Développement de l'enfant
Question propreté, votre bambin n’est nulle part ? Vous vous demandez s’il va y arriver… si vous allez y arriver ? Si, pour lui, l’entrée à l’école est proche, l’acquisition de la propreté peut devenir une préoccupation stressante, voire obsédante, pour vous.
S’il fallait retenir une idée au sujet de la propreté, ce serait celle-ci pour Reine Vander Linden, psychologue clinicienne : « L’acquisition de la propreté est un processus naturel propre à l’enfant. Méfions-nous, parents, de nos propres peurs par rapport à cette question : elles peuvent créer un blocage chez l’enfant. Plus on craint que cela ne marche pas, plus il le sentira, et cela produira un "mystère" qui risque de l’empêcher de se laisser aller à cette chose naturelle. Car, pour comprendre ce "mystère", il jouera de son pouvoir là-dessus. Alors, faisons confiance à notre enfant et accompagnons-le dans cette aventure. Soyons relax. Et ne problématisons pas la question. » À se rappeler aussi : la propreté est le seul domaine où personne ne peut agir à la place de l’enfant. « On ne peut certainement pas le forcer à faire sortir ses urines ou ses selles ! » Devenir propre, c’est son truc à lui. « D’où l’utilité de réfléchir à comment faire pour que cela le reste ! »
Est-il prêt ?
L’acquisition de la propreté est une affaire de maturité neurophysiologique et psychique. Autrement dit, pour devenir propre, votre petit bout d’homme, de femme doit maîtriser ses sphincters et comprendre quand et comment laisser les urines et les selles sortir de son corps. Il accède à la propreté à son rythme et à sa façon. « Le contrôle que l’enfant exerce sur ses sphincters s’accompagne d’expériences nouvelles, commente Reine Vander Linden : sentir davantage ce qui se passe dans son corps, découvrir le fonctionnement de sa musculature, éprouver le soulagement de lâcher après s’être retenu. Il comprend aussi que décider de lâcher ou de garder ses urines et ses selles au moment adéquat ou pas a un effet sur son entourage : le décevoir, le ravir ou le faire enrager. Quel pouvoir il se découvre alors ! »
Sans doute avez-vous déjà acheté un petit pot. Votre petit s’habitue à l’objet. Il sait à quoi il sert, joue avec, s’assoit dessus (avant le bain, par exemple), même sans rien y faire. Pour le familiariser avec la propreté, vous pouvez lui lire des histoires sur le sujet. Des indices montrent qu’il est prêt. Il est capable de monter et descendre un escalier, et de s’accroupir. Il a une curiosité pour la chose, curiosité parfois teintée de peur… Il s’intéresse au contenu de son lange. Il dit « pipi » et « caca » après avoir fait pipi et caca. Il vous suit jusqu’aux toilettes et cherche à savoir ce que vous y laissez. Au fil des jours, les indices s’additionnent. Il tire sur son lange ou se tortille dès qu’il sent le besoin venir. Il vous signale qu’il a besoin d’aller sur le pot par des « pipi » et « caca », et ne dit plus seulement ces deux mots après coup. « Le fait de ressentir une gêne, de sentir quelque chose pousser à l’intérieur de son corps est la preuve d’une maturité neurophysiologique chez l’enfant. S’il est déjà un peu intéressé par la chose, cela va aller de soi », observe la psychologue. Même s’il avance en essayant, hésitant, essayant à nouveau, se ravisant… Un bon indicateur encore : un lange sec deux petites heures après l’avoir mis à l’enfant.
Parents et puéricultrices : en phase !
Quand l’enfant paraît mûr pour devenir propre, il vaut mieux que tous les adultes qui s’en occupent – parents, puéricultrices de la crèche, grands-parents – soient en phase. Car comment peut-il franchir le cap si, d’un côté, on abandonne les langes et l’invite à aller sur le pot et, de l’autre, on lui en met toujours ? Si votre petit bout fréquente une crèche, il voit d’autres bambins sur le pot : ça aussi titille son intérêt. Il devra se faire aux pratiques en cours dans le groupe : le petit pot proposé à tous systématiquement, le petit pot à la demande… Quoi qu’il en soit, créer un partenariat autour de cette question est important, insiste Reine Vander Linden. « Si parents et puéricultrices sont vraiment à l’écoute de l’intérêt de l’enfant pour la chose ("Nous, on sent qu’il est prêt, et vous ?"), ils ne risquent pas trop de se tromper. Puis, il s’agit de ne pas fléchir ! Et donc, d’envoyer à l’enfant le message : "On essaie. S’il y a un accident, ce n’est pas grave, on changera ta culotte. Tu y arriveras", plutôt que : "Écoute, c’est compliqué aujourd’hui, on te remet un lange". » Parce que, c’est sûr, il ne faut pas se mentir, cette période est un peu laborieuse : il faut fréquemment interrompre l’enfant dans son activité pour lui proposer le pot, gérer les ratés…
D’accord pour valoriser les productions de l’enfant – votre enthousiasme le rend fier –, mais sans en faire trop ni trop longtemps !
Vous recevez plein de conseils et d’avis ? N’oubliez pas : chaque accès à la propreté est particulier. Quelques points élémentaires, cependant. Presser l’enfant est contre-productif. Ne le brusquez pas, laissez-lui son tempo. « C’est un domaine où il a un pouvoir absolu. À partir du moment où on tente de le contraindre, on le prive d’une liberté d’autonomie et on entre dans un bras de fer. C’est à ce moment-là que cela capote ! Même résultat quand il perçoit des disparités entre adultes, alors qu’il cherche sa voie. » Bref, vous pouvez danser sur votre tête, cela ne sert à rien de faire du forcing. « Tout au plus, on peut dire à l’enfant : "Cela nous ferait plaisir que tu grandisses." » Mais ni le traiter de bébé s’il n’y arrive pas, ni le menacer. Ne pas lui faire miroiter des cadeaux non plus, « parce qu’on ne donne pas de cadeaux pour un processus naturel : est-ce qu’on reçoit un cadeau chaque fois qu’on va à la selle ? Non ! Faisons pareil avec l’enfant ! » Ensuite, d’accord pour valoriser les productions de l’enfant – votre enthousiasme le rend fier –, mais sans en faire trop ni trop longtemps « car cela deviendrait une attitude un peu tordue au bout d’un temps. Imagine-t-on que, sa vie durant, il demande à son entourage d’admirer ses selles ? » Autre point : faire pipi ou caca est un acte intime. « Il faut respecter l’intimité de l’enfant. Installer le pot au milieu du salon ou de la cuisine n’est pas la meilleure idée qui soit ! Ou alors, c’est la meilleure façon d’inhiber un enfant un peu pudique ! On place le pot dans un endroit discret. Nous-mêmes, ne ferme-t-on pas la porte quand on va aux toilettes ? Il n’y a pas de raison que petits et grands diffèrent là-dessus. » Et puis, bien sûr, veillez à ce que votre petit soit confortablement assis sur son pot, les pieds bien posés sur le sol. Vous pouvez aussi utiliser une planche de W.-C. adaptée et un marchepied. Mettez-lui des habits faciles à enlever. Autre évidence : l’été est propice à l’acquisition de la propreté (l’enfant est vêtu légèrement, il peut rester en culotte ou les fesses nues)… mais on ne choisit pas sa saison !
Grosses frayeurs
Que faire si votre petit est terrorisé par ses selles ? Comme s’il se vidait d’une partie de lui… « Il faut chercher à l’habituer doucement à la vue de ses selles, en lui expliquant comment elles se fabriquent et pourquoi elles doivent sortir. » Le fonctionnement de la toilette (avec le trou mystérieux, la chasse d’eau bruyante…) l’effraie ? « Cela vaut la peine d’éloigner un peu le petit pot du W.-C. menaçant, puis de l’habituer à ses selles qui partent quand même dans le trou du W.-C. » Une autre forme de peur peut le saisir à l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur. « La crainte de perdre l’attention des parents ou de se faire voler la place de petit amène certains enfants à régresser ou – plus subtil – à précisément garder la maîtrise en restant ou redevenant incontinents. Retarder de quelques semaines l’apprentissage de la propreté semble la solution la plus raisonnable pour éviter d’installer un bras de fer. »
Parallèlement à cette aventure de la propreté, votre petit développe un rapport particulier au sale et au propre : 2 ans-2 ans et demi, c’est en effet l’âge de la « miche popote ». Certains enfants ont du plaisir à mettre les mains dans la boue et à sauter dans les flaques. D’autres ne supportent pas d’avoir les mains souillées. Pourquoi ? « Mystère ! Cela reflète des particularités individuelles, qui n’ont pas nécessairement quelque chose à voir avec le style des parents. »
TÉMOIGNAGES
Les parents en parlent...
Besoin d’intimité
« Basile a passé le cap au cours de l’été, à un peu plus de 2 ans. Bien sûr, il y a encore des accidents. Et il y a toujours des moments où il porte un lange. Au début, on laissait le pot dans le salon, à portée de main. Mauvais plan ! Question de pudeur ou pas, Basile ne voulait pas faire pipi devant les autres. Là, le pot est dans la salle de bains. Je sens que Basile a besoin d’intimité. Voir l’attente des autres a quelque chose de stressant. C’est compliqué de se lâcher à la vue de tout le monde. Quand je parle d’intimité, c’est aussi dans le sens "Ça m’appartient" : "Il y a des choses qui sortent de moi et ça m’appartient." Cet été, en vacances, je m’assurais juste qu’il y avait des toilettes près de là où on était, histoire que Basile ne doive pas se lâcher à la plage. Maintenant, à la crèche, il n’a plus de couche, sauf pour la sieste. De retour à la maison, ça dépend. S’il a besoin de faire caca, je lui mets un lange : je ne veux pas qu’il se retienne et finisse par être constipé ! »
Alice, maman de Basile, 29 mois
Intéressé… par moments
« Adam a 26 mois. Par moments, il est intéressé par le petit pot ; par moments, non. "Maman caca", et il va faire caca sur le pot. Parfois, son "Maman caca" vient trop tard : il a déjà fait caca dans son lange. Idem pour le pipi : parfois, il fait un super pipi dans le pot ; parfois, sa couche est remplie de pipi. Parfois, il sent que cela vient ; parfois, tant pis, il laisse venir. Je pense qu’il commence à comprendre ce qui se passe dans son corps. Nous, on ne le brusque pas, il garde ses couches et on lui propose d’aller sur le pot le matin, au réveil, et le soir, avant d’aller dormir. »
Vanessa, maman d’Adam, 26 mois
EN PRATIQUE
À lire et relire avec lui
Parmi les nombreux livres jeunesse racontant l’acquisition de la propreté, quelques coups de cœur, dans des styles très différents… et toujours colorés d’humour. À lire avec les 2 ans et plus ; les quatre derniers titres concernent plus spécifiquement les 2 ans et demi-3 ans et plus.
- Le pot de Tom de Barbro Lindgren et Eva Eriksson (L’école des loisirs).
- L’âne Trotro. Zaza va sur son pot de Bénédicte Guettier (Gallimard Jeunesse).
- Moi je vais sur le pot de Jeanne Ashbé (Pastel/L’école des loisirs).
- J’y vais ! de Matthieu Maudet (L’école des loisirs).
- Gros pipi d’Émile Jadoul (Pastel/L’école des loisirs).
- Tout le monde y va ! d’Émile Jadoul (Casterman).
- Occupé de Matthieu Maudet (L’école des loisirs).
- Tout le monde fait caca ! de Rascal et Pascal Lemaître (Pastel/L’école des loisirs).
- Je veux mon p’tipot de Tony Ross (Gallimard Jeunesse).
- Non, pas le pot ! de Stephanie Blake (L’école des loisirs).
- De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête de Werner Holzwarth et Wolf Erlbruch (Milan).
ZOOM
À chaque enfant, son rythme… ses rythmes !
Dans leur pratique, les pédiatres abordent généralement la propreté avec les parents lors de la consultation des 24 mois, puis des 30 mois. De toute façon, la question se pose avant l’entrée en maternelle.
Si l’école est stricte sur ce point et que l’enfant n’est pas prêt, il est conseillé aux parents d’en parler avec le médecin de l’enfant. Il arrive que des médecins fassent un certificat médical pour permettre à un enfant de garder sa couche à l’école. Si l’école est cool et que l’enfant n’a pas encore acquis la propreté urinaire de jour, il ne faut pas se tracasser. L’enfant évolue à son rythme. Il suffit juste de le suivre. Et de ne pas se mettre des deadlines. Un jour ou l’autre, il sentira que sa vessie est prête pour uriner.
Les petites filles parviennent, en général, à la propreté urinaire de jour un peu plus tôt que les petits garçons. Les parents reçoivent souvent le message suivant : pour une petite fille, ne vous tracassez pas avant 2 ans et demi, et pour un petit garçon, pas avant 3 ans. À noter aussi : c’est à partir de 3 ans que les garçons apprennent à faire pipi debout.
La propreté anale s’acquiert, le plus souvent, après la propreté urinaire de jour. Par rapport aux selles, on ressent davantage un contexte chargé psychologiquement. Un enfant capable de maîtriser ses sphincters peut les garder pour différentes raisons. Il peut être ravi de voir l’intérêt familial se centrer sur ses selles et se découvrir un certain pouvoir. Ses parents sont parfois impuissants devant son refus de manger mais aussi devant son refus d’aller à la selle. Dans les deux cas, il provoque des discussions et des inquiétudes, et il est toujours gagnant. D’autres fois, symboliquement, il peut avoir peur de perdre une partie de son corps dans ses productions. Dans d’autres cas, si les selles sont dures, un cercle vicieux peut s’établir car avoir eu mal peut le freiner – d’où l’importance d’une alimentation équilibrée, avec des fibres. Enfin, d’autres causes peuvent expliquer un retard ou un retour de perte de contrôle des sphincters, comme la venue d’un petit frère ou d’une petite sœur, une hospitalisation, des difficultés familiales ou une intrusion des parents. Cette dernière possibilité concerne surtout des enfants de 3 ans et plus. Le médecin peut alors conseiller aux parents de consulter un psychologue pour un lâcher prise.
L’acquisition de la propreté nocturne survient, en général, peu après la propreté diurne. La majorité des enfants sont propres la nuit vers 3 ans. Mais il persiste encore 5 à 10 % des enfants qui, à 5 ans, n’ont pas acquis la propreté nocturne. Jusqu’à cet âge, le pipi au lit est considéré comme normal.
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