Droits et congés

« Ma compagne et moi, nous nous sommes séparés un an après la naissance de notre fille. Elle a tout fait pour minimiser ma garde et me reléguer au rôle de nounou. On parle peu de la fragilité des pères en cas de séparation. Cela, je l’ai fortement ressenti lors du premier confinement. Mon ex a refusé catégoriquement que je prenne ma fille chez moi, sous prétexte de la pandémie. Seule solution ? Passer le dimanche pour avoir le droit de voir ma fille. L’accord de médiation ayant force exécutoire, j’aurais pu aller voir la police. Outre le fait que je devais apporter la preuve qu’il s’agissait bien de ‘mon’ week-end, débarquer avec la police pour emmener ma fille aurait eu des conséquences désastreuses. Bien qu’ayant des droits, je n’avais aucun véritable moyen de les faire appliquer, sauf celui de rendre la situation encore pire. »
Benoît (prénom modifié)
Des témoignages comme ceux de Benoît, il nous arrive d’en recevoir. Des pères qui n’ont pas l’impression de pouvoir se faire entendre. Plus rarement aussi, des mamans à qui on a retiré le droit de garde de l’enfant. Bien sûr, nous ne connaissons pas les situations, mais voyons globalement quelles sont les modalités en matière de droit de garde.
► Comment s’obtient un droit de garde ?
Jennifer Sevrin, juriste et chargée d’études à la Ligue des familles, rappelle qu’il faut introduire une demande devant le Tribunal de la famille pour demander une période d’hébergement ou conclure un accord avec l’autre parent. Maya Mareschal, avocate du droit de la famille, rappelle qu’à défaut d’accord, les parents ont les mêmes droits. S’ils s’entendent, ils peuvent donc modéliser le partage de la garde. Dans la grande majorité des cas, les différends sont mis de côté, les parents pensent avant toute chose à leurs enfants. « Il existe toute une panoplie de modalités alternatives qui sont à privilégier avant d’en arriver au judiciaire », insiste l’avocate.
► Quelles pistes privilégier au moment de la séparation ?
Le conseil qui revient le plus : la médiation. Elle va (r)établir la communication et aider les parents à trouver un accord. Elle plaît pourtant peu aux parents, souvent l’un ou l’autre a le sentiment de ne pas être assez entendu. Un médiateur ou une médiatrice qui penche plus en faveur d’un camp, est-ce possible ? Maya Mareschal réfute : « Un médiateur est neutre par essence. Il n’est pas qu’impartial, il est multi-partial, en étant empathique et à l’écoute des deux parents. Là ou un magistrat, par exemple, peut user de son autorité pour raisonner une demande excessive compte tenu de la jurisprudence ».
L’avocate recommande de manifester son désaccord en cas de problème. C’est un sujet en soi à aborder lors des séances. Tout cela peut alors faire l’objet d’une attention particulière. L’occasion de rappeler également que ce n’est pas parce que la décision ne va pas dans son sens qu’un des deux parents n’est pas écouté.

► Homologuer son accord ou pas ?
Un accord tacite, c’est bien, mais mieux vaut toujours avoir une trace écrite. Nos expertes s’accordent là-dessus : sans document officiel, le parent n’est pas protégé. Un simple document signé entre les parents n’a pas de valeur, mais il peut être donné au juge pour prouver comment la garde s’organise (Ce qui est le plus sécurisant pour toutes les parties, c’est d’obtenir l’homologation de l’accord par le tribunal).
► D’autres pistes avant le recours au juge ?
Autre mode alternatif de résolution des conflits, le droit collaboratif. Seul·es les avocat·es agréé·es peuvent y procéder. En cas de défaut d’accord, les avocat·es peuvent se déporter, c’est-à-dire qu’ils ou elles se désistent et les parties doivent alors faire appel à d’autres avocates.
Avant recours au juge, on peut aussi introduire une demande à la CRA, la Chambre de règlement amiable, face à un·e magistrat·e qui joue le rôle de conciliateur ou de conciliatrice. Son objectif est de tenter de dégager un accord rédigé par un greffier ou une greffière qui sera ensuite renvoyé à la Chambre pour homologation.
► Si le droit de garde n’est pas respecté ?
En cas de conflit - quand un enfant ne veut plus aller chez l’autre parent, par exemple -, le ou la juge peut auditionner l’enfant pour en connaître les raisons (notamment l’existence ou non de violences intrafamiliales). Quand un droit de garde n’est pas respecté, le parent peut porter plainte à la police pour non-présentation d’enfant.
Les affaires relatives à la garde des enfants sont des mesures « réputées urgentes » devant le Tribunal de la famille. En théorie, une audience doit être fixée le plus vite possible. Les parents qui veulent avoir une solution rapidement peuvent faire appel à la tierce décision obligatoire (TDO). Ici, un tiers agréé (ni juge, ni arbitre) prendra une décision qui tiendra de loi entre les deux parties.
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