Société

Développer les déplacements collectifs d’enfants vers l’école

La dernière étude de la Ligue des familles s’est intéressée à la généralisation de déplacements collectifs d’enfants vers l’école et vers les activités

La dernière étude de la Ligue des familles s’est intéressée à la généralisation de déplacements collectifs d’enfants vers l’école et vers les activités sportives, artistiques, etc., dans le but d’améliorer la conciliation et la mobilité des familles. Pour que les parents et les enfants puissent y recourir, il faut une volonté politique forte mettant en place des moyens financiers et humains pour les organiser.

En 2019, 44% des familles sélectionnaient dans une de nos enquêtes « l’organisation de déplacements collectifs pour leurs enfants » comme une solution à leurs problèmes de mobilité quotidiens (Mobilité des parents : tais-toi et rame).
Mais qu’entend-on par « déplacements collectifs » ? Ce sont des déplacements de groupes d’enfants qui sont encadrés par des adultes (parents, professeur·es, animateurs/animatrices, gardien·nes de la paix, bénévoles…) un ou plusieurs jours par semaine. Pour quels trajets ? En général, pour accompagner les enfants de leur domicile à l’école et inversement ou pour leurs activités de loisirs (cours de musique, de sport…). Au quotidien, cela prend la forme de rang piétons/vélos, pédibus/vélobus, covoiturage…
C’est avec ce chiffre de 44% en tête que la Ligue des familles a voulu, avec le soutien d’Equal.brussels et de la Région de Bruxelles-Capitale, étudier leur généralisation (marche et vélo) en Région bruxelloise en rencontrant des communes, associations, parents qui le font déjà.

Une mise en place complexe et chronophage

Ce qui ressort de nos rencontres, c’est la complexité à organiser de tels déplacements. Ils demandent beaucoup de temps et d’énergie au moment de leur lancement, dans la gestion quotidienne et pour leur renouvellement d’année en année. Parmi la liste des tâches à réaliser, il faut recruter des accompagnateurs/accompagnatrices, faire connaitre le projet auprès des familles, établir les listes des enfants participants, identifier les trajets, gérer les imprévus au quotidien (mauvais temps/maladie d’un·e encadrant·e…). Et, chaque année, refaire une partie de ces tâches.
Mais l’une des difficultés récurrentes concerne l’accompagnement. Les accompagnateurs et accompagnatrices, peu importe leur statut, sont très souvent difficiles à recruter. En cause, des horaires coupés, difficiles à concilier avec une vie familiale, en extérieur, et une rémunération, quand celle-ci existe, qui n’est pas attrayante. Or, généraliser ces rangs dans les 492 écoles bruxelloises nécessiterait d’engager un grand nombre de personnes.
Les déplacements collectifs à vélo sont encore plus difficiles à généraliser hors temps scolaire. Il faut du matériel (vélo, casque, cadenas), s’assurer que les accompagnateurs et accompagnatrices soient formé·es et que des parkings vélos soient présents dans les écoles…
Malgré ces difficultés, certains acteurs volontaristes parviennent à faire fonctionner ces rangs depuis des années. Depuis 2004, la commune d’Evere propose des rangs depuis toutes ses écoles vers l’académie et le centre culturel l’Entrela’. Pour l’année scolaire 2023-2024, ce sont vingt-deux rangs qui se sont organisés, accompagnant 114 enfants. Les enfants sont encadrés par des personnes sous contrat via une Agence locale pour l’emploi (ALE) et par du personnel du centre culturel.
La commune de Jette a également mis en place onze rangs depuis trois écoles vers l’académie et un club sportif. En 2023-2024, 70 enfants étaient accompagnés chaque semaine par des bénévoles, des parents ou des professeur·es de l’académie.

Les généraliser : ambitieux, mais possible si la volonté politique y est

Généraliser les déplacements collectifs est donc un projet d’ampleur, qui n’est envisageable qu’à condition d’en faire une réelle priorité politique et de dégager des budgets en conséquence.
La Ligue des familles appelle à créer un poste de coordination rémunéré dans chaque commune. À Jette et Evere, deux communes où de tels rangs existent donc depuis plusieurs années, c’est grâce au travail des coordinatrices que les rangs se poursuivent d’année en année. Elles recrutent des accompagnateurs et accompagnatrices, font le lien entre les écoles et les académies de musique, gèrent les imprévus…
La Ligue des familles recommande également de débuter avec des rangs depuis l’école vers des activités de loisirs. D’une part, parce que la commune a déjà des liens avec les académies, le centre culturel ou sportif, ce qui peut faciliter leur mise en place. De plus, cela offre l’avantage de proposer des trajets identiques d’année en année entre les écoles et les lieux des activités, tandis que les trajets domicile-école sont bien plus complexes. Cela permet également de diminuer certaines difficultés liées aux recrutements : le travail a lieu l’après-midi, le temps de travail peut être allongé si les mêmes personnes assurent la garderie ou enchaînent plusieurs rangs. Ce temps d’accompagnement peut également être intégré dans le temps de travail des animateurs et animatrices de certaines activités.
Ce type de projet nécessite d’autres conditions pour se concrétiser et persister. Tou·tes nos interlocuteurs et interlocutrices nous ont fait part du besoin d’un financement pérenne, qui servirait essentiellement à payer les accompagnateurs et accompagnatrices ainsi que les coordinateurs et coordinatrices. Pour encourager les vélobus, il faut adapter et développer les infrastructures : parkings vélos en suffisance aux abords des écoles, des lieux d’activités extrascolaires ainsi qu’à proximité du domicile des familles, pistes cyclables sécurisées…
Développer les déplacements collectifs des enfants vers l’école et les activités extrascolaires est donc une mesure ambitieuse, car complexe et coûteuse. Les gains pour les parents et leurs enfants, mais aussi pour la mobilité et la qualité de l’air à Bruxelles, sont toutefois à la hauteur.

BON À SAVOIR

Les bénéfices des déplacements collectifs pour les familles

  • Ils allègent leurs problèmes de conciliation des temps et améliorent leur mobilité quotidienne
  • Ils facilitent particulièrement la conciliation des temps des familles monoparentales, puisqu’elles sont souvent seules à assurer les déplacements des enfants,
  • Ils contribuent à réduire les inégalités de genre dans les couples et améliorent l’accès au marché du travail des femmes, car ces dernières restent encore les principales responsables de la mobilité des enfants,
  • Ils habituent les enfants aux modes de déplacement actifs,
  • Ils réduisent les inégalités d’accès à l’éducation culturelle, sportive, etc., des enfants, car certains d’entre eux n’avaient personne pour les accompagner aux activités extrascolaires.

À Bruxelles, les courtes distances moyennes domicile-école des enfants rendent possibles de tels déplacements collectifs à pied ou à vélo : 73% des enfants de maternelle et 66% des enfants en primaire habitent à moins de deux kilomètres de l’école.