Développement de l'enfant

Ados : dialoguer pour sortir de l’anxiété confinée

Durant le (dé)confinement, les jeunes se confient en nombre à l’ asbl Paroles d’ados. Confirmation, l’amour en virtuel, ce n’est pas vraiment ce qu’ils kiffent. L’école en mode incertitude non plus. 

« Pendant ce confinement, je m’ennuie à mourir, donc j’ai tout le temps des questions qui surgissent dans ma tête et j’arrive pas à les enlever. J’aimerais juste que ça soit plus simple, que tout redevienne comme avant, dans l’insouciance totale. » 

Des messages comme celui-là, l’asbl Paroles d’ados en reçoit des dizaines depuis le début du confinement. Ces dernières semaines, ce sont deux fois plus de messages qui ont été traités. Le site, lui, a été fréquenté trois fois plus. 

« Au tout début du confinement, glisse une des psychologues de l’équipe, nous étions un peu étonné·e·s. Nous n’avions pas tellement de messages de jeunes à ce propos et puis, d’un seul coup, ça s’est déclenché. Des messages qui parlaient du manque d’ami·e·s , de ce vide laissé par l’absence d’école. Et puis, parfois, venait sur le tapis le problème de sentir enfermé·e 24h sur 24 avec la famille ou la belle-famille. Nous avons reçu des messages assez touchants. » 

Dans son boulot quotidien, il faut dire que l’association a profité d’un site internet revu et corrigé, en plein confinement. Un hasard du calendrier qui a bien fait les choses. Ce site permettant, notamment, de favoriser le dialogue entre ados via le forum. 

« Cela a créé une belle dynamique. Le site est plus clair, plus ordonné », constate la psychologue. Les ados soumettent leurs questions à l’équipe, et les déposent ensuite parfois dans les forums. « C’est intéressant, ils reçoivent nos réponses de spécialistes et parallèlement aussi l’expérience de jeunes gens du même âge. On s’est dit : ‘Waw, là, cet outil internet est pertinent face à la demande des jeunes, surtout en cette période de trouble et de confinement’.  Une vraie satisfaction ! ». 

L’amour au top des préoccupations 

Pour les ados, ce confinement n’est pas toujours très facile à gérer. On l’a déjà dit dans le Ligueur, les relations amoureuses sont au centre de leurs préoccupations confinées. Nettement. « On le sent, pour eux, plus le confinement dure, plus c’est lourd ». C’est le constat de Marie-Noëlle Dewulf, la coordinatrice : « Au fil du temps, il y a des relations qui s’arrêtent. Parfois de façon douloureuse. Et à distance, l’ado se retrouve seul à gérer ». 

La psychologue confirme : « Ces relations affectives reviennent souvent dans la discussion et de façon claire. Lorsqu’on touche aux relations au sein de la famille, on peut sentir un stress, mais c’est plutôt flou. Ils ne le mettent pas en mots, n’ont pas spécialement envie de s’y attarder. Cela dépend de situations particulières. Pour les relations amoureuses en revanche, c’est clairement la gestion à distance d’une relation amoureuse qui pose problème ». 

Et comment fait-on pour conseiller l’ado dans ces cas-là ? « Généralement, on resitue le contexte dans lequel on se trouve, avance Marie-Noëlle Dewulf. C’est basique, mais cela a toute son importance, il faut replacer le questionnement dans cette situation qui est ‘hors norme’ ». 

Alors que les ados vivent en permanence dans un monde de communication virtuelle, lorsqu’il s’agit de vivre une relation amoureuse, c’est le côté physique qui s’impose. « Ils ont besoin de ce contact d’amour, constate la coordinatrice. Dans le dialogue qu’on établit avec eux, on les accompagne en réfléchissant sur leur relation avant le confinement. Pourquoi était-elle aussi importante pour eux ? Et en quoi la distance pourrait-elle faire en sorte qu’ils perdent tout ça ? Puis on en arrive à l’aspect virtuel. On voit avec eux que c’est un pan important de la relation, qu’on peut aussi y cultiver des rapports de qualité. »   

Sortir l’ado du négatif 

Se retrouver seul·e, ado, c’est être confronté·e brutalement à ses peurs. La peur de ne pas se réaliser, de ne pas/plus être à la hauteur. Le fait d’être isolé·e, même au sein d’une famille, amplifie une certaine détresse. « C’est vraiment difficile pour eux, confirme la psychologue, je pense à cet ado perdu dans ses angoisses. Petit à petit, en dialoguant avec nous, il s’est rendu compte qu’il réagissait comme ça parce qu’il n’avait rien à faire. Il n’avait pas ses distractions habituelles. Il devenait obsédé par les grandes questions sur le sens de sa vie, la mort. Ça tournait dans tous les sens, il ruminait, il avait des crises d’angoisse. C’est un schéma qui s’est présenté plusieurs fois. Le manque de distractions, ce manque de ‘vie quotidienne normale’ les font partir dans des hypothèses, des fantasmes, des trucs imaginaires qui les tirent parfois vers du négatif ». 

Cela pourrait parfois sembler paradoxal, mais lorsque les ados viennent avec leur mal-être chez Paroles d’ados, ils ne font pas forcément tout de suite le lien avec le confinement. Ils parlent d’une rupture sentimentale, d’une relation compliquée avec la belle-mère, le frère ou la demi-sœur. Ce n’est parfois qu’au fil de la discussion, lorsqu’il s’agit de chercher les causes du mal-être, que le confinement s’impose, peu à peu, comme le déclencheur. 

« On leur demande alors comment ils font pour remplir leur journée. Font-ils du sport ? Comment remettent-ils du plaisir dans leur vie alors qu’ils sont confinés. On réfléchit avec eux à toutes les possibilités qu’offrent les réseaux sociaux, les tutos sur internet. Petit à petit, ce dialogue chasse les angoisses, permet le retour du calme. Ils nous posent alors des questions sur leur vie sentimentale. L’échange redevient plus normal, plus conforme à la vie de tous les jours. » 

L’amour, O.K. Mais la famille, se retrouve-t-elle au cœur des problématiques soulevées par les jeunes ? « Les relations familiales arrivent aussi sur le tapis, mais moins souvent. Lorsqu’elles sont abordées, c’est sur le mode du : ‘Apprenez-moi à maîtriser mes émotions, j’explose pour un oui ou pour un non’. Bref, c’est le cas typique des ados qui sont paumés par rapport à l’intensité de leurs émotions et surtout à l’expression de celles-ci quand elles s’en vont du côté de l’agressivité ». 

En gros, les ados font les frais des relations tendues et ordinaires avec la famille qui sont amplifiées par cette proximité permanente et cette impossibilité de prendre du recul. Marie-Noëlle Dewulf poursuit : « Cela ne constitue pas la majorité des messages laissés par les ados. Loin de là. Mais quand ça s’exprime, cela peut-être assez violent. Le ras-le-bol s’exprime. On entend la porte claquer ». 

Angoisses scolaires 

Source de stress chez l’ado, l’école. La coordinatrice de l’asbl a identifié plusieurs messages anxieux au sujet de l’orientation scolaire très perturbée. « Leurs questions ? ‘Qu’est-ce que je vais devenir ? Vais-je être orienté vers le professionnel ou le technique ? Qu’est-ce qui m’attend en septembre ?‘. On renvoie vers une de nos répondantes dont l’orientation scolaire est la spécialité. Elle les fait réfléchir. Leur demande, par exemple, pourquoi c’est inquiétant de passer en professionnel ou en technique. Poser simplement le problème, c’est souvent le déminer ». 

Dans l’immédiat, le simple retour à l’école perturbe aussi les élèves. « On a eu pas mal de questions sur les difficultés liées au changement, confirme la psychologue. Ceux qui sont entrés en septembre dernier en humanités sont assez perturbés. Ils disent : ‘On a fait notre petit trou tranquille et puis, clac, tout s’est arrêté d’un coup, on ne voit plus nos amis. Quand on va retourner à l’école, comment ça va se passer ?’. Il y a là comme une espèce d’attente anxieuse avec une crainte de ne pas retrouver sa place ». 

Face à cette crainte du retour, de perturbations dans les relations amicales, l’équipe de Paroles d’ados vient avec des mots simples, apaisants. « On répond que personne, aujourd’hui, ne peut dire comment se passera le retour, tout sera différent. Vous serez beaucoup moins nombreux que d’habitude dans les classes. Ce sera peut-être plus facile de lier des amitiés. Il y aura la complicité d’avoir vécu cet événement étrange et exceptionnel ». 

Conseil de Paroles d’ados ? Avant la reprise à l’école, penser à recréer des liens sur les réseaux sociaux pour réinitialiser certaines relations perdues. L’équipe ouvre les perspectives : « On va tous être amenés à créer de nouvelles choses. C’est le message qu’on communique aux ados. Les profs aussi vont se réinventer. Tout le monde va se retrouver dans une situation différente mais, bonne nouvelle, on peut être plein d’enthousiasme face à toutes ces nouveautés, notre créativité va être décuplée. Et les jeunes vont enfin pouvoir vivre leur rêve : sortir de la routine, secouer la poussière et créer ! ». La vision positive du changement en quelque sorte. 

En savoir +

Les ados en parlent... 

« Mon confinement se passe bien, cependant je m’ennuie à mourir, même si je fais du sport. Le sport m’aide à me sentir mieux, m’aide à effacer toute ces pensées négatives parfois »  

« Mes hormones me saoulent, si je pouvais les contrôler et leur dire de se taire, ça serait avec plaisir. Mais, hélas c’est impossible, donc j’essaye tant bien que mal de penser à autre chose même si se retrouver seul face à ses problèmes, c’est compliqué. » 

« Vraiment, à l'heure actuelle, je ne me vois plus cohabiter 24 heures sur 24 avec mes parents. Je ne sais pas comment on va faire. » 

« À propos du confinement, je ne peux plus voir mes amis, ni mon copain (ce qui est normal). Le contact avec les autres me manque énormément, surtout celui avec mon copain... J'ai très, très, envie de le revoir ! Quand j'en ai parlé à ma maman, elle a dit que c'était compliqué en cette période. Mais elle, elle continue de voir ses amis et son compagnon alors qu'on est en confinement. Et moi je ne peux pas, alors je ne comprends pas son raisonnement ! » 

« Pendant ce confinement, je m’ennuie à mourir, donc j’ai tout le temps des questions qui surgissent dans ma tête et j’arrive pas à les enlever. J’aimerais juste que ça soit plus simple, que tout redevienne comme avant dans l’insouciance totale. » 

« Salut, avec le confinement, pas facile de trouver l'amour ! Moi, j’ai 13 ans et je pense beaucoup aux filles, je me rends compte qu'elles me manquent alors que j'aurais pas cru. » 

« Ça fait à peu près trois mois que je suis en couple, mon copain me manque. Il habite si loin, je ne peux plus le voir à cause de ce confinement, c'est long. On se voit par écran, mais j'ai peur que ça ne tienne pas. » 

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