Crèche et école

Dans la peau d’un enfant à besoins spécifiques

En tant que parent d’un enfant « dys » (dyslexique, dyscalculique, dyspraxique…), de nombreuses questions surgissent tout au long du parcours sinueux de son enfant. Questions qui ne trouvent pas toujours de réponses, puisque d’un enfant à l’autre, les différences sont nombreuses. Rencontre avec Perrine Bigot, une orthopédagogue spécialisée dans le suivi d’enfants « dys ».

Est-il possible de se mettre à la place d’un enfant présentant des troubles que nous n’avons pas ?
P. B.
 : « En tant qu'orthopédagogue, un de mes objectifs est d'apporter des outils aux parents et aux enseignants. Mais avant même de proposer des outils, il me semble indispensable de leur faire comprendre comment ces enfants fonctionnent. Et je suis profondément convaincue que, pour les comprendre, il faut se mettre dans leur peau. Ressentir le vécu émotionnel que ces enfants vivent au quotidien est une expérience qui vaut plus que tous les livres et les conférences théoriques réunis ! »

Quel est le rôle de l’orthopédagogue dans l’aide à l’enfant et aux parents ?
P. B. : « Avant même de parler de suivi thérapeutique (en logopédie, en neuropsychologie...), il faut avoir élaboré un bilan. En fonction du résultat de ce bilan, la présence d'un trouble peut donc être diagnostiquée et un suivi thérapeutique s'avère donc nécessaire. Mais, parfois, les parents ne savent pas vers qui se tourner en premier. L'orthopédagogue peut aider à cibler les difficultés de l'enfant pour pouvoir le rediriger vers les professionnels compétents. Il peut aussi accompagner l'enfant dans un suivi personnel basé sur la revalorisation de l'estime de soi, souvent abîmée, et sur la motivation pour retrouver l'envie et le plaisir d'apprendre. La Belgique manque cruellement d’orthopédagogues ! »

Le diagnostic posé, comment le comprendre et l'accepter ?
P. B.
 : « Accepter le diagnostic de son enfant est souvent une étape difficile pour un parent. Comprendre que le diagnostic est l'ouverture de la porte vers une solution, des solutions permet ensuite d'envisager les pistes et les chemins à prendre pour redonner à l'enfant l'accès à son plein potentiel et à retrouver sa joie de vivre. Chacun d'entre nous a une place, il faut juste la trouver, et parfois même la créer. »

Que faire concrètement pour que ces enfants retrouvent le goût d’apprendre ?
P. B. : « Le seul chemin pour que ces enfants retrouvent le goût d'apprendre est la co-construction d'un monde où l'école n'est plus calquée sur un modèle fixe et figé, mais où l'école offre la possibilité à chacun de se comprendre, de se connaître, de s'accepter et de se respecter les uns les autres. Ce changement se fait par la prise de conscience de tous : parents, professeurs, directeurs, mais aussi et surtout par les pouvoirs politiques et les institutions. Améliorer la qualité des formations initiales, enrichir et diversifier les formations continuées pour les enseignants, initier un travail de collaboration entre les écoles et les professionnels extérieurs... La nature a créé des différences, l'homme en a fait des inégalités" : à nous de créer enfin un monde où nos DYSférences seront nos richesses ! »

Comment communiquer le plus efficacement avec l'équipe éducative ?
P. B. : « Dès le début de l'année, il faut que la communication entre toutes les personnes qui accompagnent l'enfant se mette en place : l'école, la famille et les thérapeutes extérieurs. Certaines écoles demandent systématiquement à voir le dossier médical de l’enfant. Car, bien souvent, l'origine des problèmes vient d'un manque de compréhension des uns et des autres et d'un manque de transfert entre les apprentissages faits en séances extérieures et à l'école. L'enfant n'arrive pas à mettre en place en classe ce qu'il développe lors des séances individuelles et les enseignants ne savent pas comment mettre en place des aménagements concrets pour l'enfant. Les situations sont souvent complexes et demandent une communication bienveillante, basée sur le respect de l'enfant dont le seul objectif devrait être son épanouissement, à l'école comme à la maison. »

Les enseignants sont-ils assez formés à cette problématique ?
P. B. : « Que ce soit en maternelle, en primaire ou en secondaire, les enseignants manquent souvent de formation sur les troubles de l'apprentissage et sont à la recherche d'outils et de pistes concrètes à mettre en place en classe. Et pourtant, c’est bien à l’école que les équipes éducatives sont les mieux placées pour repérer les troubles de l’apprentissage et leurs conséquences, puisque c’est à l’école que les difficultés apparaissent. La vigilance des enseignants est donc essentielle. Mais ce sont les spécialistes (neuropédiatres, logopèdes, psychologues et orthopédagogues) qui poseront le diagnostic. Tout cela en collaboration étroite avec les parents et le centre PMS. »

Comment aborder la vie quotidienne à la maison : les devoirs, la gestion des crises ?
P. B. : « Une des priorités, je pense, est que chacun reste à sa place : les parents ne doivent pas se transformer en professeurs particuliers en reprenant pendant des heures la matière scolaire. Et c'est malheureusement ce qui se passe souvent. La famille doit rester un lieu d'échanges et de partage où l'apprentissage se fait dans le plaisir et les expériences de vie. »

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