Vie pratique

Adrien Devyver fait partie des gais lurons du PAF, paysage audiovisuel francophone belge, notamment comme co-animateur du Grand cactus à la RTBF. Mais l’homme a une part plus intime qu’il considère comme son premier métier : la paternité, qu’il décrit dans son dernier livre, Moi, papa (Kennes). Une bonne raison parmi d’autres de le rencontrer.
Le rencontrer est un grand mot. Covid et agenda surchargé ont bousculé notre rendez-vous et nous nous sommes rabattus sur un échange en visioconférence, en direct de nos bureaux respectifs, lui à la RTBF, moi en télétravail ! Notre entretien n’en fut pas moins animé : Adrien Devyver décoche ses réponses plus vite que son ombre, à tel point que je me suis résigné à abandonner la prise de notes. Une mise en situation qui fait écho au titre de son premier livre, On m’appelle la tornade (Kennes).
Mémoires d’Adrien, très humain
On m’appelle la tornade, c’est l’histoire d’un gamin pour qui quelque chose ne tourne pas rond. Un gamin qui vit à 140 à l’heure, qui bouscule la routine et ses proches, qui déborde de créativité…
Avec sincérité et humour, Adrien Devyver y témoigne de son parcours pour maîtriser l’ouragan qui se déchaîne régulièrement dans sa tête et autour de lui, pour établir des relations apaisées et respectueuses avec les autres. Diagnostiqué pour des troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), il veut prouver dans cet ouvrage plein d’humanité qu’il y a des moyens pour apprivoiser cette pathologie. Depuis, il est devenu parrain de l’association TDA/H Belgique.
Alors, simplement, son livre Moi, papa sous les yeux, nous lui demandons d’emblée : comment va Adrien Devyver, papa ? Sa réponse fuse : « Très bien. Je parviens à jongler entre ma vie professionnelle et mon premier job qui est celui de papa, à trouver du temps pour être avec mon fils et à mener pas mal de projets qui me tiennent à cœur. Je suis aussi ravi par les retours que j’ai du livre de jeunes papas ou de gens qui vont le devenir, qui sont très contents de recevoir des infos autour de la périnatalité ».
Et du côté des mamans ? « Ce sont en fait les premières lectrices, qui transmettent ensuite le livre discrètement aux papas. Les mamans trouvent très chouette que je vienne mettre des mots sur des discussions qu’elles ne parviennent pas à avoir avec leur mari. Il n’y a rien à faire, les papas ont plutôt tendance à agir sur le moment même, quand le bébé est là ».
Redécouvrir le monde
Or, on devient père bien avant la naissance du bébé, peut-être même avant la conception. « Théoriquement, se souvient Adrien Devyver, je m’étais préparé anticipativement parce que j’ai vécu cette grossesse en moi, toutes proportions gardées par rapport au vécu de la maman. Théoriquement et émotionnellement, j’étais prêt. En revanche, techniquement, à l’arrivée de mon fils, j’ai eu l’impression de recevoir une valise avec tous les gestes à avoir avec son enfant alors qu’au préalable, je n’aurais jamais osé avoir ces gestes avec des enfants d’autres personnes. Une sorte d’instinct paternel s’est installé au moment où notre bébé est sorti du ventre de mon épouse ».
Aujourd’hui, Gaspard a 3 ans et demi et le papa profite pleinement de la relation qu’il a nouée avec lui. « Je vis sur un petit nuage, confie Adrien Devyver avec un très large sourire. Je profite pleinement de cette relation. Cela me passionne, d’abord parce que j’ai toujours été intéressé par le milieu médical, la santé et l’aspect relationnel. Ensuite parce que je m’épanouis complètement en redécouvrant le monde à travers la naïveté du regard d’un enfant ».
Le confinement n’a pas eu que des inconvénients, selon lui. « Il m’a permis un recentrage sur ma famille, sur moi à 40 ans, sur la relation avec mon fils, sur le monde dans lequel je vis. Cela m’a incité à prendre du temps pour redécouvrir la nature, la sensation du vent, du soleil, de la pluie. J’ai pu vivre dans un univers plus calme avec notre fils comme je l’ai vécu, enfant, à une époque où le monde n’allait pas si vite. Par contre, j’aurais fait moins le malin si mon fils avait eu 6 ans et avait dû porter le masque à l’école ».
Un livre né d’un podcast
Avant d’écrire ce livre, Adrien Devyver avait déjà réalisé en mars 2021 cinq épisodes d’un podcast, également intitulé Moi, papa, qui peuvent être visionnés sur Auvio. Une deuxième saison est en préparation.
« On s’est rendu compte que les papas avaient besoin de pistes pour leur donner des idées dans l’approche de la paternité. Autre besoin, les témoignages d’autres papas pour partager les expériences. Il y a une vraie synergie avec le livre. »
Nous lui suggérons au passage la création d’une émission Les paternels sur le modèle de l’émissions française Les maternelles ! « Ce serait génial, s’exclame-t-il en riant. Maintenant, je ne sais pas si la société actuelle est suffisamment prête pour assumer le fait que les papas deviennent des papas gâteaux avec des espaces de parole principalement destinés aux papas. En tout cas, ce serait chouette d’avoir des papas qui parlent aux papas ! Quand des papas se retrouvent entre eux, ils bypassent très vite les sujets autour de la famille, des charges mentales, des maladies d’enfants, de leurs découvertes, etc. Que l’on puisse labeliser de vrais espaces de paroles pour les papas dédiés à la confidence et à l’échange aiderait à mieux cerner leur vécu ».
Une histoire de transmission
Cet intérêt marqué pour tout ce qui tourne autour de la paternité n’est pas partagé par tous les pères. Loin de là. Adrien Devyver plonge dans ses souvenirs et ses racines familiales quand on lui demande d’où lui vient cette incroyable fibre paternelle.
« Que l’on puisse labeliser de vrais espaces de paroles pour les papas dédiés à la confidence et à l’échange aiderait à mieux cerner leur vécu »
« Ma maman était responsable d’une crèche, d’un milieu d’accueil pour la petite enfance. J’ai été plongé dans cet univers. Mon père, lui, était kiné et pratiquait notamment la kiné prénatale, périnatale et respiratoire. Son cabinet se trouvait à la maison, j’ai été en contact quotidien avec ce monde. J’ai aussi eu une petite sœur quand j’avais 6 ans, un âge où l’on se pose beaucoup de questions. J’ai trouvé très chouette de jouer mon rôle de grand frère, d’avoir une relation avec un bébé. Quand je vois un bébé, je fonds. Les réunions de famille, je ne les passe pas à table à parler politique, mais à jouer au foot avec les neveux et les nièces au jardin. J’ai toujours été le tonton fou. »
À la fin de Moi, papa, Adrien Devyver remercie plusieurs personnes, dont son père Popeye qui a joué un rôle déterminant. « Mon papa est quelqu’un qui est aussi blagueur, est à l’écoute des enfants, attentif aux mille petites surprises, car les enfants nous apportent autant qu’on peut leur apporter. Il a transmis une forme de bienveillance à l’égard des enfants. D’ailleurs, mon fils et lui sont inséparables ».
Apprendre à devenir parent
Le livre d’Adrien Devyver est truffé d’anecdotes, souvent drolatiques, parfois incroyables, parfois aussi très émouvantes. « J’explique exactement mes ressentis, peut-être parfois avec une forte intensité, car je suis hypersensible, au taquet sur les détails, mais jamais je n’ai triché. Mon hyperactivité a influencé ma paternité, mais celle-ci a aussi influencé mon hyperactivité. L’hyperactivité est une pathologie avec tellement de paramètres comme l’angoisse, le manque de confiance en soi… Ma paternité m’a aidé à prendre plus de recul sur mes périodes d’anxiété, à prendre du galon en posant les bons gestes avec mon fils, ce qui m’a été confirmé par mes proches et m’a renforcé positivement ».
Ses témoignages et ceux d’autres pères de son entourage sont à chaque fois l’occasion de passer la parole à une pléiade d’expert·e·s de la petite enfance. Plus de vingt, essentiellement des femmes. Psychologues spécialisées en périnatalité, gynécologues, ORL, infirmières pédiatriques, pédiatre, consultante en lactation et en préparation affective à la naissance (PAN), coordinatrice d’ateliers pour papas, sage-femme, réflexologue, sexologue, pédopsychiatres, créatrice du Thalasso Bain Bébé, neuropsychologues et somnologues, une des fondatrices du Réseau Bébé Signe Belgique, diététicienne-nutritionniste, ainsi qu’une… directrice d’un magasin de puériculture. Mais aussi une infirmière pédiatrique spécialiste du développement (Nidcap) dans un service de néonatologie. Des professionnel·le·s de la santé rencontré·e·s dans son parcours de papa ou d’enfant prématuré, mais aussi dans le cadre de son émission quotidienne de santé, La Grande Forme, sur Vivacité.
Au passage, nous apprenons qu’Adrien Devyver a entamé des études de kiné et d’infirmier avant de devenir journaliste. « C’est un secteur qui me passionne. Je n’ai pas choisi ces experts et expertes au hasard, précise-t-il. Sauf pour Le bain de Sonia Krief, que je ne connaissais pas, mais dont la vidéo me met à chaque fois la larme à l’œil ».
Avec Moi, papa, nous découvrons combien riche est cet univers avec quantité de données sur la couvade, le terrible two ou âge du non, le langage des signes avec les bébés, la prématurité, le peau à peau, etc. « Apprendre à devenir parent, cela me semblerait tellement normal. Pourquoi pas à l’école, dès le plus jeune âge : pourquoi un enfant grandit comme ça ou comme ça, sa psychologie, les gestes bienveillants, etc. Il y a plein de trucs auxquels on ne pense pas, d’où l’intérêt d’échanges entre papas ».
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