Vie pratique

Comment le couple peut surmonter le « baby-clash »

Comment le couple peut surmonter le « baby-clash »

Si la naissance est un heureux événement, elle entraîne des changements irréversibles et ouvre souvent au sein du couple une zone de turbulences où la fatigue le dispute à l’irritabilité. En prendre conscience et s’y préparer permet d’affronter plus sereinement cette période délicate, soutient le psychiatre Bernard Geberowicz, co-auteur avec Colette Barroux-Chabanol d’un ouvrage intitulé Le Couple face à l’arrivée de l’enfant (Albin Michel).

L’arrivée d’un enfant représente-t-il réellement un risque pour le couple ?
Bernard Geberowicz
 : « La naissance d’un enfant ouvre une zone de turbulences et de changements relationnels à l’intérieur du couple, de même qu’entre le couple et son environnement familial, amical et professionnel. Cette période, qui peut être qualifiée de crise, dure plusieurs semaines ou plusieurs mois (Boris Cyrulnik parle de ‘la folie des 100 jours’ !) et débouche, ajustement après ajustement, sur un nouvel équilibre. Elle peut cependant constituer un vrai risque, surtout si l’on n’a pas anticipé ces changements. Les statistiques montrent que 20 à 25 % des couples se séparent après quatre ou cinq années de vie commune, ce qui coïncide souvent avec les débuts de la parentalité. D’ailleurs, à en croire notamment les avocats, il n’est plus rare de voir des jeunes mères se retrouver seules alors que leur enfant est à peine âgé de quelques mois. Il y a un demi-siècle, les couples étaient beaucoup plus centrés sur la famille. Aujourd’hui, ils accordent souvent la priorité au développement personnel et au bonheur conjugal. Certes, la valeur famille reste très forte et l’éducation des enfants est aujourd’hui souvent surinvestie. Mais, en cas de difficultés ou d’échec, on hésite moins à repartir à zéro avec un nouveau partenaire ».

La fatigue : l'ennemi n°1

Peut-on vraiment anticiper les difficultés provoquées par une naissance, ce que vous appelez le « baby clash » ?
B. G.
 : « À l’évidence, on ne peut pas tant qu’on ne les a pas vécus appréhender tous les changements que provoque une naissance, en premier lieu parce qu’on ne connaît pas l’enfant qui va naître. Pour autant, on observe un certain nombre de généralités. Les connaître, c’est être mieux armé pour affronter les difficultés susceptibles de survenir après l’arrivée du bébé. Les futurs parents n’ont pas toujours pleinement conscience de l’état de fatigue qui les attend. Trop souvent, au sein du couple, on n’est pas suffisamment préparé à tenir compte de l’épuisement de l’autre. Avec, dès lors, le risque d’entrer dans une logique de compétition : ‘Je suis plus fatigué(e) que toi, donc c’est à toi de préparer le biberon ou de changer la couche…‘. Au contraire, il faut tenter d’affronter en commun cette fatigue, qui souvent décuple l’irritabilité et abaisse les seuils de tolérance ».

Les difficultés relationnelles au sein du couple apparaissent souvent lorsque le père peine à trouver sa place. Comment éviter cet écueil ?
B. G. : « Une relation très particulière se noue entre le bébé et la maman. Le père, lui, sans se mettre à l’écart, doit accepter que le projecteur soit dirigé vers l’enfant au moins pendant les premières semaines. Il doit faire preuve de patience et de bienveillance. S’il accepte que, momentanément, le couple ne soit pas prioritaire, que la sexualité ne revienne pas immédiatement, s’il a conscience que quasiment tous les jeunes parents connaissent une situation similaire, il vivra mieux ses éventuelles frustrations. Il importe néanmoins de ne pas délaisser totalement l’espace de l’intimité et de retrouver rapidement des petits moments de couple, sans attendre de pouvoir aller au restaurant en amoureux ou de pouvoir partir une semaine en vacances. Sinon, on s’expose à un éloignement progressif. L’un des pièges consiste à vouloir à tout prix retrouver la relation de couple qu’on avait précédemment, lorsqu’on pouvait faire l’amour à n’importe quel moment ou décider spontanément d’aller voir un film au cinéma. L’arrivée de l’enfant modifie de façon irréversible les liens conjugaux. Lesquels, tout en étant différents, peuvent tout à fait s’avérer aussi forts et beaux que par le passé ! Il en va de même pour les loisirs : il ne s’agit pas, pour chacun des membres du couple, de revoir ses ambitions à la baisse, mais de les partager avec l’autre et de fixer en commun des priorités. »

Le baby-blues des pères

Mais cet enfant, on l’a désiré l’un et l’autre ! Comment peut-il mettre le couple en péril ?
B. G. :
« Encore une fois, une naissance provoque des changements individuels très profonds. On connaît assez bien le phénomène du baby-blues. Mais une récente étude nord-américaine a montré que l’état dépressif des jeunes pères avait jusqu’ici été largement sous-estimé. L’arrivée d’un fils ou d’une fille leur fait prendre conscience de leur condition de mortel, elle leur donne l’impression que leur jeunesse est finie, elle éveille chez eux un sentiment de responsabilité qui parfois les écrase et les incite à prendre la fuite.
De leur côté, les femmes deviennent mères avec plusieurs années de décalage par rapport aux générations précédentes, à une phase souvent clé de leur carrière professionnelle, à un moment aussi où elles ressentent un plus grand besoin de contrôle. Chez elles, on observe ce qu’on appelle les préoccupations maternelles primaires : comme le bébé est vulnérable, incapable de faire part de ses besoins, incapable de les satisfaire de façon autonome, elles cherchent à les anticiper. Et cette attitude, parfois très présente, peut être perçue par les pères comme un manque de confiance. Cela passe par de petits détails du quotidien : le biberon jugé trop chaud, l’enfant qui ne serait pas habillé suffisamment chaudement, la façon de le tenir dans le bain qui ne serait pas appropriée… »

L’arrivée d’un enfant fait souvent l’objet d’une idéalisation. Est-ce ce décalage avec la réalité qui ébranle le couple ?
B. G. : « Il n’est pas toujours évident d’avouer à sa famille que l’on est exténué, que les relations au sein du couple sont tendues, que la nouvelle vie à trois n’a rien de facile. On a tendance à se dire qu’on a tout pour être heureux et que, par conséquent, on n’a pas le droit de se plaindre. On a peur de se heurter à l’incompréhension de nos proches. Ce faisant, on a tendance à occulter les difficultés plutôt que de les affronter en gardant à l’esprit que communiquer, cela suppose de s’écouter, de faire preuve d’empathie, de savoir parler sur un ton autre que celui du reproche, d’évoquer ensemble des difficultés qu’on partage et pas seulement de celles que l’autre nous pose. »

Les difficultés sont-elles les mêmes pour la deuxième ou même troisième naissance ?
B. G. : « Cela dépend de la façon dont on a géré les difficultés à la naissance du premier enfant. Si on a su faire face à deux, il est probable qu’on saura trouver assez rapidement un nouvel équilibre après l’arrivée du second. En revanche, s’il reste de cette expérience beaucoup de scories et de rancœurs, celles-ci peuvent être réactivées. Et on s’expose alors à de fortes turbulences. C’est vrai notamment pour les couples qui ne vont pas très bien et qui, plus ou moins consciemment, ont souhaité avoir un second enfant dans l’espoir de renforcer leurs liens. Le bébé ‘médicament’ du couple marche assez peu. »

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