Chut, ça pousse…, de JuLi Litkei (La Joie de Lire)

Chut, ça pousse… est un beau livre qui se regarde. Se contemple. En silence. Ce qui explique peut-être le ‘Chut’ du titre et l’absence de mots. Mais cet album reste aussi un livre qui se lit car il s’y vit beaucoup de choses à interpréter. Les enfants peuvent se pencher dessus comme ils se pencheraient pour observer une scolopendre dans l’herbe ou des têtards dans une mare. L'enfant peut donc s'y adonner à une lecture en solo. Comme l’album de Valentine Laffitte, Et ici (Versant Sud Jeunesse), présenté la semaine dernière, Chut, ça pousse… propose un sens de lecture original : passant de l’horizontalité à la verticalité, les pages ne se tournent pas de gauche à droite mais de bas en haut. Le regard descend sous la croûte terrestre et découvre la vie fascinante qui se déroule sous nos pieds. Des fourmis creusent des galeries. Un mulot se réveille et ouvre de grands yeux dans son terrier tapissé de feuilles mortes. Des vers de terre progressent lentement, convoités par une taupe. Un tubercule de pomme de terre se ramifie. À la surface, ce sont des abeilles, des escargots, des bousiers, des doryphores et même un gendarme qui animent les pages illustrées d’une myriade de petits détails à observer. La fin du livre se termine sur quelques planches explicatives bienvenues. Outre cette incursion dans l’invisible, JuLi Litkei, illustratrice et designer hongroise basée en Suède où elle a obtenu en 2022 un diplôme de concepteur de culture enfantine (oui, cela existe !) à l’Académie HDK-Valand-Design et Artisanat de Göteborg, propose des illustrations dont les textures colorées viennent de pigments issus uniquement de matières naturelles telles que le charbon de bois, le café, le thé noir, les épinards, la betterave, l’herbe, la pelure d’oignon et le curcuma ! Une manière de concilier de façon optimale le fond et la forme.