Développement de l'enfant

Côté pile, un enfant difficile. Côté face, des parents dans la mélasse

Ils n’obéissent pas aux règles et ne respectent pas les copains. Qui sont les enfants dits difficiles dont les parents se plaignent tant ? Comment les aider ? Décryptage avec Pierre Delion, pédopsychiatre et professeur à la faculté de médecine de Lille.

« Un travail de prévention règle la majorité des cas d’enfants difficiles », annonce le pédopsychiatre Pierre Delion. Waw, rien que de l’apprendre, ça donne envie d’y croire ! Ce pédopsychiatre rassure : « Dans neuf cas sur dix, l’enfant difficile n’a pas de problème pathologique ». Pas besoin de l’étiqueter enfant difficile, car c‘est temporaire et, surtout, cette réputation risque de lui porter préjudice. Il n’y a que 10 % d’enfants difficiles qui souffrent d’une pathologie grave (trouble du spectre autistique, cécité…), les 90 autres pourcents vivent un malaise.

Pour retrouver des relations fluides avec eux, il faut comprendre où ça coince. Certains enfants sont agressifs à l’extérieur parce qu’ils ne connaissent malheureusement que ça chez eux : des cris, voire de la violence. Mais, souvent, c’est la situation inverse qui se produit : « Dans la plupart des cas, cette appellation d’enfant difficile cache une dépression passagère d’un parent qui se sent dépassé par son enfant, précise Pierre Delion. La majorité des enfants difficiles l’est parce que leur cadre est un peu flou. Ces enfants ne connaissent pas la frustration. »

La solution ? Revenir à un cadre protecteur contenant et clair pour l’enfant. Pas en le bassinant de règles strictes et en haussant le ton toutes les trois minutes, non. Mais en tenant bon, avec douceur, sur certaines règles indispensables, comme marcher sur le trottoir et pas sur la rue, prendre ses médicaments quand on est malade…

Papoter pour être moins frustré

« Un parent doit pouvoir dire un ‘Non’ sain et détendu, clair et net, précise encore ce pédopsychiatre. Ainsi, l’enfant se fait progressivement à l’idée. Et ce n’est pas seulement aux papas d’instaurer les règles. Aujourd’hui, les parents se partagent les rôles. Les questions d’éducation se discutent en couple. »

Les parents peuvent aider leur enfant à travailler ses frustrations, surtout quand l’enfant commence à parler. Si le petit pique sa crise car il veut tout de suite le jeu que sa grande sœur a dans les mains, par exemple, le parent peut l’aider à le faire patienter un peu. Comment ? En lui expliquant le partage, en lui proposant un autre jeu en attendant que sa grande sœur ait fini… « Laisser un petit attendre, un peu, la satisfaction de ses besoins, ça l’aide à créer un espace entre la pulsion et la réponse à sa pulsion. On fait ça intuitivement et ça aide l’enfant à grandir. L’enfant n’a pas la chose dans sa main, mais il peut l’avoir dans sa tête », explique Pierre Delion.

Par le jeu, l’enfant dépassera ses difficultés. Par le jeu et par le langage. Les comptines, jeux de poupées, Duplo… ne se jouent jamais en silence, mais avec des paroles et même un scénario. L’enfant peut ainsi rejouer les frustrations qu’il a vécues pendant la journée. C’est important pour son développement.

« L’enfant difficile évolue souvent dans un monde dans lequel il est privé de parole. Quand un parent dit ‘Je suis débordé par mon enfant’, il trouve souvent une solution dans le jeu et le langage », constate encore le pédopsychiatre.

En voilà une solution plaisante : jouer et papoter avec son petit. Même s’il ne s’exprime pas encore très clairement, il s’améliorera au fil de vos conversations et, vers 3 ans, il sera équipé pour faire face aux frustrations de base et prêt à entrer à l’école.



E. W.

En pratique

Face à un enfant difficile :

  • Douceur et fermeté. En tant que parent, on tient bon avec calme sur les règles les plus importantes (comme l’interdiction de jouer avec des prises électriques). Et à côté, on laisse certains choix à son enfant : tu préfères commencer par ranger tes livres ou ton puzzle ?
  • Le matin, il hurle quand vous le déposez à la crèche ou en maternelle ? Si les pleurs cessent dès que vous avez franchi la porte, rien d’inquiétant. En anticipant cette séparation avec l’enfant, en lui montrant que vous n’êtes pas inquiet, que vous faites confiance aux personnes qui le gardent, en lui disant « Amuse-toi bien » plutôt que « Bon courage », cela peut résoudre pas mal de pleurs de séparation. Lui laisser un foulard à vous, un petit cœur dessiné sur la main ou une boîte à bisous magiques pourra l’aider. Si l’enfant continue à pleurer après pendant toute la matinée, alors il y a peut-être autre chose.
  • Difficile uniquement à la maison ? C’est parfois le signe d’une difficulté dans la fratrie ou dans le couple. Le mieux, c’est de mettre des mots simples sur ce qui ne va pas. Sans explications, les enfants sont très démunis. 
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