Développement de l'enfant

Des câlins pour les bébés hospitalisés

Hospitalisation des bébés, accompagnement, bien-être

Ce n’est plus un scoop : les câlins font du bien. En contribuant à la production de l’ocytocine – l’hormone clé du bien-être –, ils nous apaisent et nous aident aussi à combattre la maladie, les virus, la déprime. Ce principe, les « câlineurs de bébés » l’ont bien intégré. Jusqu’à appliquer ce remède auprès des nourrissons hospitalisés.

À la fin de l’année 2017, onze dames découvrent sur Facebook la vidéo d’un grand-père qui câline des bébés dans les services pédiatriques et de néonatologie de certains hôpitaux aux États-Unis. Séduites, elles décident de mettre en place le même concept en Belgique et lancent une page sur Facebook qu’elles intitulent « les câlineurs de bébés ».
Après quelques jours, le nombre de membres de leur page prend déjà des proportions impressionnantes. Elles se constituent ensuite en association pour concrétiser l’activité. Un an plus tard, en octobre 2018, elles déposent au Moniteur belge les statuts de l’association et démarchent plusieurs hôpitaux pour proposer leurs services en tant que « câlineurs de bébés ».
L’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Huderf) se montre tout de suite intéressé pour le service des soins intensifs. En mars 2019, la collaboration se met en place et une convention est signée entre les deux entités. Depuis lors, chaque jour, un bénévole de l’ASBL vient câliner les bébés de 0 à 18 mois.

L’importance du bonjour et de l’au revoir

Chantal Boffa, co-fondatrice de l’asbl, est bénévole et se rend tous les lundis à l’Huderf. Elle raconte : « Nous ne savons jamais à l’avance quel bébé nous allons câliner. C’est le service qui nous en informe le matin. On ne sait pas non plus pourquoi les bébés sont là, c’est confidentiel. On vient simplement pour les câliner ».
La durée de séjour des enfants varie énormément selon les cas. « Certains restent quelques jours, d’autres des semaines, voire des mois ». D’où l’importance d’être clair au moment du rituel d’arrivée et de sortie : « Quand je pars, je dis toujours à l’enfant : ‘Je m’en vais. Peut-être que je ne te verrai plus. Je te souhaite de ne plus être là la prochaine fois que je viendrai’ ».

Une épreuve psychologique

Le service des soins intensifs de l’Huderf compte dix-huit places. Beaucoup d’enfants sont immobilisés dans leur lit, portent parfois des masques, des tuyaux, ce qui ne rend pas la tâche facile pour les bénévoles.
« On est confronté à de la souffrance physique et émotionnelle. C’est une véritable épreuve psychologique, témoigne Chantal Boffa. Mais nous trouvons toujours une solution pour câliner : si le bébé ne peut pas être pris dans les bras, je crée un contact par la voix et le regard. Je me présente, je dis son prénom, je fais des jeux de doigts. Je le félicite aussi : ‘Mais qu’est-ce que tu es courageux !’ »

« L’air de rien, nous soulageons les bébés avec nos câlins. Ils sont nourris affectivement et deviennent ainsi moins nerveux » Chantal Boffa

En raison des difficultés liées à l’unité médicale en tant que telle, l’asbl des câlineurs a des réunions régulières afin d'améliorer la bonne gestion du groupe. Par ailleurs, au niveau du recrutement*, ne devient pas câlineur qui veut. À savoir qu'il y a toute une procédure à respecter. Dans un premier temps, toutes les candidatures doivent être envoyées à la secrétaire de l’asbl, qui remet alors un questionnaire. Une fois celui-ci rempli, les candidat·e·s sont reçu·e·s par deux administratrices qui les auditionnent.
Par la suite, une fois sélectionné·e·s et avant de commencer leur activité, les bénévoles suivent une formation sur le terrain pour y apprendre les règles de confidentialité, les mesures d’hygiène, le portage de bébé, les signes de souffrance, la juste distance à garder avec l’enfant, etc. De cette manière, les nouveaux câlineurs entrent aussi en contact avec l’équipe médicale. Ils suivent une période d’essai de trois mois sous la responsabilité d’une marraine ou d’un parrain.

Une complémentarité avec les soins médicaux

La relation entre les bénévoles et le personnel de soin est bienveillante. « Ils nous connaissent, ils nous accueillent et ils nous remercient. L’air de rien, nous soulageons les bébés, leurs patients, avec nos câlins. Ils sont nourris affectivement et deviennent ainsi moins nerveux ».
Pour ce qui est des rapports avec les parents, l’hôpital se charge, dans un premier temps, de leur présenter l’asbl et ses services et de leur demander leur accord pour que leur bébé se fasse câliner. Pour diverses raisons - professionnelles, familiales ou autres -, certains parents n’ont pas la possibilité de rester 24h sur 24 avec leur enfant. Ils sont donc rassurés si des bénévoles cajolent leur petit·e pendant leur absence. D’autres sont présents, mais ont aussi besoin de souffler : « Pour certains parents, notre arrivée peut être un soulagement, car cela leur donne du temps pour aller boire un café ou pour prendre une douche. Ils sont généralement très reconnaissants, car on leur permet de décompresser ».

Des histoires touchantes

Chantal Boffa travaille depuis six mois à l’Huderf et a déjà des anecdotes à raconter. Elle nous en livre deux : « Un des bébés est resté trois-quatre mois à l’hôpital. C’était une petite fille de 15 mois. Le premier jour, quand je suis arrivée dans sa chambre, je l’ai vue entravée dans son lit. Elle ne bougeait pas. Je ne pouvais pas la prendre dans les bras à cause de ses tuyaux respiratoires. J’ai approché mon doigt de sa main, elle l’a attrapé et elle ne l’a plus lâché pendant deux heures. Elle s’est endormie sans le lâcher. Je suis contente, car j’ai pu dire au revoir à cette petite fille avant qu’elle ne retourne chez elle. Ensuite, j’ai vécu une autre belle histoire avec une petite fille. Quand je suis arrivée, elle était toute tendue, je ne parvenais pas à lui faire ouvrir les mains. Je l’ai prise dans mes bras. Après vingt minutes, elle s’est endormie. Après quarante minutes, j’ai senti son corps se détendre et ses petites jambes se déplier. Enfin, ses mains se sont décontractées et j’ai pu y glisser mes doigts. C’est fou, la force des câlins ».

Une ouverture vers d’autres hôpitaux 

À ce stade, et compte tenu du fait que l’activité a commencé depuis six mois, il est difficile de faire un bilan. Ce qui est sûr, c’est que depuis mars 2019, « les câlineurs de bébés » ont accompagné 62 bébés différents à l’Huderf. Aujourd’hui, l’association compte vingt-quatre bénévoles et la page Facebook compte plus de deux mille membres. L’Huderf a étendu cette activité à ses services de revalidation et de néonatologie.
Enfin, depuis un mois, l’asbl travaille au sein du service de néonatologie de l’hôpital Delta du groupe hospitalier Chirec. « C’est un autre milieu, les parents sont beaucoup plus présents, donc les besoins sont moindres. Mais nous sommes heureux d’exercer notre activité de bénévoles là-bas aussi ». D’autres hôpitaux sont actuellement en pourparlers avec l’asbl.

*Pour le moment, le recrutement des bénévoles est en suspens dans l’attente de nouveaux accords avec des institutions hospitalières en Belgique.

EN SAVOIR +

La journée-type d’un câlineur de bébé

  • Le matin, il téléphone au service de l’hôpital pour avertir de sa venue et connaître les besoins du jour.
  • Plus tard, il prend la route de l’hôpital, se rend dans le service en question, et redemande confirmation de l’enfant à câliner auprès des professionnel·le·s de soins.
  • Ensuite, il enfile son T-shirt de l’association, se rend dans la chambre du bébé en respectant les règles d’hygiène et commence à le câliner.
  • Il reste maximum deux heures et demie, trois heures dans l’hôpital.

EN COULISSES

Les mots-clés chers aux câlineurs de bébé

Les câlineurs de bébés suivent une éthique avec les bébés. Lorsqu’ils sont en compagnie des enfants, ils ont toujours ces mots en tête :

  • Distance juste avec le bébé.
  • Attention aux besoins du nourrisson.
  • Cœur ouvert.
  • Lien libre (non-attachement) avec l’enfant.