Santé et bien-être

Les PFAS font beaucoup parler d’eux, mais il ne faudrait pas qu’ils détournent l’attention portée à d’autres métaux et substances chimiques dont on connaît les impacts néfastes sur la santé des enfants.
La directive jouets de 2009 restreint 19 métaux et interdit 55 substances allergènes ou connues pour être cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques. L’ONG française WECF (Women engage for a common future) déplore en revanche le fait que le plomb (utilisé par exemple dans la peinture de certains jeux en bois) ou d’autres perturbateurs endocriniens soient encore autorisés.
WECF pointe aussi la faiblesse du marquage CE qui garantit seulement que le fabricant déclare que son jouet répond aux exigences de la directive.
Un cadre à renforcer pour protéger la santé des enfants
Une organisation de consommateurs et consommatrices danoise a testé 121 articles de puériculture (anneaux de dentition, jouets premier âge, couvertures, pantoufles et biberons) et révèle que plus de la moitié d’entre eux contenaient ou libéraient au moins un bisphénol et, dans de nombreux cas, deux bisphénols ou plus. Le bisphénol est un perturbateur endocrinien. « Son impact est reconnu, nous savons qu’il dérègle les fonctions reproductives, cause une puberté plus précoce des filles, affecte le développement du cerveau et augmente les risques d’obésité et de diabète », explique Hanne Frederiksen, la chercheuse à l’origine de ce test.
Zoom sur le marché belge
Le SPF économie effectue aussi des contrôles pour vérifier que les jouets respectent les normes et interdictions reprises dans la directive. Entre 2021 et 2023, quarante jouets présumés non conformes ont été contrôlés. En 2023, cinq jouets testés sur vingt n’étaient pas conformes. Quatre dépassaient le seuil limite autorisé en plomb et un allait au-delà la limite autorisée en phtalate. L’année précédente, quatre jouets sur vingt n’étaient pas conformes avec un dépassement de conservateurs connus comme allergènes (dans des peintures à doigt et des feutres) et une limite de migration de bisphénol A supérieure (dans un jeu à bulles).
Face à cela, l’experte du SPF économie nuance. « Ce n’est pas parce qu’un jouet contient une substance chimique dangereuse, qu’il y a un risque. Si l’élément qui contient la substance n’est pas accessible ou ne migre pas vers le corps de l’enfant, il n’y a pas d’exposition et donc pas de risque ».
Pierre Jamar, de Canopea, plaide lui pour une prise en compte de tout le cycle de vie du jouet, depuis la production jusqu’à la phase de déchet, en passant l’emballage et la commercialisation, puisqu’on connaît le pouvoir de nuisance sur l’air, l’eau et les sols de substances comme les PFAS ».
La vulnérabilité des enfants
Depuis vingt-cinq ans, la recherche en pédiatrie environnementale étudie l’impact d’une exposition précoce aux produits chimiques. Sans surprise, les études démontrent qu’une exposition chez les enfants augmente les risques de maladie avec une hausse des cas de cancer, asthme, diabète, obésité, troubles de l’attention ou troubles du spectre de l’autisme.
Corinne Charlier, professeur de toxicologie à l’ULiège et chef de service de toxicologie au CHU de Liège, détaille l’impact sur la santé des enfants. « Les produits chimiques connus pour être ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens miment le fonctionnement des systèmes hormonaux et peuvent avoir des effets à quatre niveaux. Sur l’axe reproductif, ils peuvent dérégler la production ou dégrader des hormones sexuelles et causer, par exemple, une baisse de la fertilité ou des cancers de la sphère génitale. Sur l’axe métabolique, ils peuvent participer à la survenue d’obésité, de diabète de type 2 ou des dérèglements thyroïdiens. Sur l’axe immunitaire, les PFAS peuvent occasionner un retard à la réponse vaccinale, l’enfant mettra plus de temps à faire des anticorps et en produira moins. Sur l’axe neurologique, ils peuvent favoriser la survenue de troubles du spectre autistique ».
D’après la théorie dite des 1 000 jours qui couvre la période de la conception aux 2 ans de l’enfant, les profils les plus à risque sont les plus jeunes enfants et les femmes enceintes ou allaitantes. C’est pourquoi cette population doit être particulièrement protégée. « La vulnérabilité des enfants s’explique aussi par leur petite taille qui les expose davantage aux polluants et le fait qu’ils mettent les choses en bouche, ce qui augmente les risques d’ingestion de polluants. Les tout-petits ont aussi un mécanisme de détoxification moins performant », ajoute Céline Bertrand.
PFAS, plomb, bisphénols, phtalates, la liste des produits chimiques dans les jouets est longue et appelle des mesures politiques. « Les conseils individuels font porter toute la responsabilité sur les épaules des parents, regrette Céline Bertrand. On sait que le fait de limiter l’exposition à l’échelle individuelle ne suffit pas. Il est aujourd’hui clair que ce n’est plus la dose qui fait le poison. Même de brèves et faibles expositions précoces à des produits chimiques perturbateurs endocriniens sont liées à un risque accru de maladie et d’invalidité chez les enfants qui peuvent persister tout au long de la vie ».
EN SAVOIR +
Des conseils pour les parents
- Retrouvez des infos claires sur le cadre européen, les produits toxiques et des conseils par catégorie de jouets dans le guide Jouets. Protéger les enfants des substances toxiques, réalisé par WEFC France.
- Plein d’autres infos sur les jouets à privilégier ou à éviter dans la brochure En désir d’enfant, enceinte ou jeune parent, comment se protéger des perturbateurs endocriniens et des autres polluants environnementaux ? éditée par Docteur Coquelicot.
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