Crèche et école

Avec ClassContact, l’enfant malade ne doit plus renoncer à sa scolarité

Maladie, handicap, classe à domicile

Delphine souffre d’une maladie génétique qui l’empêche de fréquenter l’école comme elle le voudrait. Depuis janvier, elle peut basculer en virtuel lorsque les douleurs se font trop fortes.

Delphine a 15 ans. En ce jeudi matin de septembre, elle manque son premier jour d’école, les douleurs sont trop fortes. Tantôt ciblées, tantôt diffuses, toujours chroniques, les douleurs ne la quittent pas depuis huit ans. Il arrive qu’elles soient tellement intenses que Delphine en perd connaissance.
Il y a un an, le diagnostic tombe. Delphine souffre du syndrome d’Elhers-Danlos, une maladie génétique qui endommage le tissu qui soutient les organes. Après des années d’examens et d’errance, Delphine et sa maman Carine peuvent enfin se raccrocher à ce nom. « Ça paraissait fou, un coup, elle avait mal au poignet, le lendemain, c’était le pied qu’elle ne savait plus poser. J’en étais venue à mettre sa parole en doute. Les médecins et l’école n’y croyaient plus, on l’a même envoyée en psychiatrie ».
Delphine maintient une scolarité classique jusqu’à la fin du primaire. Arrivée en secondaire, son état de santé se dégrade. Les visites à l’infirmerie de l’école se font quasi quotidiennes. Parfois, c’est sa maman qu’elle appelle en urgence parce qu’elle ne parvient plus à gérer la douleur. Delphine enchaîne les certificats médicaux, ses absences répétées compliquent son intégration en classe. Un groupe d’enfants la prend pour cible.
Au début de sa 2e secondaire, l’état de Delphine décline encore, l’adolescente est alors paralysée de toute la moitié gauche. Six mois après l’annonce de sa maladie, en janvier 2022, Delphine sombre dans une dépression. Son état de santé couplé aux agressions qu’elle subit à l’école, c’est trop. Carine décide de la changer d’établissement et opte pour l’école Saint-Joseph, proche de leur domicile à Jumet.

Concilier maladie et scolarité

Delphine et Carine rencontrent la directrice pour expliquer la maladie et son impact sur la scolarité de la jeune fille. La directrice se montre très compréhensive. Mieux que ça, elle leur propose une alternative à la présence physique de Delphine à l’école : ClassContact, un dispositif qui permet de connecter l’élève malade à sa classe.
« Delphine rentrait clairement dans les conditions pour bénéficier de ClassContact. Nos techniciens ont d’abord installé deux caméras, une en classe pour proposer un flux vidéo centré sur l’enseignant et le tableau, et une autre qui capte le groupe classe, ce qui permet à l’élève malade d’interagir avec le groupe et de se sentir partie prenante », explique Donatien d’Hoop, directeur de ClassContact.
L’équipe technique a ensuite finalisé l’installation au domicile de Delphine. Un ordinateur portable et un écran sont mis à sa disposition afin qu’elle puisse en simultané travailler sur son poste informatique et voir la classe. Cerise sur le gâteau, ni Delphine, ni l’école n’ont dû débourser le moindre euro pour accéder à ClassContact.

Un œil sur le prof, un autre sur la classe pour ne rien manquer de la matière et des interactions

« ClassContact a clairement sauvé mon année, s’enthousiasme Delphine qui se souvient du décrochage dans lequel elle était enlisée. Dans mon ancienne école, je recevais les feuilles du jour sans explication, sans possibilité de poser mes questions. La matière s’accumulait avec mes absences. C’était un cercle vicieux. Ma maladie m’empêchait de fréquenter l’école, je manquais les cours, je devais rattraper la matière, ça me provoquait des angoisses et mon mental qui devait déjà gérer mes douleurs avait trop à porter. »
À partir de janvier, Delphine suit les cours depuis sa chambre. Fini, les volées d’escalier à enchaîner, les sacs trop lourds à porter, la position assise à garder, Delphine peut s’économiser.

L’implication du corps enseignant

Si ClassContact réconcilie maladie et scolarité, encore faut-il compter sur de bon·nes allié·es. À Saint-Joseph, tout a été mis en œuvre pour que Delphine puisse suivre à distance. Un local a été attribué à sa classe pour permettre l’installation du matériel. L’an dernier, une éducatrice se chargeait chaque jour d’allumer et d’éteindre l’ordinateur pour connecter Delphine et la classe.
Cette année, Delphine aimerait fréquenter davantage l’école. L’équipe éducative a fait en sorte que les cours de gym se déroulent en après-midi pour lui permettre de se rendre à la clinique du sport. Delphine dispose aussi d’une clé pour accéder aux toilettes des professeur·es et au local des éducateurs et éducatrices où un lit de camp a été installé en cas de besoin.
Des attentions qui ont attisé la jalousie d’une élève de la classe. En ce début d’année, la titulaire a donné l’occasion à Delphine d’expliquer sa maladie en classe. Initiative qu’elle a aussi répliquée auprès de ses enseignants principaux. Une manière de briser le tabou autour de la maladie qui a permis de pacifier les relations de classe. Le premier jour d’absence de Delphine, les marques d’attention ont témoigné de sa bonne intégration. L’enseignante a laissé un message pour donner la consigne de travail, la professeure de français l’a saluée et inclus dans le groupe lorsqu’elle s’est connectée. À la fin du cours, certain·es élèves ont fait la file devant la caméra pour saluer Delphine. Un regard, un clin d’œil, un coucou, un bisou, autant de marques d’attention qui donnent le sourire à Delphine par écrans interposés.

Retrouver une vie normale et s’accrocher à un objectif

En ce début de 4e secondaire, Delphine ne sait pas encore dire à quoi ressemblera son année. Sera-t-elle capable de fréquenter l’école chaque jour en étant sous morphine ? De tenir la position assise malgré la fissure de sa colonne vertébrale et son corset ? Impossible à dire. Malgré les doutes, l’ado se sent confiante, elle sait qu’elle pourra poursuivre sa scolarité que ce soit en présentiel ou en virtuel. Que ses copains/copines et ses profs sont au fait de sa situation.
Des signaux au vert avec en ligne de mire son objectif professionnel : devenir juge de la jeunesse. « Grâce à ClassContact, je sais que même si je ne peux pas aller à l’école, je peux suivre. En tant que malade, on a du mal à se projeter ; avec ce dispositif, j’ai retrouvé une vie normale ».
La science donne raison à Delphine. « Le mental est primordial dans la guérison de l’enfant, confirme Donatien d’Hoop. Pour un enfant malade, aller à l’école, même de manière virtuelle, c’est avoir une raison de se lever le matin, un objectif auquel s’accrocher. C’est aussi oublier un temps la maladie pour retrouver la normalité de la vie d’école ». C’est pour toutes ces bonnes raisons qu’une poignée de jeunes pensionnés d’IBM a créé il y a seize ans l’asbl qui pilote l’initiative. Depuis 2006, ClassContact a déjà permis de connecter 1 200 élèves.

TROIS QUESTIONS À…

Donatien d’Hoop, directeur de ClassContact

À quelles conditions un enfant peut-il bénéficier de ClassContact ?
« Tout enfant qui, pour raison de maladie, de handicap, d’accident, ne peut fréquenter l’école pendant au moins six semaines peut bénéficier gratuitement de ClassContact. On considère le terme maladie au sens large, cela peut être un enfant qui souffre de phobie scolaire, une adolescente enceinte, un enfant qui souffre d’une maladie chronique. La demande peut être introduite par un membre de la famille, par l’école, par l’hôpital. L’asbl peut assurer l’installation en amont, avant la période d’absence. »

Quid de la connexion et du matériel ?
« L’asbl ClassContact prend tout en charge, depuis l’installation d’une ligne haut débit si la famille ou l’école ne dispose pas d’une (bonne) connexion internet, jusqu’à la mise à disposition du matériel à l’école comme à la maison. Pour l’école, cela comprend deux caméras, un ordinateur et un micro. Pour la maison ou l’hôpital, un écran et un ordinateur portable. En cas de problème, un service helpdesk peut intervenir. »

Combien d’enfants sont concernés ?
« En Fédération Wallonie-Bruxelles, on estime à 1 000 le nombre d’élèves malades qui pourraient bénéficier de ce service. L’année scolaire passée, ClassContact a connecté 115 élèves à leur classe. Cela représente un peu plus de 10% de la population d’enfants malades en FWB. L’asbl espère étendre son offre de service à un plus grand nombre d’enfants à condition d’être mieux connue tant du côté des familles que des écoles. »

Pour introduire une demande, rendez-vous sur classcontact.be