Développement de l'enfant

Dis, c'était comment quand tu étais petit ?

Quel plaisir d'écouter maman et papa mais aussi papy ou mamy qui racontent comment c'était quand ils étaient petits. Quel plaisir de feuilleter le vieil album familial : on se moque des lunettes « crapaud » de maman (alors à la mode !), des chignons comme des barbes à papa, on s’exclame devant les vieux trams… Les enfants ont parfois bien du mal à imaginer l'enfance de leurs parents.

Apprendre que les parents ont eu, eux aussi, des difficultés en classe ou avec des copains. Qu'ils ont fait des bêtises, se sont fait punir. Découvrir que les parents ont été petits, qu'ils ont joué, inventé des histoires et des constructions. Qu'ils avaient des amis, qu’ils aimaient les crèmes glacées et ont parfois été dans l'armoire à bonbons sans le demander. Tout cela fait un bien fou à nos préados !
Imaginer que, comme eux, les parents ont eu une vie de gosse avec ses bonheurs et ses malheurs, qu'ils ont grandi et sont devenus ce qu’ils sont, voilà qui est plutôt encourageant et qui donne une sacrée envie de voir plus loin. Surtout pour les enfants qui sont vite découragés, qui n'ont pas trop envie de grandir, qui restent à la traîne des autres.

Raconter ce qui a été difficile ?

En racontant leur enfance, les parents transmettent également les valeurs auxquelles ils tiennent. Ce que leurs propres parents leur ont transmis, ce qui les a aidés à grandir. Ils peuvent aussi parler de ce qu'ils n'ont pas envie de transmettre, ce qui a été trop dur pour eux et dont ils veulent protéger leurs enfants.
Prenez le sens de l'accueil, par exemple : il y a des familles où la porte est toujours ouverte, d'autres où il faut être invité pour pouvoir entrer. Enfant, on peut avoir vécu plus ou moins bien l’une ou l’autre façon de faire. Même chose pour l'éducation stricte ou laxiste, ou les repas transformés en moments de débats familiaux.
Mais c'est parfois plus délicat. Certains parents n'ont pas eu une enfance facile et ont grandi dans des conditions de vie pénibles. Il y a ceux qui ont connu des deuils, des séparations, trop vite survenus. Ceux aussi touchés par la maladie grave d’un papa, d’une maman, d’un tonton qu’ils adoraient. Ces événements ou moments douloureux restent des souvenirs qu'ils n'ont peut-être pas envie d'évoquer, qu’ils préfèrent encore aujourd’hui tenter d’oublier. Et ils pensent qu'ils protègent leurs enfants en ne leur en parlant pas.
En pensant bien faire, c'est parfois tout l'inverse qui se réalise. En effet, et on le dit souvent, les enfants sont de véritables éponges, ils ressentent la souffrance de leurs parents lorsqu'un événement ravive un passé douloureux. Les émotions du parent se communiquent à l'enfant. Il ne comprend pas pourquoi le parent n'est pas bien. Il se pose des questions, imagine, invente une réponse, pense qu'il est à l'origine du désarroi de son parent.
Ces non-dits du passé viennent envahir et polluer le présent, ce sont des fantômes dans les placards. Mais comment en parler ? S’il ne faut pas tout cacher des drames que nous avons vécus à nos enfants, il n’est pas question non plus de tout leur dire. Ce qui compte en fait, c’est de reconnaître les émotions qui nous habitent en lien avec ces événements passés et de bien faire comprendre aux enfants qu’ils n’en sont pas responsables.

Au temps du sans écran…

Nous avons tous besoin de connaître nos racines. Ces racines se trouvent dans l'histoire des parents, des grands-parents, dans l'histoire des familles. En entendant que, dans l’enfance de leurs parents, il n'y avait pas de GSM, pas de smartphones, ni de tablettes, les enfants se posent mille questions : « Comment faisiez-vous ? Vous deviez vous ennuyer ! ».
Voilà une bonne occasion de leur raconter les jeux d'alors, de leur dire qu'il y a mille façons de jouer : on s’amusait dans la rue avec les voisins, on inventait des tas de jeux dans le jardin, on passait des heures à bricoler ou à dessiner. Les écrans, c'est super, mais, parfois, c’est chronophage. On n'a plus le temps de passer à autre chose, de faire du vélo ou de participer à un jeu de société, plus le temps de créer. Pourquoi ne pas jouer avec eux à l'un ou l'autre jeu de « l'ancien temps » et montrer que le monde extérieur est un terrain de jeux quasi illimité.
Raconter, c’est bien, très bien même, mais il faut cependant éviter les « De mon temps... » moralisateurs ou nostalgiques. Les gens n'étaient pas meilleurs il y a vingt, trente ou cinquante ans. La vie était différente, avec ses difficultés et ses avantages. Les enfants vivent dans le temps présent, celui des progrès technologiques, du web, de la mondialisation. Bien sûr, nous sommes parfois un peu perdus face aux technologies nouvelles. Leur bon usage se construit au fur et à mesure des découvertes. Facebook, par exemple : après une phase d'enthousiasme devant toutes les possibilités que le réseau social offrait, est apparue la réalité des dérives possibles et les règles du bon usage ont suivi.
Nos enfants ont besoin d'être accompagnés dans l'utilisation des moyens de communication actuels. La meilleure manière de les protéger, ce n'est pas de les faire grandir à l'abri de tout, ni de leur dire que le monde est dangereux, mais au contraire de les aider à le découvrir petit à petit en fonction de leur âge et de leurs compétences.



Mireille Pauluis

En savoir +

Le psychiatre et psychanalyste français Serge Tisseron a beaucoup réfléchi et écrit sur les émotions qui nous submergent et qu’on ne peut pas cacher à nos enfants, sur les secrets de famille, sur l’impact des écrans sur les enfants.

À lire

  • Secrets de famille, mode d’emploi. Quand et comment faut-il en parler ? (Poche Marabout).
  • Coécrit avec Jean-François Bach, Olivier Houdé et Pierre Léna, L’enfant et les écrans. Un avis de l’Académie des sciences (Le Pommier).
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