Vie pratique

Attentats, guerres : cinq points d’attention pour parler du sujet avec les enfants

Attentat à Bruxelles. Guerre au Proche-Orient. Quand l’actualité s’impose aux enfants, cela peut être brutal. Comment en parler ? Comment accueillir leurs émotions ? Voici quelques pistes de réflexion.  

« Un petit conseil à me donner dans l’immédiat ? J’hésite à en parler à mon petit de 6 ans avant qu’il ne parte à l’école. A priori, je penche pour ne rien dire, histoire de ne pas le stresser. En me disant que si le sujet émerge à la récré, les instits leur parleront ». Cette question, cette recherche de conseil, combien de papas et de mamans les ont exprimées ce matin ? Interrogations légitimes après l’attaque terroriste survenue, hier, au centre de Bruxelles dont les effets anxiogènes ont encore été amplifiés par la tenue simultanée du match Belgique-Suède au stade roi Baudouin.

Avant ça, ces images terribles venues d’Israël. Flux continu. Incontrôlable. « Encore une fois, définitivement, il faut bien constater que dans notre société, les enfants ne sont pas préservés de toutes ces images, de tous ces mots violents. Ils y sont exposés en permanence. Il y a la télé, la radio, mais il suffit de passer devant une librairie pour être confronté à des photos très trash. Il est impossible de mettre l’enfant à l’abri. Il y a une quantité d’informations qui se télescopent de jour en jour et qui peuvent vite donner l’impression qu’il n’y a plus le moindre espace de tranquillité ». Ces paroles sont celles de Bruno Humbeeck, psychopédagogue, qui ajoute : « Il faut savoir que toutes ces infos qui se bousculent dans la tête de l’enfant ont un aspect traumatique ». D’où l’importance d’avoir une attitude adaptée où choix des mots et accueil de parole ont encore une fois toute leur place.

L’initiative aux enfants

Parmi les conseils de Bruno Humbeeck, celui de laisser venir les enfants avec le sujet plutôt que de le susciter. « Il faut que ça vienne de l’enfant, sinon il devient vite porteur de votre propre anxiété. Il faut savoir que certains enfants développent des stratégies d’évitement qu’il s’agit de respecter. Ils vont dire que ça ne les intéresse pas ». Si le sujet vient sur la table. Il faut pouvoir l’aborder avec sérénité et calme. Aux questions, les réponses doivent être claires et nettes, en utilisant un vocabulaire compréhensible. « Des mots comme guerre, attaque, ils et elles sont en mesure de les comprendre. Les parents doivent répondre aux questions posées sans rentrer dans trop de détails qui pourraient les embrouiller ».

La recherche d’infos

Bruno Humbeeck insiste sur un point. Avant 12 ans, un enfant n’est pas vraiment dans la compréhension des systèmes. Il est plutôt dans la connaissance et le recueil d’informations par rapport à celle-ci. Bref, inutile de se lancer dans un grand exposé sur l’évolution de la situation politique au Proche Orient depuis 1948 ou sur les différents visages du terrorisme à la lumière des Attentats du 11 septembre. « L’enfant, avant l’adolescence, n’est pas dans la compréhension, l’analyse ne vient qu’après. En revanche, on peut insister sur le fait que tout cela s’inscrit dans une situation compliquée ».

La nuance en point de mire

Au-delà de la violence des images, l’enfant risque aussi d’être confronté à la brutalité des prises de position. « C’est une autre caractéristique de notre société actuelle, celle qui pousse à prendre parti sans nuance, avec une certaine violence. Il faut protéger l’enfant de cela. Éviter, par exemple, qu’il ne sente obligé de prendre parti. Pour un enfant, cela revient à classer le monde de façon très manichéenne. D’un côté, les bons. De l’autre côté, les mauvais ».
Bien sûr, il est important que l’adulte vienne avec des notions de justice. Il pose des balises, explique que certaines choses sont injustifiables. « En France, on ressent très fort cela dans les classes. Des replis communautaires sont identifiés parce très tôt les enfants sont embarqués dans des prises de position violentes au point de justifier des choses injustifiables ». C’est un point essentiel selon le psychopédagogue, « il faut que dans leur développement les enfants intègrent que prendre parti n’est pas une nécessité absolue ».

La quête du positif

C’est vrai que ce n’est pas évident, mais il faut aussi tenter de chercher du positif pour contrer l’anxiété. L’avalanche d’images et de propos angoissants finissent par former un magma dans lequel on pourrait vite se noyer. D’où l’importance d’expliquer qu’une majorité de personnes veulent la paix. Que des gens négocient, travaillent à trouver des solutions pour ramener le calme. « C’est parfois compliqué, mais on peut aussi renverser l’angoisse de certaines images. Ainsi, si les policiers et les militaires sont là pour traquer les terroristes, ils sont surtout là pour protéger la population. C’est important de venir avec ces précisions, de raconter une histoire aux enfants, compréhensibles, où tout n’est pas noir. La pire des choses, c’est de les laisser seuls face à ces images et de les laisser décortiquer, décoder la chose ». Laisser de la place à l’espoir, c’est aussi laisser de la place à l’action, pour rendre le monde meilleur, au niveau de la famille, au niveau de l’école.

L’expression des émotions

C’est le point central. L’expression des émotions. Tant chez les enfants que chez les parents. Là aussi, il s’agit d’utiliser les mots justes pour les définir. « Je dis bien les émotions, insiste Bruno Humbeeck, pas les opinions, on a tendance à confondre les deux. Les opinions peuvent être contestées, pas les émotions. Si l’enfant dit qu’il a peur, il ne faut surtout pas lui dire qu’il ne doit pas avoir peur. C’est ce qu’il vit. Nous-mêmes, en tant qu’adultes, nous avons nos peurs qui peuvent être nourries par les crises traversées. Il ne faut pas hésiter aussi à partager cette émotion, cette incertitude, si vous dites ‘Ne t’inquiètes pas’ alors que vous êtes perclus d’anxiété, cela n’a pas de sens. L’enfant va le percevoir. S’il exprime de la peur, vous pouvez confesser d’avoir des peurs aussi. Mais tout en montrant que vous êtes animés d’espoir ».

ZOOM

À l'école aussi

Comme l’exprimait cette maman dans notre témoignage d’ouverture, l’école peut aussi être un bon endroit où l’enfant peut déposer ses émotions. Pour s’en convaincre, ce petit message envoyé par une école secondaire bruxelloise aux parents ce matin. « Pour les élèves anxieux, inquiets, ils ne doivent pas hésiter à se tourner vers les éducateurs ou les titulaires de classe pour partager leurs préoccupations ».
Savoir qu’il existe des endroits, des opportunités pour déposer ses émotions, c’est aussi un élément qui permet de diminuer l’angoisse face aux événements violents de ces derniers jours.

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