Développement de l'enfant

« Ah, si le papa pouvait entendre la pédiatre de l’ONE ! »

« Ah, si le papa pouvait entendre la pédiatre de l’ONE ! »

« Lou n’est pas bien grosse. Quand son papa lui donne son repas, je me rends compte que je stresse : il ne va pas insister pour qu’elle aille jusqu’au bout de son assiette, il ne va pas avoir beaucoup de patience pour la nourrir, alors qu’elle est toute fine, toute menue. J’ai plus de patience, je sais qu’avec elle, il faut prendre le temps, que lentement mais sûrement, elle va manger son repas jusqu’au bout. Avec tout ça, on est un peu à cran, mon homme et moi. Lui n’arrête pas de me dire que Lou est en bonne santé et vive, que c’est ce qui compte, peu importe son poids. Moi, je ne suis pas rassurée… Je lui répète qu’à la consultation ONE, la pédiatre me dit que ce serait bien que Lou grossisse un peu. Il faudrait qu’une fois au moins, il l’entende directement, je crois que je vais un jour le tirer jusque-là… C’est idiot mais je suis sûre qu’un avis le touche plus s’il vient d’un pro que de moi ! », soupire, avec un sentiment d’impuissance, Olivia, la maman de Lou.

Une partenaire enfants-parents (ou PEP’s) d’une consultation ONE, à la longue expérience, confirme ce mouvement (quasi naturel ?) qu’ont les parents de se tourner vers un professionnel pour en faire leur « allié » privilégié : « Quand l’enfant vient avec ses deux parents, il arrive souvent qu’à un moment, un des deux prenne la partenaire enfants-parents à témoin : "Vous voulez bien dire à mon mari (à ma femme) que… ?" Avec un petit âgé de 10-12 mois, la discussion entre parents concerne surtout ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire, et puis le sommeil et l’alimentation, encore et toujours… »
Ceci fait écho chez Alexandra, maman d’une petite Mila : « Notre choupinette de 11 mois à peine n’en fait qu’à sa tête ! Je trouve que mon compagnon a tendance à trop vite crier sur elle quand elle fait une bêtise, il lui crie dessus mais cela ne sert à rien : à 11 mois, elle comprend nos non mais elle ne les écoute pas, et elle ne peut pas comprendre pourquoi ce qu’elle fait est dangereux ou inadapté. À part ça, mon compagnon et moi, on est raccord sur notre façon de faire avec Mila… »

Un « troisième larron » en renfort !

« Il est normal que, continuellement, des divergences apparaissent entre le papa et la maman, prévient, pour sa part, Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Chacun des parents sent et pense les choses de manière singulière, notamment en fonction de sa propre histoire familiale, et selon les situations vécues chacun a aussi ses propres seuils de tolérance. Ces divergences font l’objet de négociations, de pourparlers, régulièrement aussi de tensions. Quand l’enfant a 11 mois-1 an, elles se marquent principalement dans les menues choses du quotidien : à ce moment-là, il n’y a pas encore de grandes disparités entre le père et la mère qui mettent sous forte tension le couple. Celles-ci vont augmenter avec la croissance de l’enfant, quand il y aura de réelles décisions éducatives à prendre, décisions qui influenceront forcément le fonctionnement de toute la famille. » Anticipons un peu. Votre bébé est encore au stade des panades et purées préparées rien que pour lui et, ayant besoin de toute votre attention, il prend encore le plus souvent ses repas à part. Dès qu’il partagera complètement la table familiale, à vous d’affirmer vos positions éducatives : continuera-t-il à avoir un repas spécial rien que pour lui ? Mangera-t-il ce que vous, vous mangez ? Pourra-t-il manger de tout ? Ne le laisserez-vous manger que ce qu’il veut ? Et, à l’heure du coucher, que se passera-t-il si l’un de vous tarde à mettre votre petit bout au lit parce que « c’est si gai de l’avoir encore un peu avec soi », alors que l’autre peste car « c’est insupportable, on n’a plus de soirée à deux » ?

Reine Vander Linden  - Psychologue
« Réalité compliquée pour certaines femmes : si elles se plaignent du manque de présence et de vigilance du papa, elles supporteraient aussi mal que monsieur prenne une place active dans les décisions éducatives ! »
Reine Vander Linden

Psychologue

En attendant, comme en témoigne Olivia, la maman de Lou, « si vous voulez faire valoir vos idées auprès de votre partenaire, vous allez chercher un tiers qui va les confirmer, observe Reine Vander Linden. Ce tiers, cela peut être la partenaire enfants-parents de la consultation ONE, le pédiatre consulté, le énième chapitre du livre du docteur Machin ou de l’expert Trucmuche… ou un article du Ligueur et mon bébé. » Et la psychologue d’ajouter : « Ce "troisième larron" est surtout l’allié de la maman, en raison de sa position en première ligne auprès du bébé durant les premiers mois qui suivent la naissance. Être en première ligne, cela veut dire prendre des décisions, se positionner tout le temps, et c’est fatigant. Parfois, on aimerait se laisser porter par l’autre, pouvoir compter sur lui… Mais réalité compliquée pour certaines femmes : si elles se plaignent du manque de présence et de vigilance du papa, elles supporteraient aussi mal que monsieur prenne une place active dans les décisions éducatives ! »
Et le bébé dans tout ça ? « Heureusement, il est encore trop petit pour servir d’allié au papa ou à la maman lorsque les tensions existant entre eux sont trop importantes et que chacun cherche à tout prix à faire valoir ses idées. Mais voilà bien un rôle inconfortable que, souvent, les parents, sans toujours s’en rendre compte, attribuent à leur enfant. C’est le cas quand l’un d’eux assure : "Tu vois bien que quand je fais comme ça, il va mieux…" Le bébé, lui, ne va bien sûr pas pouvoir confirmer avec un "Maman a raison" ou un "Papa a raison", ce que les enfants plus grands font, mais sans doute pas aussi explicitement : ils jouent, par moments, des différences entre leurs parents. »

Pour que les idées ne se figent pas…

Il devient parfois difficile de discuter entre parents, parce qu’on oppose tout le temps, quasi systématiquement, le conseil donné par le professionnel ou l’expert au point de vue de l’autre. « Il y a alors disqualification de la place de l’autre parce que "dans le livre Y, il est écrit que…" ou que "le docteur Z a dit que…", décode Reine Vander Linden. Avec, comme résultat, une perte possible de dialogue au sein du couple, et ça, c’est dangereux. À partir du moment où vous dites à l’autre qu’il a tout faux, impossible d’avancer ! Quelque chose se fige dans la dynamique du couple. Or, la parole doit pouvoir rester ouverte et le respect mutuel doit être maintenu… »
« Ce qui importe, conclut la psychologue, c’est d’écouter les arguments de l’autre – même s’ils vous paraissent farfelus, bizarres ou inappropriés – et de saisir ce qui est "entendable" là-dedans, parce que, de toute façon, il n’y a pas de solution toute faite ou "une" vérité : à chaque situation correspond une réponse originale et ajustée selon chacun. Alors, essayez d’écouter l’autre dans ce qui l’inquiète ou le tourmente. En faisant cela, vous verrez qu’une part de la question est déjà résolue. Par exemple, un parent peut entendre que son conjoint panique parce que leur enfant ne grossit pas, même si sa peur est irrationnelle… Cela peut être "parce que j’ai peur de me faire engueuler par le pédiatre qui me fait des remarques à chaque visite" ou "parce que, petit, mon frère ne mangeait pas bien et qu’il est tombé malade"... Il y a des origines diverses aux peurs, cela peut être intéressant de les interroger, d’aller au-delà du premier degré. Quand les parents peuvent se rejoindre à ce niveau-là, ils peuvent décrisper une situation problématique. »
Quant aux idées des livres et des experts… et donc du Ligueur et mon bébé, elles servent à nourrir les vôtres, à les reconsidérer, à les reformuler, à les solidifier…

ZOOM

Avec un deuxième enfant…

« Quel travail gigantesque de devoir trouver ses repères éducatifs en tant que parent ! Quel travail gigantesque d’assurer la survie et le bien-être d’un enfant, de traduire ses besoins et d’y répondre en n’ayant que le radar de ses propres intuitions ! », confirme Reine Vander Linden.
Alors, quand on a pu faire l’expérience de sa capacité à faire grandir un enfant, beaucoup de ces angoisses propres aux parents débutants tombent.
« Et quand un deuxième enfant arrive, même s’il est par définition différent du premier, il y a alors une conduite de route à laquelle on peut se référer : on peut en partie se mettre en pilotage automatique, observe la psychologue en périnatalité. L’angoisse est quand même moins présente. Et le plaisir est beaucoup plus grand. La balance de l’angoisse et du plaisir bascule dans le sens du plaisir. Cela, tous les parents le disent. Sauf s’ils ont eu un premier enfant hyper-facile et que le deuxième se révèle extrêmement difficile… »

LES PARENTS EN PARLENT…

Trop de gâteries sucrées !
« Tout va bien pour notre petit Diego, tout roule, on ne se pose pas beaucoup de questions. Alors, des avis différents entre le papa et moi sur son sommeil, ses repas ou les limites qu’on lui met ou qu’on devrait lui mettre… ? Il n’y en a pas vraiment ! En fait, le papa me suit, je pense, il me fait confiance. Par contre, il y a un truc sur lequel je tique au sujet de notre grande : il la gâte trop… avec du sucre – tartines au choco, sucettes, bonbons… Trop, c’est trop ! Elle va devenir complètement accro au sucre si je n’interviens pas ! »
Magaly, maman d’Océane et de Diego