Grossesse

À l’hôpital : la toute grande majorité des accouchements

Les accouchements à l'hôpital représentent 98% des naissances

En Wallonie et à Bruxelles, 57 197 accouchements ont eu lieu à l’hôpital en 2019. Cela représente 98% des naissances. C’est donc l’histoire de la toute grande majorité des parents, mais chacun avec son propre vécu.

C’est l’aurore d’un dimanche sans voiture à Bruxelles. Julie est à terme, les contractions se rapprochent, mais la douleur n’est pas encore si intense. Son mari, Pierre-Yves, et elle préfèrent tout de même se diriger vers les Cliniques de l’Europe Saint-Michel à Etterbeek, avant que les routes ne soient bloquées. C’est leur tout premier accouchement et les futurs parents préfèrent être prudents. Une fois sur place, le monitoring n’indique pas que le travail est en route, mais l’ouverture du col est à 8 cm. « C’était le moment », raconte la maman.
Agitation. Installation du cathéter. « Ma gynéco n’était pas là, mais m’avait prévenue. J’ai demandé un accouchement sans péridurale. Tout s’est très bien passé jusque-là. Ce n’était pas une naissance à risque ». Camille voit le jour et est tout de suite emmenée par l’équipe soignante car elle a bu du liquide amniotique.
C’est à ce moment que Julie commence à se sentir mal. « C’était bizarre, j’avais davantage mal au ventre que pendant ou avant l’accouchement ». Le gynécologue est déjà rentré chez lui. « Les infirmières m’ont examiné, elles ont appuyé sur mon ventre. Et malgré l’anticoagulant qu’on m’avait injecté, des caillots de sang sortaient. Je faisais probablement une hémorragie ». Le gynécologue est rappelé.
En l’attendant, l’équipe sur place arrive à stopper le saignement. « Mais j’avais quand même perdu beaucoup de sang. Comme je n’avais pas eu de péridurale, on ne pouvait pas agir localement. On m’a alors mis sous anesthésie générale et je suis descendue au bloc opératoire ». Quand Julie se réveille cinq ou six heures plus tard, tout va bien. La petite est avec son papa et dort paisiblement.

Le facteur risque

Avec le recul, Julie est bien contente d’avoir accouché à l’hôpital. « Je n’avais aucune indication qui prédisaient ce qu’il s’est passé. L’équipe médicale a dû intervenir très rapidement. Au moment-même, je ne me suis pas rendu compte que la situation pouvait être grave. En réalité, j’ai perdu énormément de sang et j’ai dû avoir une transfusion assez importante. Si on a les moyens aujourd’hui de réagir directement, autant le faire ».
C’est ce genre d’histoires, minoritaires mais existantes, qui conduit Pierre Bernard, obstétricien aux Cliniques universitaires Saint-Luc et président du CRGOLFB, le Collège royal des gynécologues-obstétriciens de langue française de Belgique, à dire qu’il vaut mieux accoucher dans un hôpital.
« 2 à 5% des patientes vont saigner après l’accouchement sans qu’il y ait nécessairement des facteurs de risques. L’hémorragie de la délivrance est la première cause de mortalité maternelle dans le monde. Voilà pourquoi on met une perfusion. Certes, on va en mettre à cent patientes pour en aider finalement cinq. Mais si on ne le fait pas, on prend des risques pour ces cinq femmes. »
L’obstétricien donne d’autres chiffres : « En Belgique, il y a six à sept mamans qui meurent par an pour une cause obstétricale. Cela peut paraître peu, mais, pour moi, c’est trop si c’est évitable. Et parmi celles-là, une partie des décès est due à une hémorragie de la délivrance ».
Le risque zéro, c’est ce que prône Pierre Bernard, qui cite aussi d’autres problèmes qui surviennent lors d’accouchements dont les conditions sont a priori optimales. « Parmi ces patientes, 1 sur 10 va avoir des anomalies dans le monitoring fœtal. Ce n’est pas pour cela qu’il y aura nécessairement un problème, mais le risque existe. Sur ces 10% d’accouchements a priori à bas risque, 1 bébé sur 10 naîtra avec une acidose, soit un pH trop bas. Aura-t-il un problème pour autant ? Pas nécessairement. Mais on doit les garder à l’œil et avoir de bonnes réactions médicales, sinon la majorité risque une asphyxie avec tout ce que cela peut avoir comme conséquences neurologiques. Si on calcule, cela représente 150 à 200 bébés par an en Belgique. C’est rare, me direz-vous, mais rien n’annonçait ce problème et, en tant que parent, on n’a pas envie de faire partie de ces naissances-là ».
Et de souligner la qualité des soins dans les hôpitaux belges. C’est elle qui a conduit Valérie* et Christophe* à accoucher à l’hôpital. Les deux parents sont médecins et connaissent l’environnement hospitalier. Néanmoins, la maman a attendu la dernière minute pour se rendre au CHU Namur.
« Pendant ma grossesse, ma sage-femme m’a vraiment coaché à fond, mis en confiance et expliqué toutes les positions qu’il fallait que je prenne, à quel moment il fallait que j’aille à l’hôpital pour ne pas arriver trop tôt, pour ne pas être épuisée. Car quand on se retrouve dans un milieu hospitalier, médicalisé, on a tendance à stresser. Tu es moins confortable que chez toi, explique Valérie. Étant médecin, je sais comment ça marche et je savais qu’à un moment l’anesthésiste arriverait peut-être au bout de son horaire, aurait envie de rentrer chez lui et qu’on risquait de me mettre une pression pour faire la péridurale. Je ne suis pas anti-péridurale, mais je voulais avoir le choix sur le moment, qu’on ne me mette pas la pression. Je ne voulais pas qu’on accélère les choses, qu’on rompe artificiellement la poche des eaux et ainsi avoir une cascade d’interventions hormonales où l’accouchement ne se fait pas de manière naturelle ». Finalement, la petite Justine* est née de manière tout à fait physiologique dans un contexte hospitalier. Comme ses parents le souhaitaient.

* Prénoms modifiés