Développement de l'enfant

« Dis maman, tu m’achètes du déo ? » Celle-là, vous ne l’attendiez pas ! Tombée comme ça au détour d’un rayon de supermarché, la question vous a laissée bouche bée. Du déodorant à tout juste 12 ans ? Drôle d’idée ! Nicole Santarone, psychologue, répond.
Un brin de rébellion à l’heure du coucher, l’abandon des slips au profit de caleçons, une soudaine envie d’utiliser déodorant, anti-acné ou carrément de se raser… Par quelques micro-événements, vous vous rendez compte que votre gamin est en train de changer. Pas la peine de sortir les mouchoirs, tout ça prendra encore un peu de temps, mais le fait est que votre fiston est à l’aube de bouleversements majeurs et que, vous aussi, vous allez devoir les encaisser.
Caprice ou besoin ?
La proximité de l’adolescence est-elle une raison pour lui acheter ses premiers boxers ou produits de beauté ? À son âge, vous ne pensiez pas à ça. Et puis, il n’en a pas réellement besoin. Et d’ailleurs, est-ce conseillé à même pas 13 ans ?
« Le début de l’adolescence est un sujet difficile, qui amène des réponses individualisées, explique la psychologue, Nicole Santarone. Les changements hormonaux peuvent se manifester de façons différentes d’un préado à un autre. À 12 ans, il n’est pas rare que des garçons connaissent déjà des changements importants et la première chose à faire est d’en tenir compte. »
C’est vrai, certains parents ont la vie facile. Ils constatent la prolifération des poils ou des comédons et savent qu’il est grand temps de dégainer rasoirs et anti-acnéiques. Pas de bol pour d’autres, les prémices de la puberté s’expriment parfois sous des formes plus difficiles à détecter. « Si un ado commence à sentir la transpiration lors d’un effort physique, le déodorant n’est pas une lubie, mais une nécessité. Les parents doivent y être attentifs. »
Car vous n’en êtes peut-être pas conscient, mais après un bon match de foot à la récré, votre petit homme commence à sentir la transpiration. Si ces effluves masculins ne vous dérangent pas…encore, elles peuvent générer des moqueries de la part de camarades de classe indélicats, et l’on connaît la joyeuse cruauté des enfants. Idem pour le port de caleçons, dans lesquels il sera peut-être plus à l’aise dans les vestiaires d’un cours de gym un peu turbulent.
Quant au rasage, c’est sûr que la plupart des préados rêvent du jour où ils pourront enfin effectuer ce geste mâle par excellence, et que leur empressement à brûler les étapes en est presque attendrissant. Mais une ombre de duvet sur la lèvre supérieure, c’est franchement disgracieux, et peu importe l’âge ou les principes, il n’est jamais trop tôt pour s’en débarrasser.
Eh, je grandis !
D’accord pour les mutations plus ou moins visibles. Mais que faire si l’on a toujours l’impression d’avoir affaire à un petit garçon ?
« Si les changements hormonaux ne sont pas encore apparus, ce n’est jamais dramatique comme type de demande. Évidemment, à 9 ans, on peut opposer un non catégorique, mais vers 11-12 ans, ça reste la préadolescence : ces envies sont donc normales, elles font partie des moyens qu’il se donne pour passer d’un état à un autre, du statut d’enfant à celui d’ado. »
Même très jeune, c’est une façon de rendre palpable le changement qui s’amorce. De dire à ses parents : « Hé, je grandis ! ». Parce qu’il n’y a pas que l’aspect physique, l’enfant change aussi au niveau psychologique. Et si c’est moins flagrant, ça ne veut pas dire qu’un maelström de pulsions ne couve pas dans sa tête.
« Les nouvelles demandes peuvent effectivement constituer des signaux qu’il envoie, un dialogue compliqué qu’il essaye de nouer avec ses parents. D’un côté, les parents ne veulent pas forcément le voir grandir, parce que ça signifie qu’il va ‘bientôt’ quitter le foyer’. D’un autre côté, l’ado a besoin de se rebeller comme preuve de son passage à l’âge adulte, mais reste dépendant de ses parents. »
Ces ébauches de discussions sont autant d’occasions de sonder les raisons de ses envies ou les conséquences de votre refus. Faites preuve de feeling et évitez les approches trop frontales. Car contrairement à l’idée reçue, on n’est pas obligé de parler de tout avec ses enfants, surtout s’ils sont particulièrement pudiques.
Ouvrez l’œil
En bref, mieux vaut être attentifs à certains signes et rester ouverts aux révolutions en cours. Inutile de se voiler la face, il grandira avec ou sans vous… mais il vaut mieux que vous l’accompagniez dans cette période de transformation qu’il ne maîtrise pas. Quitte, dans le doute, à céder parfois.
« À partir de 11-12 ans, on peut accepter certaines demandes sans avoir peur de faire une grosse gaffe. Ce qui ne veut pas signifier qu’il faut dire oui à tout. Mais il est normal qu’il ait des envies et qu’il se compare aux autres qui lui permettent de se situer et lui donnent des repères. L’adolescence est justement un moment où on se détache de la cellule familiale pour aller vers ses pairs, pour mieux s’intégrer au groupe. »
Certains rites de passage peuvent donc prendre une dimension très terre-à-terre, et c’est entre autres l’adoption de ces nouveaux comportements qui vont progressivement le détacher de l’enfance. Rasoir, caleçon, déodorant… tout cela est finalement appelé à faire partie de sa vie quotidienne et vous semblera bien banal d’ici quelques temps. Avec un peu de malchance, vous regretterez bientôt ces inoffensives revendications par rapport à d’éventuelles futures demandes de piercing, clope et sorties. Le Ligueur, c’est promis sera là pour vous tuyauter. Même chose, côté fille, avec un prochain article sur son tout premier soutien-gorge.
LES PARENTS EN PARLENT...
Du jour au lendemain, il est devenu poilu
« Brutalement, sans crier gare, son front est devenu luisant et les premiers boutons sont apparus. Puis le nez et les oreilles se sont mis à grandir… Seules les joues me rappelaient encore ce qu’il avait été, enfant. Elles étaient encore tendres, douces. Plus pour longtemps. Les premiers poils ont poussé à hauteur des ‘rouflaquettes’. Mon gamin tout contre moi, que je pouvais ‘respirer’ encore, c’était bel et bien fini. Nos relations ont alors changé, bonnes mais plus distantes… »
Sarah
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