Développement de l'enfant

Comment dompter sa peur des aiguilles ?

Quelles stratégies adopter pour éviter la peur des aiguilles et les difficultés qui en découlent ? Réponses avec Christine Fonteyne, cheffe de clinique de l’Unité Ressource Douleur à l’hôpital des Enfants Reine Fabiola.

Plus on est jeune, plus on craint les aiguilles. C’est le constat d’une méta-analyse sur différentes études toutes populations confondues réalisée en 2019 : la peur des aiguilles concerne 50 à 60% des très jeunes enfants, 20 et 50% des adolescent·es et 20 à 30% des adultes. Cette peur baisse donc au fil du temps, mais il y a des facteurs de risque qui augmentent sa prévalence comme « les maladies chroniques pédiatriques qui impliquent des traitements utilisant des aiguilles, tels que le diabète ou un cancer…», explique Christine Fonteyne, cheffe de clinique Unité Ressource Douleur (Huderf).
La prévention est très importante. « On sait qu’il y a des facteurs prédisposants liés à l’âge et au genre, mais d’autres facteurs peuvent intervenir, comme un soin qui s’est mal passé avec des souvenirs traumatiques ». Un seul (mauvais) geste suffit parfois.
Or, le schéma vaccinal commence très tôt dans la vie. « Les enfants de moins de 1 an sont très soumis à ces soins. Donc même quand on n’est pas malade, on est confronté à des soins avec aiguilles. D’où l’importance de développer des stratégies qui vont pouvoir diminuer la peur, l’anxiété et la douleur. »

Faire bonne piqûre

« La première chose à faire, c’est d’informer correctement l’enfant et ses parents : comment va se dérouler le soin, le pourquoi du traitement et du vaccin par exemple ». Anticiper le soin avec ses enfants est un bon point de départ. Afin d’aider les parents à aborder ce sujet, l’association Sparadrap a prévu des fiches avec des schémas explicatifs.
Quant aux stratégies à proprement parler, elles divergent et sont combinables entre elles. Dans le milieu hospitalier, on parle des 5P : Pharmacologique, Physique, Psychologique, Procédurale et (de l’anglais) Process. Prêt·e pour le déroulé ? C’est parti.
Du côté de la pharmacologie, on trouve les crèmes et les patchs anesthésiants « à placer une à deux heures avant le soin ». Pour les plus jeunes, il y a le glucose 30%, « soit quelques millilitres de sucre concentré à avaler. Cela augmente les endorphines pendant une courte durée, suffisante pour faire un vaccin ou poser un cathéter ». Pour les cas plus extrêmes, le gaz MEOPA, mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote, aussi appelé gaz hilarant, « souvent réservé à des enfants présentant une anxiété importante et soumis à des soins répétés. »
On poursuit avec les stratégies physiques. Tout d’abord, éviter la contention. « Deux adultes sur un enfant pour lui tenir le bras, c’est extrêmement traumatisant. Cela va augmenter la peur des aiguilles qu’on a tous un peu : je ne connais aucun adulte qui adore les prises de sang ! ». Certaines positions sont donc à privilégier : « Pour les tout-petits, l’idéal est d’être en position verticale tout contre son parent. Voire assis sur ses genoux. On évite autant que faire se peut la position couchée, position de soumission qui peut induire de l’anxiété ».
Les stratégies psychologiques, quant à elles, concernent l’attitude des équipes médicales. Être calme, rassurant·e, utiliser des mots positifs. « Nous (ndlr : équipes soignantes et parents) devons adapter notre vocabulaire durant tout le déroulé du soin. Depuis des générations, les médecins disent ‘Attention, je pique’, mais cela induit une peur anticipative. C’est bien connu en hypnose (ndlr : voir encadré), le cerveau n’entend pas la négation. Dans la phrase ‘Ça ne fait pas mal’, il va retenir ‘mal’. Certains mots sont à éviter », insiste la médecin.

Dînette ou réalité augmentée ?

On peut aussi chercher à distraire : « L’idée est de ne pas focaliser l’attention sur le soin. On peut questionner l’enfant, chanter une chanson, lire une histoire, jouer à la dînette, regarder une vidéo, écouter une musique… Pour les tout-petits, on peut faire des bulles de savon, utiliser le bâton de pluie, avoir recours au doudou. Il faut être un peu créatif ». L’usage de la réalité augmentée est également un très bon outil de distraction qui peut mêler hypnose et cohérence cardiaque.

« Depuis des générations, les médecins disent ‘Attention, je pique’, mais cela induit une peur anticipative »
Christine Fonteyne

Cheffe de clinique de l’Unité Ressource Douleur à l’Huderf

La stratégie procédurale concerne à la fois le soin et l’enfant. Il est essentiel d’avoir la maîtrise de la technique et du matériel adapté. « Chaque enfant est différent, chaque environnement, chaque geste aussi. Face à une situation d’anxiété, il faut se demander si on peut reporter le soin afin de mieux encadrer l’enfant et ses parents ».
Enfin la stratégie du process suggère une réflexion en amont du soin. « C’est une stratégie d’équipe. Il faut qu’elle soit formée et entraînée : l’un s’occupe de la distraction, l’autre du soin lié aux aiguilles et chacun doit savoir qui dit quoi. C’est essentiel que tout le monde se sente confiant ».
L’objectif de toutes ces pratiques : transformer une expérience qui peut être anticipée comme négative en expérience moins négative, voire positive. « Ce que je vous décris, c’est un monde idéal, souligne Christine Fonteyne. C’est aussi une culture d’équipe, qui n’est pas facile à mettre en place. Car on ne vit pas dans un monde idéal, et dans les hôpitaux encore moins. La charge de travail est intense, or là, il faut prendre le temps et pouvoir rester calme ».
Pourtant, ces efforts valent la peine. Car une des conséquences à plus long terme de ces enfants qui ont une peur liée aux aiguilles, outre la possibilité de développer une véritable phobie, c’est l’évitement. « On parle ici de respect des traitements, explique l’experte. Il a été démontré que les enfants diabétiques, dans leur suivi médical, évitaient leur traitement par insuline. C’est un argument supplémentaire pour y accorder de l’importance : il y a des conséquences non négligeables sur le long terme ».
Donc, si la détresse de votre enfant est palpable ou que le soin est gauchement administré, autorisez-vous à demander de reporter le soin. Le confort de votre enfant, si sa vie n’est pas en jeu, doit être alors une priorité.

BON À SAVOIR

Hypnose et bélénophobie

Dans 5 à 10% des cas, cette peur des aiguilles se transforme en phobie et se manifeste généralement par une peur excessive et irrationnelle, de l’hypertension, de la tachycardie, des sueurs, des tremblements, voire un évanouissement. On parle alors de bélénophobie (belone, aiguille en grec). Pour la traiter, les thérapies comportementales et cognitives, ainsi que l’hypnose, obtiennent de bons résultats.
« Mon objectif est de trouver, tel un détective, ce qui a déclenché ce symptôme, explique Zoubida Mouhssin, hypnopraticienne à Ixelles. Est-ce la peur d’un parent que l’enfant porte comme la sienne ? En voyant des images à la télévision ? Suite à une mauvaise expérience ?... ».
Première étape : instaurer la confiance. « Aux yeux de l’enfant, cette phobie n’est peut-être pas un problème. L’enfant n’a pas choisi de venir ici et n’estime peut-être pas pertinent de travailler dessus. C’est le parent qui attend un résultat. Moi, je me mets au service de l’enfant, à son écoute ».
L’hypnologue classe les enfants en deux catégories. Ceux de 8 ans et + qui peuvent être traités comme un adulte et les plus jeunes, à qui il faut montrer le pouvoir qu’ils possèdent en eux. « Leur imaginaire va les aider à dépasser leur peur. Je leur montre qu’à l’intérieur d’eux, ils ont un allié, celui qui les fait respirer, qui fait battre le cœur, qui est très puissant et toujours présent. On lui donne un nom à cet autre moi. Et on parle en son nom. Comme un ami imaginaire. Ils entrent en hypnose par ce biais ».
Dans le cas de la bélénophobie, on travaille sur le protocole de l’insensibilité : « L’enfant imagine un gant magique qui va le protéger, explique Zoubida Mouhssin, Ce gant lui permettra de devenir insensible au pincement. Ensuite, il pourra déplacer ce gant magique sur n’importe quelle partie du corps. Le pouvoir du cerveau est miraculeux. La réponse est en eux ». Une à deux séances peuvent parfois suffire pour traiter une phobie.

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