Crèche et école

Le premier mois d’école est passé. Pour certains enfants, la routine est déjà installée et le rythme est pris. Pour d’autres, c’est plus compliqué, notamment pour ceux et celles qui ont fait le grand saut entre la maternelle et la 1re primaire.
Un jour de semaine banal. Léa, 6 ans, rentre de l’école. Sur le journal de classe, madame Sylvie a noté qu’il fallait terminer la ligne de « e » entamée en classe. 17h45 : le cahier est sorti, Léa se met au travail. 18h30 : la fillette finit difficilement son quatrième « e ». Entre-temps, une bordée de larmes, un cactus massacré, une poupée maquillée et coiffée, un dessin et les cravates de son papa sens dessus dessous dans la commode parentale.
La maman de Léa s’inquiète de ce comportement. Sa fille ne pense qu’au jeu, tout le temps, et le travail scolaire entraîne systématiquement ou presque des crises. Mais est-ce un mal quand on vient tout juste de commencer sa 1re primaire d’avoir l’esprit ludique en permanence ? « Certains parents oublient que le jeu est à la base de nos apprentissages, souligne madame Marie, enseignante en 1re primaire dans une école bruxelloise. À 6 ans, les enfants doivent jouer, toujours, même quand c’est des devoirs à la maison. La notion de plaisir est essentielle dans le processus d’acquisition des connaissances. Ici, je parle du plaisir d’apprendre, mais aussi du plaisir de découvrir, du plaisir de partager, du plaisir d’essayer de nouvelles choses ».
Cinq à dix minutes, pas plus
Le jeu, on dit donc oui. Très bien. Reste l’épineux problème de la durée des devoirs. Pour rappel, la législation dit que pour les 1re et 2e primaires, il ne peut s’agir que de brefs exercices d’écriture, de lecture et de récitation. « Certaines fois, Léa est près d’une heure sur ses devoirs, je ne la force pas, raconte sa maman, mais j’estime que le travail demandé doit être effectué. Alors je lui remets l’ouvrage sous le nez dès que je vois qu’elle est à nouveau calme ».
La notion de plaisir est essentielle dans le processus d’acquisition des connaissances
On retourne voir madame Marie… qui blêmit quelque peu à la lecture du témoignage. « Oh, la, la, c’est la cata, ça ! Les devoirs chez les 1re primaires, ça doit durer entre cinq et dix minutes, pas plus. La vocation de ce petit travail à faire chez soi, c’est juste ‘d’imprimer’ un peu plus ce qui a été vu en classe, parfois un peu dans le brouhaha. Faire une ligne de 'e' comme la petite Léa, c’est cinq minutes et hop, on range le cahier dans le cartable. Et si ce n’est pas fait ? Eh bien, ce n’est pas grave ! On a quand même le temps de mettre tout ça en place tout au long de l’année ».
Finalement - et encore une fois, pourrait-on presque dire -, ce sont sans doute nos inquiétudes d’adultes qui prennent le dessus sur le bon sens parental. Alors, oui, la 1re primaire est une classe importante dans l’évolution de notre petit écolier, mais elle n’est qu’une étape parmi une foule d’autres. Ce que confirme monsieur Cédric, un enseignant liégeois avec plus de vingt rentrées au compteur.
99 % des problèmes résolus d’eux-mêmes
« Cette classe de 1re primaire n’est quasiment qu’une classe de transition au premier trimestre. Le temps est structuré différemment de la maternelle, les temps de travail sont plus longs, la classe aussi est différente avec chacun son espace de travail et des espaces de jeux qui ne sont plus visibles. Tout cela, les élèves doivent se l’approprier, y trouver leur place. Cela demande du temps et, pour certains, c’est une vraie source de stress. Comme le veut l’expression, il faut laisser du temps au temps à ces petits. Et les parents doivent simplement les accompagner dans cette mise en place et surtout sans mettre de pression ! »
Plus facile à dire qu’à faire souligneront des parents. Oui, concèdent les enseignants rencontrés. Mais, parce qu’on ne peut sauver le monde en ne faisant rien, ils conseillent aux parents encore inquiets de venir les trouver pour en parler. « C’est aussi à nous, professionnels, d’expliquer comment la classe fonctionne, quels sont nos attentes et nos objectifs, note Marie. On le fait souvent en tout début d’année scolaire, lors des réunions collectives avec les parents. Mais ces derniers ne doivent pas hésiter à venir nous voir s’ils ont besoin d’être rassurés. Le but, c’est vraiment que l’enfant se sente bien dans ce qu’il fait, autant à l’école qu’à la maison. Mais d’expérience, je sais qu’en 1re primaire, à la fin du premier trimestre, 99 % des problèmes de ce genre se sont résolus d’eux-mêmes. Parce que l’enfant aura grandi dans et avec sa classe ».
Et chez les plus grands ?
Retour à Bruxelles, cette fois-ci, dans la classe de madame Magalie. Une classe qui fonctionne en cycle, c’est-à-dire que 3e et 4e primaires se côtoient au quotidien toute l’année. Pour ces plus grands, âgés de 8 à 10 ans, qui ont déjà deux ou trois années d’école derrière eux, comment cela se passe-t-il ?
« Comme pour les 1re, il y a cette période de transition, souligne madame Magalie. Elle est bien entendu beaucoup plus courte, parce que les enfants retrouvent vite des automatismes, mais elle est tout aussi nécessaire. Et c’est normal après les deux mois de vacances. Donc, les deux-trois premières semaines sont vraiment une remise en route, à base de révisions, pour réapprendre à apprendre. »
L'AVIS DE...
Mireille Pauluis, psychologue
« Le comportement de Léa n’a rien d’inquiétant. Imaginez plutôt ce que cette fillette vit : un passage de l’univers encore préservé de la maternelle à celui de la ‘grande école’, et cela après deux mois de vacances ! Ce temps de la rentrée pour elle, c’est un no man’s land. Pour s’adapter à cette nouvelle vie, à ces changements, Léa se rassure dans ce qu’elle connaît, à savoir le jeu. Parce que c’est réconfortant et rassurant. Ces allers-retours entre petite et grande sont une période de transition, et, petit à petit, le temps des devoirs, l’enfant va faire le deuil du jeu et va s’accommoder des exigences de l’école. Pour les 1re primaires, il ne faut pas oublier de rappeler qu’on parle d’enfants qui peuvent avoir 6 ans dès le mois de janvier et d’autres en décembre. À cet âge-ci, cela fait une grande différence de maturité au mois de septembre ! Je crois qu’il ne faut pas hésiter à en parler à l’enseignant, à lui demander quel temps vraiment consacrer à ce travail à la maison. Et si c’est cinq minutes, c’est cinq minutes. Ensuite, on laisse la place au jeu, à la détente. Et l’enfant peut revenir sur ce travail s’il le veut, sans que le parent ne l’incite. Pour les plus grands, c’est la même chose. On laisse un temps de transition, d’adaptation. Il est nécessaire. Tout comme il est nécessaire à nous, adultes, que ce soit quand on change de travail, qu’on déménage ou même plus simplement par rapport à la météo ! »
EN PRATIQUE
Après-4 heures : laissez-le souffler
- Un break entre l'école et la maison est nécessaire à tout âge pour que l’enfant s'aère et évacue la pression de la journée.
- Le goûter - un des quatre repas essentiels de la journée - est le rituel parfait pour permettre à votre petit de reprendre des forces avant d’attaquer ses leçons. Un bon verre de lait ou un yaourt, une tartine garnie et un fruit lui redonneront l’énergie.
- S’il a déjà mangé son 4 heures à la garderie, proposez-lui, arrivé à la maison, de jouer une petite demi-heure avant de reprendre ses devoirs.
- Tout rituel fixe et structure le temps et l'espace, ce qui rassure l'enfant.
À LIRE AUSSI