Société

La planète se réchauffe, le climat s’emballe, des actions s’imposent. Pour parler aux enfants de ces enjeux aussi complexes qu’essentiels, des outils de sensibilisation et de vulgarisation scientifique existent. Comme La Fresque du Climat, un atelier ludique basé sur les rapports du GIEC et que nous avons pu découvrir en même temps qu’une classe de 4e primaire.
L’effet de serre ? « C’est comme si tu ajoutes un pull sur la Terre, dit un garçon. Après, elle a trop chaud ». Sur son pull à lui, il est écrit « CAP ou PAS CAP », et on le sent plutôt du genre « cap’ ». Prêt à relever un sacré défi ce matin : celui de comprendre, avec les élèves de sa classe de 4e primaire de l’école du Bempt, à Forest (Bruxelles), les mécanismes du changement climatique.
Nous les observons en mode petite souris, tendant l’oreille sans les déranger. Regroupés par six autour de trois grandes tables, chacune recouverte d’une grande feuille de papier blanc, les enfants s’affairent devant les premières cartes que les animateurs et l’animatrice viennent de leur distribuer pour qu’ils et elles les classent selon une logique cause-conséquence.
Conséquences en cascade
« Vous savez ce que ça veut dire causes et conséquences ? », leur a demandé Christian De Boeck en début de séance. Chimiste de formation, ce consultant indépendant anime depuis plus de trois ans des ateliers La Fresque du Climat (voir ci-dessous) et aime citer aux enfants l’exemple suivant, livré par un jeune participant : samedi, je vais à une fête d’anniversaire et je mange trop de gâteau et de bonbons. Conséquence : ce soir-là, j’ai mal au ventre. Conséquence : le lendemain, je ne peux pas aller jouer au foot. Et ainsi de suite. Les élèves semblent avoir bien compris.
De « J’ai confiance que les gens vont changer pour polluer moins à « Je suis en colère parce qu’on pollue trop »
Les premières cartes trouvent leur place sur les tables, suivies d’un deuxième et d’un troisième lot, jusqu’à obtenir un grand schéma imagé. Du côté des causes, on trouve « J’allume la clim ou le chauffage », « Je prends la voiture ou l’avion », « Je m’achète des choses », ou « Je mange de la viande ». Et du côté des conséquences, l’émission de CO2 et d’autres gaz à effet de serre qui, une fois dans l’atmosphère, y retiennent la chaleur du soleil à la manière de « pulls » enfilés autour de la Terre.
« Après, comme il fait trop chaud, la banquise fond », en déduit un élève. Et une autre d’enchaîner : « Les gens qui travaillent à la NASA ont pris des photos pour le montrer ». Mais le réchauffement de la Terre et des océans entraîne également d’autres phénomènes liés, notamment, au cycle de l’eau. Comme le résume Christian, l’eau « ça s’évapore, ça pleut, ça coule », et ainsi de suite. Or « l’eau, quand elle est plus chaude, elle ne va plus s’évaporer ». Et c’est là que le cycle se dérègle, avec des conséquences climatiques que les enfants commencent à connaître : sécheresses, crues, canicules…
« Je suis en colère parce qu’on pollue trop »
Une fois toutes les cartes collées, les élèves laissent libre cours à leur créativité pour les agrémenter de flèches et de dessins, et donner un titre à leur fresque. « T’as raté le ‘tique’ », signale une élève à sa copine qui s’applique à écrire « Les causes du réchauffement climatique ». Le deuxième groupe a titré sa fresque « Sauvons notre planète », et le troisième « Les génies du climat ». Des cœurs, des soleils et des nuages fleurissent sous leurs marqueurs. Des planètes bleues et vertes aussi, dont une qui arbore un sourire à l’envers et cette légende : « La Terre est fâchée ».
Et les enfants, comment se sentent-ils après cet exercice ? C’est ce que cherche à savoir Catherine Debucquois dans la seconde partie de l’animation. Également fresqueuse, elle travaille au sein du service Développement durable de la commune de Forest. Avec le soutien des échevin·es compétent·es, son service et celui de l’instruction publique ont organisé la sensibilisation de l’ensemble des directions et enseignant·es des écoles communales aux enjeux climatiques. De quoi les encourager à aborder le sujet en classe ou, comme aujourd’hui, à solliciter une animation.
Après avoir parcouru avec les enfants le Livre des émotions, Catherine donne la parole à chacun·e. « Je suis joyeuse parce que c’était une chouette activité », lance une élève. « J’ai confiance que les gens vont changer pour polluer moins ». Le ton est plutôt détendu, mais les émotions difficiles trouvent aussi à s’exprimer : « Je suis en colère parce qu’on pollue trop » ; « Je suis un peu triste parce qu’on maltraite la planète » ; « J’ai peur. S’il y a trop de sécheresses, c’est peut-être la fin du monde ».
« Le principal remède, c’est de passer à l’action »
Face à toutes ces émotions, « le principal remède, c’est de passer à l’action », continue Catherine. Car le but d’un tel atelier n’est pas seulement de vulgariser des enjeux compliqués, nous précise Christian De Boeck, c’est aussi de faire réfléchir aux conséquences de nos choix et de nos actions. Mais les enfants ont-ils vraiment la possibilité d’agir et de choisir ? Oui, répond le fresqueur chevronné. « Les enfants ont un certain pouvoir prescripteur. Ils n’ont pas leur langue dans leur poche et peuvent ouvrir la discussion à la maison sur comment on se rend à l’école, comment on emballe les tartines… ».
En classe, ce matin, la réflexion se fait en mouvement. Les élèves se placent en ligne au milieu de la classe, les un·es à côté des autres, et Catherine leur lance des pistes de solution. « Chauffer à fond et ouvrir les fenêtres », commence-t-elle. Si les élèves sont d’accord, ils font un pas en avant. S’ils ne sont pas d’accord, ils font un pas en arrière. Face à cette première affirmation, tout le monde recule. Mais quand il s’agit de « manger moins de biscuits emballés », la classe est plus partagée. « Pas d’accord, parce qu’il faut aussi se faire plaisir », avance une élève. « Au lieu d’acheter tous mes vêtements neufs, j’essaye d’aller dans des magasins de seconde main », propose encore Catherine. Bof. Certains enfants craignent que ces vêtements soient sales ou abîmés, et la discussion s’engage...
Vient alors le tour des élèves d’imaginer des solutions. « On arrête de polluer la Terre ! », lance une élève. Et toute la classe, unanime, fait un grand pas en avant.
DÉCRYPTAGE
Le GIEC et ses rapports
Limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle. C’est l’objectif que se sont fixés les gouvernements du monde entier réunis à Paris en 2015, et qui est inscrit depuis dans le fameux Accord de Paris. Un objectif tout sauf lointain et abstrait, puisque la température mondiale a déjà augmenté de 1,1°C, comme le rappelle le GIEC dans son dernier rapport.
Le GIEC, c’est le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, un organe composé à la fois de scientifiques et de représentant·es des États, et chargé d’évaluer et de synthétiser l’état des connaissances concernant le changement climatique. Publié en mars 2023, son dernier rapport conclut que « la cadence et l’envergure des mesures prises jusqu’ici, tout comme les mesures planifiées à ce jour, ne sont pas suffisantes pour faire face au changement climatique ». Appelant à des mesures plus ambitieuses, le président du GIEC se veut toutefois encourageant : « Si nous agissons maintenant, nous pouvons encore garantir un avenir durable et vivable à toute la planète ».
EN SAVOIR +
Comprendre et expliquer les enjeux climatiques
Il faut moins polluer. Ça, on sait. Le climat se dérègle. Ça aussi, on sait. On le voit même, et on s’en inquiète. Mais c’est quoi, le lien entre les deux ? C’est quoi, l’« effet de serre » ? Comment fonctionne le changement climatique ? Pas évident en tant qu’adultes, en tant que parents, d’expliquer aux enfants ces choses que nous-mêmes ne comprenons pas toujours. Or comprendre, c’est faire reculer le flou et le sentiment d’impuissance, c’est retrouver l’envie d’agir et donner du sens.
Quelques pistes pour y voir plus clair :
- La Fresque du Climat, mise en avant dans ce reportage, est un outil de vulgarisation scientifique conçu en 2015 par un ingénieur français qui souhaitait faire comprendre à ses étudiant·es le contenu des rapports du GIEC. Concrètement, il s’agit d’un jeu de cartes utilisé dans le cadre d’un atelier ludique et collaboratif animé par une personne formée à cet effet. L’outil existe en version adulte (dès 15 ans) et enfants (dès 9 ans) et a déjà permis de sensibiliser un million de personnes aux enjeux climatiques.
- Le Réseau IDée (pour information et diffusion en éducation à l’environnement) est un réseau d’associations actives dans l’éducation relative à l’environnement (ErE) en Wallonie et à Bruxelles. Sur son site, on retrouve non seulement des conseils pour les personnes qui souhaitent se lancer dans un projet éducatif autour des enjeux climatiques, mais aussi une sélection d’outils de sensibilisation téléchargeables et commentés destinés aux enfants et aux adultes.
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