Crèche et école

Crèches : du bio au menu

De plus en plus de crèches proposent aux enfants une alimentation biologique

De plus en plus de crèches proposent aux enfants une alimentation biologique. Une démarche volontaire, souvent motivée par le souhait de préserver la santé des enfants à un âge où ils sont particulièrement sensibles à leur environnement.

Du boulghour, des œufs, des fruits et des légumes… Depuis quelque temps, les soixante enfants qui fréquentent la crèche La Volière, à Namur, ont vu une série d’aliments d’origine biologique apparaître dans leurs petits bols. Des nouveaux venus qui ont pour objectif de préserver leur santé tout en contribuant à celle de la planète.

Mille premiers jours

Les aliments bio présentent certains avantages avérés, explique Cleo Rotunno, diététicienne à l’ONE : « Le principal, c'est la réduction significative de la présence d’engrais et pesticides chimiques, qui ont pour la plupart un effet néfaste sur la santé ». Celle des bébés en particulier : « On parle aujourd’hui des ‘mille premiers jours de la vie’, un concept largement utilisé en santé publique, qui désigne la période allant du début de la grossesse aux 2 ans de l’enfant. Durant ces mille premiers jours, l’environnement proposé aux enfants, qu’il soit alimentaire ou autre, a un impact important sur leur développement, parce qu’ils sont dans une phase de croissance très rapide ». D’où l’intérêt de limiter leur exposition aux substances à risque.
Les bénéfices de l’alimentation biologique sont évoqués dans le guide pratique de l’ONE Chouette, on passe à table !, qui sert de référence aux milieux d’accueil en ce qui concerne l’alimentation des enfants. On y lit notamment que, même si leurs apports nutritionnels ne sont pas très différents de ceux des aliments issus de l’agriculture conventionnelle, les fruits et légumes bio pourraient être un peu plus riches en antioxydants. À condition d’être locaux et de saison, ces aliments sont aussi plus respectueux de l’environnement et contribuent à une alimentation durable – c’est-à-dire produite et consommée dans le respect des besoins des générations  actuelles et futures.

L’argent, nerf de la guerre

Le guide de l’ONE précise encore que « le choix de s’approvisionner en denrées issues de l’agriculture biologique est propre à chaque milieu d’accueil. Il sera fonction du budget alimentaire de départ et de sa gestion, de la motivation des responsables du projet et de l’attente des parents ». Les crèches sont donc libres d’opter pour une alimentation bio, en tout ou en partie.
« La recommandation de base que nous diffusons, c’est de travailler avec des produits locaux et de saison, commente Cleo Rotunno. Si les milieux d'accueil ont l'opportunité de se fournir en bio, c'est encore mieux. Mais nous ne pouvons pas l'imposer, pour la bonne et simple raison que tous les milieux d’accueil ne sont pas égaux face aux questions de coût et de logistique. »
« C’est vraiment l’argent, le nerf de la guerre », confirme Rebecca Coisne, infirmière à la crèche La Volière. Les repas des enfants y sont cuisinés sur place, chaque matin. Mais passer au bio a longtemps été impensable, explique-t-elle : « Quand il y avait peu de différence de prix entre un produit bio et un produit non bio proposé par la chaîne de grands magasins auprès de laquelle nous nous fournissons, j’optais pour le produit bio. Mais ça n’arrivait pas souvent. Financièrement, c’était impossible de faire plus… Nos tarifs sont définis en fonction des revenus des parents, quelle que soit la manière dont nous cuisinons. En plus, nous sommes une crèche à mixité sociale, nous ne voulions certainement pas qu’il y ait une répercussion pour les familles plus fragilisées ».

Vers des cantines durables

Finalement, la crèche a pu bénéficier d’un coup de pouce financier lié au label Cantines Durables, un dispositif mis en place par la Région wallonne pour soutenir la transition des services de restauration collective qui le souhaitent vers une alimentation durable. Pour décrocher un « radis », qui correspond au premier niveau de labellisation, elle a dû remplir vingt-deux critères. L’un d’entre eux concerne directement le recours à l’alimentation biologique : la crèche s’est en effet engagée à proposer toute l’année un minimum de cinq aliments certifiés bio, toujours les mêmes. En fonction des possibilités, d’autres aliments issus de l’agriculture biologique trouvent également leur place dans son garde-manger, en particulier des fruits et légumes de saison.

Cleo Rotunno - Diététicienne à l’ONE
« La recommandation de base que nous diffusons, c’est de travailler avec des produits locaux et de saison »
Cleo Rotunno

Diététicienne à l’ONE

S’approvisionner en aliments locaux et de saison, bio ou non, comporte également des défis logistiques, signale Rebecca Coisne. Elle commande désormais certains produits auprès d’une coopérative de producteurs et productrices de la région namuroise, ce qui lui permet de centraliser ses achats. Mais, inévitablement, les stocks disponibles, ainsi que leur quantité et leur qualité, peuvent varier. Ce qui implique de pouvoir rebondir et s’adapter.
Annick, la cuisinière de la crèche, se souvient par exemple d’avoir reçu un jour des choux-fleurs bien plus petits que ce à quoi elle s’attendait, et d’avoir dû faire preuve de créativité pour composer les repas ce midi-là. Pour Marie-Pierre Ysebaert, directrice de La Volière, cette motivation au sein de l’équipe joue un rôle essentiel : « S’il n’y a pas de volonté, les freins sont vite là pour stopper le projet ».

Un paysage en mouvement

« Au niveau de l'évolution des pratiques, on constate que les milieux d'accueil sont de plus en plus sensibilisés à la question d'une alimentation de qualité, d'abord pour la santé, mais aussi pour l'environnement », observe Cleo Rotunno. Elle en veut pour preuve le succès du dispositif ACTE, pour « accueil en transition écologique », de l’ONE. Mis en place en 2023, il permet aux milieux d’accueil subventionnés de s’engager à adopter des pratiques plus éco-responsables, entre autres en matière d’alimentation, en échange d’un accompagnement et d’un subside annuel de 125€ par place d’accueil. À ce jour, le dispositif rassemble plus de 1 200 signataires, souligne-t-elle.
L’ONE ne dispose cependant pas de vue d’ensemble des crèches proposant une alimentation bio. Ce que l’on sait, c’est qu’en Wallonie, onze crèches ont obtenu le label Cantines Durables. Leur nombre pourrait doubler très prochainement, nous précise Juliette Vastesaeger de l’asbl Manger Demain, qui accompagne les établissements candidats.
En Région bruxelloise, le label Cantine Good Food, un dispositif en partie comparable géré par Bruxelles Environnement, a, à ce jour, été octroyé à trente crèches – soit la moitié des établissements labellisés ! Or pour obtenir leur première « fourchette », les cantines de la capitale doivent s’engager – entre autres critères – à proposer un minimum de huit produits bio tout au long de l’année.
Ces quelques chiffres ne donnent qu’un aperçu très partiel de la réalité, car toutes les crèches qui proposent des repas bio ne cherchent pas à obtenir de label. Pour compléter le tableau, il faut garder à l’esprit que les moyens disponibles et les contraintes rencontrées sont très variables d’une crèche à l’autre, selon qu’il s’agit d’une crèche privée ou publique notamment. Et que de nombreuses crèches font appel aux services de cuisines collectives, dont certaines privilégient eux aussi les produits bio…

Pour les parents, une question de bol ?

Il ressort de ce qui précède et des contacts pris dans la préparation de cet article une impression de dynamisme : la question de l’alimentation bio, et plus largement de l’alimentation durable, « vit » manifestement dans le secteur de la petite enfance. De nombreux milieux d’accueil se bougent et communiquent à ce sujet.
À La Volière, c’est tout un petit comité qui s’est constitué. Dont plusieurs puéricultrices, qui ont à cœur d’expliquer aux parents, à la fin de la journée, ce que leurs enfants ont mangé. Le menu du mois, affiché à l’entrée de la crèche et sur lequel sont soulignés les aliments locaux et bio, contribue également à l’information et la sensibilisation des parents, qui ont exprimé un retour positif lors d’une récente enquête de satisfaction.
« On peut se réjouir que de plus en plus de crèches fassent de la qualité de l’alimentation une dimension importante de leur projet d’accueil au regard de son impact sur la santé des enfants, commente Damien Hachez, chargé d’études à la Ligue des familles. Malheureusement, les parents ont rarement le choix. Vu le manque de places d’accueil, leur priorité est de trouver une crèche, et ils ne peuvent pas toujours se permettre de se préoccuper de la qualité de l’alimentation qui y est proposée ». Et d’espérer que les initiatives visant à promouvoir une alimentation biologique, ou en tout cas plus durable, dans l’accueil de la petite enfance continueront à bénéficier du soutien des nouvelles majorités, tant au niveau des communes que des Régions et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

EN SAVOIR +

Radis et fourchettes

La liste des crèches wallonnes labellisées Cantines Durables est disponible sur le site mangerdemain.be, et celle des crèches bruxelloises ayant obtenu le label Good Food est accessible sur le site goodfood.brussels.

Des cuisines certifiées bio 

À condition de respecter les exigences strictes de la réglementation bio, un service de restauration collective peut obtenir la certification bio, pour tout ou partie de son offre, auprès d’un organisme agréé. En pratique, nous dit-on, peu de crèches font directement appel à cette certification. Mais elles sont assez nombreuses à se faire livrer par des services externes certifiés bio. Ceux-ci sont répertoriés sur le site de référence biowallonie.com.