Santé et bien-être

« Que ton aliment soit ta première médecine », aurait déclaré Hippocrate, le père de tous les médecins. À l’heure où la célèbre revue scientifique The Lancet publie une étude qui démontre que l’obésité, la sous-alimentation et les dangers climatiques sont trois phénomènes qui interagissent. Retour sur le b-a ba d’une bonne alimentation de l’enfant dès les tout premiers mois.
Autour de 6 mois : la grande diversification
Ça n’a l’air de rien et pourtant cette étape qui se déroule idéalement entre 4 et 6 mois est une petite révolution. Une pomme, une carotte et voilà la diversification des aliments, socle de notre bien-être, qui est mise en place. Pour le tout-petit, c’est le grand saut face à la petite cuillère dure et froide qui, dans un premier temps, n’est pas très accueillante. Pour les parents, c’est le temps des grandes questions… et parfois de la grande panique. Patience…
Fruits ou légumes ?
- Tout dépend des modes. Fruits ou légumes ont les mêmes avantages. Seule restriction : on conseille de commencer par les légumes chez les bébés dont la maman a eu un diabète de grossesse.
- La règle : introduisez un légume à la fois que vous donnerez pendant plusieurs jours, agrémenté d’un peu de pomme de terre. N’oubliez pas d’ajouter un peu de matière grasse (beurre, huile d’olive ou colza). Il faut près de vingt contacts entre la langue et l’aliment pour développer chez l’enfant les papilles gustatives qui feront que plus tard il pourra apprécier une diversité d’aliments.
- Les légumes à 25 ou 30°C, comme le lait maternel, restent un avantage pour certains enfants qui y sont sensibles.
- Commencez par les fruits bien de chez nous - une pomme, une poire - et l’irremplaçable banane. Inutile d’épaissir la panade avec une farine biscuitée sauf si votre enfant est un petit poids. Les fruits exotiques ont longtemps été soupçonnés de provoquer des allergies. Le kiwi en particulier avec la présence de latex, très allergène. Mieux vaut attendre les 12 mois du bébé pour lui faire découvrir ces produits venus d’ailleurs.
Prêt pour la cuillère ?
Le passage à la cuillère est possible parce que bébé grandit et qu’il commence à bien maintenir sa tête droite, ce qui lui permet de déglutir correctement. C’est le pédiatre qui déterminera le moment exact de ce passage à la cuillère, selon la maturité neurologique de votre enfant. Le risque est qu’il avale de travers avec comme conséquence des problèmes pulmonaires.
Un coup d’eau ?
Entre 0 à 6 mois, l’eau représente les trois quarts du poids du corps du nourrisson. Ses besoins sont de l’ordre de 100 ml à 150 ml par kilo par jour et ce, jusqu’à ses 12 mois. Ils sont couverts par le lait maternel ou par les laits pour nourrissons préparés à l’aide d’eau très faiblement minéralisée. Bien qu’il y ait aussi de l’eau dans les légumes et les fruits, les diététiciens conseillent de présenter à l’enfant un fond d’eau dans un biberon après ses premiers repas solides.
6-18 mois : la découverte des textures
Encore du lait ?
À 6 mois, il faut réajuster le lait en passant à ce qu’on appelle le lait de suite qui contient plus de protéines, plus d’acides aminés et surtout plus de fer. Le nourrisson à sa naissance a des réserves de fer dans le foie qui couvrent ses six premiers mois. L’alimentation doit ensuite prendre le relais sauf si bébé est toujours au sein et jouit d’un fer de qualité bien absorbable.
La viande déjà ?
C’est avant la fin de ses 7 mois que le bébé découvre la viande, le poisson et les œufs, sources de protéines mais aussi de fer qui ne va plus lui être apporté en quantité suffisante malgré le lait de suite. C’est aussi vrai pour l’enfant allaité qui, malgré le fer bien absorbé, pourrait aussi souffrir de ce type de carence.
Au début, la quantité de viande est infinitésimale : 10 à 15 g par jour et pas un de plus. Le poisson est aussi le bienvenu. À partir de 12 mois, on augmente la quantité de viande ou de poisson de 10 g par année d’âge.
Du pain et des dents
Bébé a 9-10 mois et quelques dents ? C’est le moment de lui proposer du pain blanc pour éviter trop de fibres qui surchargent la fonction rénale. Si l’enfant a de bonnes dents prêtes à mordre, donnez-lui du pain avec la croûte pour le plus grand bonheur des stomatologues. Ces chirurgiens de la cavité buccale observent aujourd’hui que les enfants ont une musculation maxillaire moins importante que leurs aînés. Pour contrer le ramollissement de cette partie musculaire, ils encouragent vivement les parents à donner, dès que le petit le peut, des aliments dans lesquels il peut mordre. C’est aussi vers 1 an qu’on peut passer d’une purée à la texture bien lisse à un texture plus granuleuse.
18-36 mois : de cinq à quatre repas par jour
Le grand chambardement est derrière nous. Vient maintenant le développement du goût et de l’odorat, l’installation des bonnes habitudes et le passage de cinq à quatre repas par jour dès 18 mois.
De l’eau, rien que de l’eau ?
La grenadine dans l’eau ou le jus de fruit, c’est pour les grandes occasions. La fête de papy, l’anniversaire de la grande sœur… Mais, au jour le jour, quand votre petit a soif, donnez-lui de l’eau. On ne s’en rend pas toujours compte, mais un jus de fruit, c’est 400 calories par litre. Même à 1 an, le berlingot est vite enfilé et l’habitude de s’abreuver avec de telles boissons s’installe insidieusement.
Les jus et autres boissons sucrées, même si elles sont estampillées « sans sucres ajoutés », sont une des causes de surpoids des enfants dans nos régions. Favorisez la consommation de fruits sous leur forme entière plutôt que sous forme de jus.
De 3 à 12 ans : on mange comme les grands…
… ou presque. Seul interdit : les cacahuètes et les fruits secs jusqu’à 4 ans. Plus jeune, le système de déglutition n’a pas encore atteint tout à fait sa maturité et l’enfant risque d’avaler de travers le morceau de cacahuète qui se fiche parfois dans le poumon et provoque une infection.
Le 10h ou le goûter ?
Si l’enfant a pris son petit déjeuner fait de pain blanc ou demi-gris, beurré (l’enfant a besoin de graisses pour grandir !) avec confiture ou fromage, il est inutile de lui donner une collation qui peut être toxique pour les enfants en surpoids. Les nutritionnistes s’échinent à tenter de faire comprendre à l’école que si on fait manger l’enfant chaque fois qu’il a du temps libre, il va se dire : « J’ai du temps, je mange », alors qu’il vaudrait mieux qu’il pense : « J’ai du temps, je joue ou je bouge… ». Bravo aux écoles qui imposent une collation faite exclusivement de fruits ou proposent un bol de soupe !
Si on peut zapper sans souci le 10h, il ne faut pas sauter le goûter. C’est un repas important parce qu’à 16h, l’enfant a un vrai besoin d’apport énergétique. À défaut de pouvoir le faire à la maison, une tartine avec un petit bout de chocolat (c’est mieux que la pâte à tartiner !) ou de la confiture pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent à la garderie fera l’affaire. Biscuits et viennoiseries sont à éviter !
Et encore et toujours de l’eau ?
L’eau maintient l’enfant en bonne santé, elle lui permet aussi d’être attentif et de suivre convenablement la matière en classe. L’eau aide aussi à l’élimination des déchets (sueur, urines et selles) et joue un rôle important dans le contrôle de la température du corps. Ce précieux liquide représente les trois quarts du poids du corps (74 %) pour le nourrisson de 0 à 6 mois. Ce pourcentage décroît progressivement avec l’âge (65 % à 9 ans, 59 % pour les garçons et 56 % pour les filles à 12 ans).
Une perte en eau correspondant à 1 % du poids corporel affecte les performances physiques, la thermorégulation et l’appétit. Lorsqu’il s’agit de 2 %, la déshydratation affecte les fonctions cognitives comme la concentration, la mémoire. Au-delà de 4 %, l’enfant peut souffrir de céphalées, d’irritabilité, de somnolence, d’hyperactivité, de fièvre, de respiration trop rapide, de tachycardie.
Lorsque la perte dépasse 8 % du poids, des troubles de la conscience peuvent survenir, voire la mort. Le déficit chronique en eau peut induire des infections urinaires et des calculs rénaux, mais aussi un risque plus important de constipation.
12 ans et + : dormir et bouger plus
Le système alimentaire n’est pas le seul à être dénoncé dans l’article du Lancet. Si ce dernier est responsable des pandémies d’obésité et des émissions de gaz à effet de serre, « nos systèmes de transport dominés par la voiture, développe encore le Lancet, favorisent un mode de vie sédentaire tout en générant de 14 à 25 % des émissions de gaz à effet de serre ». Les ados, geeks à leurs heures et souvent conduits en voiture à l’école, sont les premières victimes de cet immobilisme. L’OMS recommande d’ailleurs de bouger – marcher, c’est bouger ! - au moins une heure par jour. Bon, d’accord, à cet âge-là, on n’a plus grand-chose à leur dire encore que…
Le pain fait grossir ?
Au fil de leurs consultations, des nutritionnistes ont constaté que l’ado qui ne mange pas assez de pain a davantage envie de sucreries. Alors, encouragez votre jeune fille, qui a particulièrement peur de perdre la ligne, à manger davantage de tartines, à se concocter un goûter si cette halte prend sa place dans son agenda chargé. Mieux vaut choisir du pain gris, riche en fibres alimentaires (le car-wash de notre organisme !) que du pain blanc.
Le sommeil
L’impact d’un mauvais sommeil sur le surpoids est important. Des chercheurs ont pu démontrer qu’après six jours de moins de six heures de sommeil chez l’adulte, on observe déjà une modification de la sécrétion de deux hormones, la leptine (qui nous indique quand on a assez mangé) et la ghréline (qui stimule notre envie de manger). À la fin des six jours, les adultes observés ont plus de ghréline et moins de leptine. Cette étude a été aussi réalisée sur des enfants qui, comme pour les adultes, ont normalement faim s’ils ont eu leurs heures de sommeil et ont une forte envie de grignoter quelque chose s’ils en manquent, histoire de se remettre en route. Accroché jusqu’au milieu de la nuit à son écran (ou ses écrans !), l’ado manque généralement de sommeil, d’où son manque d’appétit au petit matin. Conséquence : il escamote le petit déjeuner. On ne s’en rend pas compte, mais dormir tard déséquilibre le schéma alimentaire.
EN PRATIQUE
Des lettres et des couleurs pour un caddy sain
En août 2018, Maggie de Block, alors ministre de la Santé, suivait l’exemple français en demandant aux industriels de l’agro-alimentaire et distributeurs d’afficher sur leurs produits le Nutri-Score, une échelle de valeurs qui indique la valeur nutritionnelle d’un aliment. Elle tient compte des quantités de fibres, protéines, fruits, légumes et noix ainsi que les variables à plutôt limiter : les kilocalories, les acides gras saturés, les sucres et le sel. Cette échelle concerne les aliments transformés et les boissons non alcoolisées.
Le consommateur peut, d’un seul coup d’œil, juger si le produit désiré est estampillé vert (contenant donc les paramètres à favoriser). Mais que fait-on du bout de chocolat qui risque d’être marqué d’un rouge vif puisqu’il rassemble tous les éléments négatifs ? Nutri-Score offre une indication générale, mais ne nous dispense pas d’être attentif à une assiette équilibrée : légumes, viande et féculents.
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