Vie pratique
Plus que celui d’une gamine, La gosse est le portrait sincère et plein d’humour d’un duo maman solo-fille ado. Un récit personnel auquel la plume affutée de Nadia Daam, journaliste parentale, réussit à donner une portée bien plus large.
Celles et ceux qui ont déjà entendu Nadia Daam à la radio retrouveront dans La gosse (Grasset) le ton juste, vif et souvent drôle qui la caractérise. Les chapitres de son livre se suivent d’ailleurs comme autant de chroniques autour d’un thème ou d’un souvenir. Le premier, Nachos, évoque les deux semaines qui ont suivi la mort du père de sa fille, alors âgée de 11 ans. Deux semaines passées sous une « cabane-couette » au milieu du salon, à regarder Le Monde de Narnia et à se faire livrer des plats mexicains, avant de reprendre le cours de leurs vies, en duo. Ce quotidien de parent unique d’enfant unique, de parent tout court, avec ses doutes, ses joies, ses peurs, ses crises et ses incohérences, Nadia Daam le confie ensuite au fil des pages, comme on le ferait à un journal intime.
Et pour cause. Invitée à présenter son livre dans l’émission le Mug, sur la Première, elle explique qu’elle a d’abord écrit ces textes pour elle-même, le soir, quand sa fille adolescente dormait et qu’elle ressentait le besoin de faire quelque chose des émotions qui la traversaient. Elle était sans doute loin de s’imaginer que sa fille, qui a aujourd’hui 18 ans, deviendrait sa première relectrice.
« C’est très mignon parce que quand elle parle de ce livre à ses amies, elle dit ‘notre livre’. Mais c’est ce qui s’est passé autour qui est intéressant. Je lui soumettais un chapitre et puis on en parlait. Je pense que toutes les occasions qui nous sont offertes de se poser avec son enfant et de se parler avec le moins de faux-semblant possible, c’est essentiel pour bâtir une relation de confiance. »
Un petit miracle d’ébénisterie
Cette sincérité fait également du bien aux lecteurs et lectrices, qui peuvent se reconnaître dans l’autoportrait parfois peu flatteur d’une mère imparfaite, mais suffisamment bonne. Une mère qui se sent rapetisser et revisite sa propre jeunesse à mesure que son ado grandit. Une mère féministe qui s’avoue tenaillée par l’angoisse lorsque sa fille s’aventure dans les rues en mini-short (« Et si je sais que ce n’est pas aux femmes de modérer leur apparence pour se rendre moins vulnérables, mais aux hommes de cesser de violer, d’agresser et de reluquer, je ne suis pas moins affolée »).
Une mère qui s’est débrouillée seule et se demande, comme sa fille, « à partir de combien » on est une famille. « La vérité, écrit-elle, c’est que la gosse et moi, on n’est pas ‘une famille’, ni même ‘un foyer’. On est un petit miracle d’ébénisterie. Un tabouret dont le troisième pied s’est décroché et qui tient encore debout ».
EXTRAIT
Peur
Franchement, je ne serais pas moi, je me foutrais bien de ma gueule d’être aussi trouillarde. Mais cette capacité prodigieuse à traquer le danger partout et à élaborer des tragédies plus ou moins rationnelles ne me rend finalement pas la vie trop compliquée. Ce n’est pas SI handicapant. C’est comme avoir un épouvantail dans son jardin, ça gâche un peu la vue mais c’est pas si inutile.
► La gosse, Nadia Daam, Éditions Grasset (2024)
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