Développement de l'enfant

Votre enfant grandit. Il est dans la frénésie de découvrir le monde. Il va encore vous réserver de belles surprises. Peut-être l’idée d’agrandir la famille, de vivre une nouvelle grossesse vous agite-t-elle ? Parler du désir d’enfant, c’est ouvrir ou plutôt tenter d’ouvrir la porte d’un mystère…
Personne n’a jamais vraiment pu définir toutes les variables qui entrent en ligne de compte dans la formation de cette aspiration si forte et tenace. Elle puise au plus profond de l’être humain, bien au-delà de la partie consciente, elle se colore dès l’enfance, elle s’ancre dans l’intimité du couple…
« C’était assez clair dans notre tête : dès le départ, on avait envie de plusieurs enfants, et dès le départ, on ne voulait pas un trop grand écart entre eux, mais on n’avait pas de timing précis – il faut dire que, pour notre grand, Émile, on était passés par une petite aide médicale, cela incite à ne rien planifier… On s’est mis à parler d’un deuxième vers les 8 mois d’Émile, et j’ai arrêté la pilule quand on s’est sentis prêts. Je ne me suis pas dit : "J’arrête la pilule, cela prendra sûrement du temps avant que je ne tombe enceinte et, à ce moment-là, on sera sans doute prêts." J’étais contente de prendre cette décision d’arrêter la pilule quand je me suis sentie prête pour un deuxième enfant », raconte Virginie. « J’ai toujours rêvé de deux enfants, mon compagnon, lui, en a toujours voulu trois, témoigne Cécile. J’ai plus vite eu envie d’un deuxième que lui. Le sujet n’était pas tabou entre nous, mais je ne voulais pas lui forcer la main. J’ai donc attendu qu’il revienne vers moi avec son désir de bébé. » Parfois, rien n’est réfléchi, c’est la grossesse surprise. « On n’avait rien prémédité, se souvient Lætitia. On voulait un deuxième enfant, mais c’était tellement le bonheur avec notre premier qu’on n’était pas pressés. Et puis, c’est le bébé qui a choisi de venir : cela m’a un peu déroutée… »
Un sale coup fait à l’aîné ?
Envie d’un deuxième enfant… ? Les questions se posent, multiples. Parmi elles, « il y a surtout celle de la trahison de l’aîné, observe Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Va-t-il supporter le bébé à venir ? Ne va-t-on pas le troubler ? Que faire s’il est jaloux ? Et comment protéger le deuxième de ce sentiment ? C’est sûr que l’arrivée d’un nouvel enfant va déstabiliser quelque chose dans l’existence de l’aîné. Mais, avec un frère ou une sœur, il pourra vivre la complicité, la jalousie, la rivalité, la solidarité, la compétition… autant d’expériences qui l’outilleront pour sa vie future. »
L’arrivée d’un nouvel enfant va aussi déstabiliser l’ensemble de la famille. « Des parents disent : "J’ai mon bonheur avec mon premier enfant et, donc, je ne vais pas risquer de le mettre en péril." Le premier enfant apparaît souvent comme une évidence : il est une forme d’accomplissement de soi et de son couple. Le deuxième s’apparente plus à une espèce de luxe ou à une prise de risques : risque qu’on soit débordés, qu’on n’y arrive pas financièrement, qu’on n’aime pas le deuxième aussi fort que le premier, que le deuxième soit plus difficile que le premier, qu’ils ne s’entendent pas en grandissant… » L’équilibre trouvé à trois – si estimable – sera à revoir, ça peut faire peur. « De toute façon, avec un enfant qui grandit, l’équilibre est à revoir continuellement, rappelle Reine Vander Linden. Il est à revoir quand il passe du "quatre pattes" à la position debout, et puis quand il passe de la crèche à l’école… Alors, c’est vrai qu’avec l’arrivée d’un deuxième enfant, la vague du changement sera très grande, mais l’enfant qui évolue entraîne immanquablement des transformations dans l’organisation quotidienne, dans les relations… »
Un déterminant : votre histoire perso
Déterminant important dans le désir d’enfant : votre histoire personnelle. « C’est souvent en fonction de cette histoire personnelle que l’envie d’un bébé est là ou qu’on ressent des freins : "C’était tellement merveilleux avec mes deux frères que je rêve d’avoir trois enfants" ou, au contraire, "Ce n’était pas très agréable avec mon frère et ma sœur, alors…". Si les décalages dans le couple sont trop grands, cela vaut la peine d’essayer de les comprendre, plutôt que de se lancer tête baissée dans une nouvelle grossesse… et puis de risquer de faire porter à l’enfant le poids de sa déception ou de sa frustration », insiste la psychologue.
Quand le désir d’enfant prend aux tripes, les contingences d’ordre matériel passent souvent à l’arrière-plan…
« Un écart de deux ans entre nos enfants, c’est bon, suggère Greg. Ça sera plus chouette pour eux car, comme cela, ils pourront jouer ensemble. Ça sera plus chouette pour nous car on pourra sortir des langes plus tôt. » À chaque couple son écart d’âge optimal ! « C’est ridicule de penser qu’il existerait un écart idéal, bon pour tous les parents, explique Reine Vander Linden. Le fait de vouloir deux ou plusieurs enfants, en convenant d’un écart de x mois ou de x ans entre eux, est éminemment lié à l’expérience personnelle. Une personne qui a souffert d’être trop éloignée de son aîné, de ne pas avoir eu de complicité avec lui ou d’avoir eu des parents qui géraient les choses très différemment selon les enfants, peut se dire : "Je veux que mes enfants soient rapprochés." Quelqu’un d’autre peut se dire : "Je veux que mes enfants soient rapprochés parce qu’il y a quatorze mois d’écart entre ma sœur et moi et que notre relation était formidable…" »
Et la psychologue de répéter : « Intéressez-vous à ce qu’a été votre fratrie : complicités et tensions entre enfants, écarts d’âge entre eux, régimes différents auxquels les uns et les autres étaient soumis et qui ont fait du bien ou qui ont fait souffrir… Et dites-vous qu’effectivement, une part importante de votre histoire passée d’enfant influence vos choix de parent. »
Faire un enfant, c’est toujours une aventure un peu folle…
Dans les familles recomposées, les questions se déploient, se vivent, se négocient différemment. Ainsi, les parents pourront-ils assumer un ixième enfant pour l’un et un deuxième pour l’autre ? Au sein des couples homosexuels aussi, d’autres questions se posent : par exemple, qui va porter le deuxième enfant ?
D’une façon générale, la décision d’une nouvelle grossesse devrait être une décision de couple, « pour le confort de l’enfant à venir », précise Reine Vander Linden. Très souvent, quand on se met à trop réfléchir, on peut trouver plein de raisons de ne pas se lancer dans une autre grossesse – la maison trop petite, le boulot qui accapare tellement déjà, la fatigue si présente… En même temps, quand le désir d’enfant prend aux tripes, les contingences d’ordre matériel passent souvent à l’arrière-plan…
Faire un enfant, c’est toujours une aventure un peu folle. Même si la première grossesse sert d’étalon à jauger la suivante, une grossesse n’est pas l’autre. Un enfant n’est pas l’autre. « Il faut vraiment éviter de coller l’histoire du premier enfant à celle du deuxième, conclut Reine Vander Linden. S’il y a des points de similitude en positif, tant mieux. Mais une nouvelle aventure se dessine, avec, pour les parents, une capacité à faire grandir un enfant déjà éprouvée : l’aventure n’en sera que plus agréable, puisque toutes les angoisses propres aux parents débutants auront déjà trouvé des réponses. »
L’AVIS DE L’EXPERTE
Un déséquilibre… précieux pour l’aîné
Reine Vander Linden, psychologue clinicienne
L’enfant qui voit arriver un frère ou une sœur dans la famille gagne certainement quelque chose. C’est un cadeau qu’on lui fait.
On va nécessairement mettre en déséquilibre cet enfant qui va devenir l’aîné, mais ce déséquilibre est précieux car il va l’amener sur un terrain d’expériences qui seront riches pour lui dans la suite de son histoire, de sa vie.
Il va ainsi se frotter à la jalousie, à la rivalité peut-être, il va pouvoir connaître la complicité et la solidarité, bref tout ce qui fait les relations dans une fratrie. Jalousie, rivalité, compétition, complicité, solidarité, partage… autant de dimensions présentes dans l’existence et qui auront déjà pu être testées, expérimentées, senties dans un espace protecteur et soutenant parce que la famille est en principe protectrice et soutenante. Cet espace est une école de vie.
Être un enfant unique, ce n’est ni bien ni pas bien, c’est comme ça. C’est une composante de son histoire personnelle. Mais il est évident que connaître les joies et les difficultés de la fratrie enrichit l’expérience.
LES PARENTS EN PARLENT…
Deux enfants au moins…
« Je viens d’une famille où ma sœur et moi, on était très complices, et on l’est toujours très fort. Donc, il n’est pas imaginable pour moi de ne pas avoir deux enfants au moins : j’aimerais tant que Sylvia puisse vivre une expérience semblable à celle que j’ai vécue. Mon compagnon, lui, est issu d’une famille nombreuse – ils étaient six frères et sœurs à la maison –, une famille tellement nombreuse que les enfants n’avaient pas de vraie place à eux, ils n’étaient jamais pris individuellement, l’attention de leurs parents était diluée dans la masse… Il n’a pas envie de faire vivre cela à Sylvia et aux autres enfants qu’on aurait ensemble. »
Juliette, maman de Sylvia, 13 mois
Se sentir en accord
« Mon compagnon est déjà bien servi avec ses trois filles dont une qu’on a eue ensemble. De mon côté, je rêve d’avoir deux enfants. On a envie de se lancer dans l’aventure de faire un deuxième enfant ensemble. C’est un fabuleux cadeau qu’il me fait, je le sais ! Il faut vraiment qu’on se sente bien accordés parce que nos différences au départ représentent quand même un certain risque de tensions… »
Rose, maman d’Alessia, 14 mois, et deux fois belle-mère
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