Loisirs et culture
L'ARCHIVE DU LIGUEUR
Dans la dernière fournée des archives du Ligueur, nous évoquions l’intrusion d’internet au cœur des familles à l’aube des années 2000. En 1953, c’est une autre évolution technologique qui fait parler d’elle, la télévision. Sous le titre Splendeurs et dangers de la télévision, Léon Thoorens se penche sur la petite lucarne et les répercussions qu’elle pourrait avoir au quotidien. Le journaliste a été interpellé par le témoignage d’un ami revenu des États-Unis. Ce qui l’a le plus irrité, c’est le poste de télé érigé en tant que marqueur social. Il l’exprime avec un peu d’ironie : « Ne pas avoir son poste de TV, aux USA, est, dès à présent, un signe de pauvreté, ce qui est grave, ou l’indice d’un esprit rétrograde, adversaire du progrès, ce qui est encore plus grave ».
Dans son papier, Léon Thoorens se veut particulièrement équilibré. Ce n’est pas un procès à charge, loin de là. Même s’il évoque avec un certain humour prophétique, les dérives publicitaires à venir, « ensuite c’est l’heure du western offerte par les révolvers à eau Vlan ». Même s’il met en garde contre l’addiction, en imaginant « le petit Johnie qui aura trois bonnes heures de TV dans les yeux, dans le cerveau et sur les nerfs », l’auteur veut rester positif.
« Le poste de radio est un merveilleux instrument de connaissance, d’information d’instruction et de culture – quand on sait s’en servir. Le poste de télévision sera un instrument plus merveilleux encore ». Voilà ce qu’affirme cette plume du Ligueur, même s’il ajoute que cette arrivée lui fait « un peu peur ».
Comme pour exorciser sa crainte, il lance des pistes de réflexions. « Pourquoi, au lieu du silence, quand ce n’est pas la condamnation globale, méprisante, et bien entendu sans effet, n’y aurait-il pas dans toutes les écoles, des cours adaptés à l’âge et aux spécialisations, de cinéma, de radio et demain de télévision. (…) Il faudrait qu’on donne aux enfants les réflexes critiques en ces matières comme en matière d’art et de littérature ».
Pour Léon Thoorens, l’enjeu est vital : « Les techniques nouvelles de diffusion, dont l’extension est irrésistible, nous menacent d’abrutissement général et collectif. Il faut se défendre ». Et voilà, l’idée d’une vraie « éducation aux médias » lancée il y a septante dans les pages du Ligueur.
Pour la petite histoire, avec le temps, Léon Thoorens s’intéressera de plus en plus à la télévision au point de s’ériger en expert. Dans le Ligueur, mais aussi dans la Revue générale et au Soir. Son investissement sera tel qu’il participera à la création de l’Union des Critiques de Radio et de Télévision dont il deviendra le président. Plus tard, son nom sera même accolé à un prix récompensant un créateur ou une émission. Son décès survenu en 1975 a particulièrement secoué la rédaction du Ligueur. Non seulement cette mort était prématurée (Léon Thoorens n’avait que 54 ans), mais en plus elle est survenue brutalement à la sortie d’une réunion des chroniqueurs du magazine.
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