Développement de l'enfant

Faire équipe autour du bébé

À la naissance de votre bébé, comment votre duo parental fonctionne-t-il et sur quels appuis pouvez-vous compter ?

« Quand Victor est né, j’étais en salle de césarienne. C’est mon compagnon qui l’a pris dans les bras. Il y a eu un déclic magique à ce moment-là. Je n’aurais jamais imaginé qu’il s’engagerait autant vis-à-vis de son fils. Il a été piqué par le virus de la paternité. Il est hyper-présent maintenant. Ça a été une belle découverte pour moi », retient Cécilia, la maman du petit Victor. Et chez vous, comment fonctionne le duo parental ? Sur quels appuis pouvez-vous compter ?

Des études scientifiques le montrent : « Les hommes déjà engagés au moment de la grossesse de leur compagne continuent à l’être après, et cette implication est durable. Par contre, ceux qui n’ont pas mis la main à la pâte et ont poursuivi leur vie comme si de rien n’était lors de la grossesse ont beaucoup plus de mal à être dans un partenariat de couple à la naissance de leur bébé », résume Reine Vander Linden, psychologue en périnatalité.
Maintenant que votre bébé a 1 mois et réclame un « maternage » intensif (il a besoin d’une présence attentive et protectrice…), comment concevez-vous les choses ? Comment le papa (ou le co-parent) voit-il son rôle ? Quelle place prend-il ? Des papas et des mamans témoignent. Sur le vif ! « Les deux parents doivent prendre le rythme de l’enfant. La maman s’en occupe toute la journée. Moi, je travaille toute la journée. En fait, on compare des pommes et des poires ! Les deux parents doivent composer avec le bébé. Mais, comme au début la maman passe plus de temps avec lui, elle sait mieux et fait plus », résume Simon, fraîchement papa. Logique !

Papa, où t’es ?

Il y a des papas qu’on n’aurait pas pensé être actifs auprès de leur tout petit bébé. Et puis, les circonstances de l’accouchement (une césarienne, par exemple) ont fait qu’ils ont dû l’être malgré eux, tout de suite. Tout se passe comme s’ils en gardaient l’empreinte… Surprise totale !
Certains papas sont proches de leur bébé indépendamment d’un contexte particulier. Ils lui donnent le bain, le changent et l’habillent sans aucune crainte, ils libèrent naturellement du temps pour la consultation ONE ou la visite chez le pédiatre. S’ils sont pères pour la première fois, c’est comme s’ils avaient déjà eu des enfants !
D’autres se révèlent avec des traits forcés : « Avec Louison, je retrouve Julien comme il est d’habitude mais en pire. C’est un grand stressé : dès qu’il tousse, il s’inquiète. Avec Louison, c’est pareil, c’est juste plus fort », rit Sonia.
La caricature n’est pas loin : « Le papa est plus vite débordé, observe Clémentine. Cas classique : "Je n’ai pas pu faire la lessive, j’ai dû garder Maya." Mais, s’il l’a faite, la lessive, il doit le souligner : "T’as remarqué ? J’ai fait une lessive…" »

Aujourd’hui, c’est déjà demain

Portrait fréquent aussi : les mères qui gardent la mainmise sur les soins parce que, quand le papa change le bébé, le lange est mal mis ou, quand il lui enfile sa grenouillère, elle est mal boutonnée. Du coup, elles préfèrent tout faire elles-mêmes. Pour le confort du bébé, assurent-elles ! Mais si elles ne laissent pas une place au papa, se sentiront-elles plus tard le droit de râler devant son manque d’implication ?
Si beaucoup de femmes font équipe avec leur partenaire, certaines ne se reposent pas sur l’autre parent… parce qu’il est comme il est : « Je n’y pense même pas. »
Pas mal de femmes ont un bébé seules. Se disent-elles alors qu’un homme (ou une partenaire) à leurs côtés les aiderait ou pensent-elles, au contraire, qu’elles ont le champ libre pour être le parent dont elles rêvent ? Être le parent dont on rêve est aussi un rêve parce que s’occuper d’un bébé demande des relais pour rester serein et qu’avec la fatigue, le rêve peut tourner à l’aigre.
Quel que soit leur « statut » (en couple, parent solo, couple hétéro, couple homo), « beaucoup de parents pensent qu’ils doivent fonctionner seuls. Or, la naissance – comme la mort, d’ailleurs – appelle à la solidarité. Ces deux événements aux deux extrémités de la vie impliquent nécessairement de ne pas être seul(e), de se sentir entouré(e), et de pouvoir parler, partager ce qu’on vit, même si les autres autour de soi le vivent également. Il n’y a pas de honte à rechercher des appuis », insiste Reine Vander Linden.

L'AVIS DE L'EXPERT

2 parents + 1 bébé : les avantages à être 3

Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal aux Cliniques universitaires UCLouvain-Saint-Luc (Bruxelles)

Ceux qui ont la chance de fonctionner en équipe parentale sont mieux équipés en appuis.

  • Comme maman, on soutient mieux son bébé lorsqu’on est soi-même soutenue. Sa propre mère, une amie, un professionnel peuvent constituer des alternatives, mais ce n’est pas la même chose qu’un compagnon, une compagne coresponsable au quotidien.
  • À deux, on dispose d’une liberté plus grande pour se répartir le temps des occupations professionnelles et les tâches parentales selon les motivations et possibilités de chacun.
  • Les innombrables décisions, qui vont du « Est-ce qu’on le change maintenant ou tout à l’heure ? » au « Tu es O.K. avec cette crèche ? », sont moins lourdes à prendre à deux.
  • Avec deux parents, le bébé se frotte à deux façons d’être, deux façons de faire à partir desquelles il apprend les variations entre les humains. Avec un couple de parents hétéros, il est aussi confronté à deux styles dont le contraste est à la base de sa première découverte de la différence des sexes : le contact « papa » n’est pas le même que le contact « maman ».
  • S’il suffit d’être deux pour s’attacher, il faut être trois pour se développer, s’ouvrir au monde et réaliser qu’on n’est pas tout pour celle avec laquelle on est en fusion dans les premiers temps de la vie. Un papa (ou un co-parent), c’est quelqu’un qui apporte de l’air dans la bulle mère-bébé…
  • Un parent seul et un enfant répètent leurs attitudes de façon plus stéréotypée qu’en présence d’un troisième larron. Que fait le papa (ou le co-parent) lorsque la maman et son bébé sont en grande « conversation » ? Comment chacun réaménage-t-il sa place en fonction des liens entre les deux autres ? Etc. Ces triangles sont sources de conflits mais aussi de ressources créatives pour y faire face.

LES PARENTS EN PARLENT…

Après la fierté, la lassitude ?
« Quand Émilie est née, son papa a découvert la joie et la fierté d’être papa. Au bout de quelques semaines, la fierté était toujours là, mais il ne se sentait plus aussi impliqué, il s’en est détaché. S’en lassait-il ? Fatalement, il ne pouvait pas lui donner le sein, les échanges entre eux étaient plus limités qu’entre elle et moi. Il trouvait que le bébé prenait trop de place et qu’il n’y avait plus de place pour lui. »
Kate, maman d’Émilie

Déni de paternité
« Quand mon fils est né, j’ai fait un déni de paternité. Je ne m’occupais pas de lui comme il le fallait. J’avais envie de m’impliquer en tant que papa, mais j’avais du mal à le faire. En fait, je ne prenais que les bons moments avec lui. Je déchargeais le reste sur ma compagne qui était déjà surchargée et super fatiguée. J’étais focalisé sur "mes" priorités. C’est horrible à dire, mais mon enfant passait au second plan. »
Luan, papa de Tom

« Je fais les choses au feeling »
« Les premières semaines ont été hyper dures. On ne dormait pas beaucoup, la petite avait des coliques, elle pleurait tout le temps. On recevait plein d’avis différents. On était fort démunis. Heureusement, ma belle-mère est pédiatre et cela nous a aidés. Mais cela restait hyper dur. Ma fille pleurait tellement qu’il m’est arrivé de la mettre dans son berceau et de changer de pièce pendant cinq minutes : j’étais à bout de nerfs. Je ne me suis jamais imaginé papa, je n’avais pas ce rêve. Pour ma copine, par contre, fonder une famille, c’était un rêve. Quand la petite est arrivée, j’ai bien sûr ressenti quelque chose : le lien se crée, en fait, naturellement. J’essaie de faire le mieux que je peux. Je n’ai pas de schéma précis, je fais les choses au feeling. »
Marius, papa de Valentine

Faire de son mieux, simplement
« On vit des expériences différentes quand c’est son premier, son deuxième ou son troisième enfant. Avec un premier bébé, la découverte est totale. Entre parents, il s’agit de coopérer pour prendre soin de lui. La place du papa est super importante, mais la maman reste en première ligne. On a des rôles complémentaires. En tant que papa, je faisais attention aux besoins de Louisa et à ceux de sa maman, ça demandait de l’écoute entre nous. Avec un deuxième enfant, il y a moins cet aspect découverte. On se demande surtout comment on va pouvoir donner de l’attention à deux enfants à la fois. Il faut trouver un nouvel équilibre au sein du couple. Et on fait équipe avec l’enfant plus grand. C’était agréable pour moi car Louisa comprenait que je devais aussi m’occuper de son frère Charly. Le fait que la maman puisse se reposer sur le papa, c’est bon pour toute la famille ! Et quand le troisième arrive ? Deux grands avec leurs besoins spécifiques et un nourrisson aux exigences énormes, ça demande une coopération encore plus soutenue entre les parents. D’autant plus qu’on est sur les rotules et qu’on a du mal à récupérer. Pour le moment, Lauriane et moi, on fait le point tous les jours : comment garder un cadre de vie agréable pour tout le monde ? Maintenant que Félicien est là, je suis aussi moins exigeant avec moi-même. Lauriane me dit : "C’est bien d’avoir un modèle de perfection en tête, mais on peut juste faire de notre mieux." »
Damien, papa de Louisa, Charly et Félicien