalie n’a aucune envie que son angoisse déteigne sur sa fille. « Elle est ravie de partir. À 3 ans déjà, elle demandait pour loger chez des copains de classe. Nos enfants aussi nous font grandir ».
Chez Karim, il y a aussi la peur de l’inconnu, puisque sa fille n’est jamais partie trois jours et deux nuits en dehors de la famille contrairement aux enfants qui fréquentent les mouvements de jeunesse. Pour se familiariser, Noa et Amina s’entraînent et s’invitent l’une chez l’autre et, même à la maison, le sac de couchage est de sortie.

Karim - Papa d'Amina
« Je me dis que ça va bien se passer et que je dois me préparer à ce qu'elle prenne son envol, c'est bon pour son développement personnel »
Karim

Papa d'Amina

La préparation au séjour passe aussi par des discussions, Amina a déjà dressé une liste des choses qu’elle aimerait emporter. Depuis quelques jours, elle a lancé un compte à rebours et coche les jours sur le calendrier.

Les bienfaits pour l’enfant

Chez celles et ceux pour qui la séparation est vraiment compliquée, le jeu en vaut-il la chandelle ? Nous avons frappé à la porte de l’école de Clerheid qui organise des classes vertes depuis plus de 36 ans du côté d’Érezée. « Je sens toujours une grande envie de vivre des choses, tant chez les enseignant·e·s que chez les enfants », constate Maryline, une des trois animateurs/animatrices pédagogiques avec Pascale et Jean-Denis.
« Un voyage scolaire, c’est d’abord apprendre à vivre ensemble, poursuit Maryline. Quand on est en groupe, tout est plus lent, on doit s’attendre, s’aider, vivre avec les autres. C’est aussi une découverte de soi et des autres. Pour ceux qui restent cinq jours ou plus, on voit vraiment une évolution au fil du temps, le masque de perfection des premiers jours tombe et on devient authentique. »
Il y a aussi la découverte du milieu, poursuit Pascale. « Pour certain·e·s petit·e·s citadin·e·s, c’est la première fois qu’ils et elles se retrouvent dans un cadre rural, en plein milieu des prés et des champs. C’est aussi la découverte de la vie animale. Les enfants sortent de leur zone de confort, s’adaptent à la nature, aux conditions météo ».
Nicole ajoute l’autonomie à la liste des bienfaits. « Les enfants grandissent beaucoup en classe extérieure. Ils se rendent compte de toutes les choses qu’ils parviennent à faire par eux-mêmes ».

EN PRATIQUE

Les conseils de Nathalie Ferrard, psychologue, pour bien se séparer

  • Écouter votre enfant : soyez curieux de ce qu’il a à vous dire. Parfois le parent imagine ou projette des choses alors que l’enfant est dans un tout autre état d’esprit.
  • Reconnaître ses émotions : en fonction de ce qu’il vous dit, mettez des mots sur ce qu’il vit : « Je vois que tu appréhendes un peu le coucher, y a-t-il quelque chose qui puisse t’aider ? ».
  • Penser le temps : préparez le départ, visualisez le nombre de jours qu’il reste, ceux du séjour et offrez-lui une perspective : on fêtera ton retour autour de ton plat préféré.
  • Respecter son intimité : c’est important que les enfants vivent des choses en dehors de la famille. Avec les réseaux sociaux, on a tendance à empiéter sur leurs territoires. La notion d’intimité est très importante, c’est à eux de choisir ce qu’ils diront ou pas de cette expérience.