Santé et bien-être

Nos enfants sont des éponges. Crise économique et énergétique, écoanxiété, sécheresses et inondations, guerre sur le continent européen… : les parents encaissent pas mal ces derniers mois et les enfants héritent de leurs angoisses et stress. D’où la volonté d’apporter des solutions pour tenter de mieux affronter cette période anxiogène.
Interpellées par le phénomène, un duo de mamans chercheuses en sciences psychologiques, Valérie Dormal, de l’UCLouvain, et Sandrine Mejias, professeure de psychologie à l’Université de Lille, ont pris le problème à bras-le-corps avec, pour objectif, de proposer une solution concrète, à portée des parents. Elles sont parties d’un constat sans appel que nous rappelle Valérie Dormal.
« Selon un rapport de l’Unicef datant de 2014, deux tiers des enfants âgés entre 6 et 18 ans sont confrontés à un épisode significatif de stress durant leur enfance. Parmi ceux-ci, plus d’un enfant sur trois est en souffrance psychologique et éprouve de façon significative des sentiments d'anxiété et de stress qui l'amènent à consulter des professionnels de la santé. »
Entretemps, la pandémie est venue amplifier cet inquiétant phénomène. Si des parents et des enseignant·es ont pu le constater dans leur quotidien, des recherches récentes ont fait état d’une augmentation des niveaux de stress et d’anxiété chez les plus jeunes. « 34% des adolescent·es ont été concerné·es par des difficultés socio-émotionnelles durant le confinement », précise Valérie Dormal. Avec quelques hypothèses sur les causes du phénomène.
« La société est de plus en plus dans la performance et dans la pression, explique la chargée de recherche à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain. L’augmentation du burn out parental, lié notamment à ce souci de perfection, n’arrange rien. Le stress des adultes se transfère malheureusement aux enfants qui en font les frais, plus particulièrement dans notre région d’Europe. »
Et l’avenir n’offre guère de perspectives encourageantes. À défaut de changer dans l’immédiat les réalités du monde actuel, les deux mamans chercheuses ont voulu trouver des pistes pour apprendre aux plus jeunes à mieux appréhender et vivre leur stress face aux différentes sphères de leur vie quotidienne : l’école, la famille, le sport, les réseaux sociaux, etc.
« Respire, il faut que tu respires »
S’appuyant sur des exercices de cohérence cardiaque (dit plus simplement, des exercices de respiration pour synchroniser la respiration et les battements du cœur) et du biofeedback, un terme barbare pour désigner la capacité de visualiser l’évolution de son état de bien-être en direct, Valérie Dormal et Sandrine Mejias ont imaginé un outil simple, ergonomique et efficace, conçu pour tenir dans la paume des enfants de plus de 5 ans ou des adolescent·es.
En gros, il a l’aspect d’un galet ou d'une souris d’ordinateur, dont les prototypes ont été réalisés avec trois partenaires en synergie : Quimesis pour le développement électronique, IOL Strategic Design pour la forme et l'ergonomie, et Epic pour l’identité visuelle et la création de l'application. Le nom de ce dispositif ? Focus.
Il s’adresse aux enfants et les aide, d’une part, à mieux comprendre leur fonctionnement corporel et émotionnel et, d’autre part, à contrôler au mieux leur stress, à gérer leurs émotions et à canaliser leur énergie. Il apprend ainsi aux plus jeunes à se détendre sans se casser la tête, ni s’inscrire à des séances de méditation et de yoga qui peuvent être prenantes (sans dénigrer leur bien-fondé au demeurant). Comme le chante Mickey 3D, « il faut que tu respires, et ça, c’est rien de le dire ».
Avec Focus, en seulement cinq minutes, l'enfant peut se sentir plus détendu, moins stressé, plus concentré
Concrètement, l'enfant va prendre le dispositif en main et placer son doigt sur le capteur de fréquence cardiaque. En suivant le changement d'intensité de la lumière et de vibration du dispositif, il va pouvoir suivre un rythme défini d’inspiration et d’expiration pour atteindre idéalement six respirations par minute. En même temps qu'il respire, la jauge centrale va fluctuer en fonction de son niveau de variabilité cardiaque, reflétant son niveau de bien-être, mesuré grâce au capteur. L’enfant peut ainsi réaliser sa séance d'exercice en toute autonomie, où et quand il le souhaite, pour le rendre acteur de son bien-être. Un aspect important aux yeux des chercheuses.
En seulement cinq minutes, l’enfant va se sentir plus détendu, moins stressé, plus concentré. Ce que des tests de validation scientifique impliquant plus de 600 enfants et des adolescents ont permis de confirmer. Et parmi ceux-ci, certains présentant des troubles anxieux, de l’attention, du spectre de l’autisme ou de l’apprentissage, comme des dyscalculies.
« Au niveau physiologique, on peut observer une diminution significative de la fréquence cardiaque moyenne, explique Valérie Dormal. Les améliorations psychologiques rapportées par les participant·es sont un niveau de stress et d’agitation perçu comme moins élevé après avoir utilisé Focus. Enfin, de meilleures performances ont été observées dans deux tests cognitifs mesurant spécifiquement les capacités attentionnelles et de concentration des enfants. »
Avec Kayou et Mio
Focus, c'est d’abord un objet déconnecté qui se suffit à lui-même, mais c’est aussi tout un univers ludique et imagé que l'enfant, accompagné d'un de ses parents, pourra retrouver dans une application mobile. Avec deux compagnons, les mascottes Kayou le renard et Mio l’oiseau, il pourra suivre sa progression, recevoir des conseils personnalisés, et même gagner des petites récompenses en fonction de ses efforts.
« Notre objectif est d’arriver à une utilisation régulière de l’outil par l’enfant afin d’en renforcer les effets bénéfiques, mais aussi de permettre aux parents et aux professionnel·les de la santé d’avoir un suivi de l’utilisation du dispositif avec un système de journal de bord qui leur permet d’accompagner l'enfant. L’application permet également de paramétrer le dispositif en réglant la durée de l’exercice et le rythme de la respiration. »
Pour financer la production de leur outil, Valérie Dormal et Sandrine Mejias ont bénéficié dans un premier temps d’un programme First Spin-Off (FSO) de la Région wallonne, qui permet de valoriser les résultats d’un projet de recherche dans quelque chose de concret, et lancé ensuite une campagne de financement participatif. À sa clôture, celle-ci a permis de précommander le dispositif et de le vendre au prix promotionnel de 89€. Les premières livraisons ont eu lieu en juin 2022. L’objectif ultime est de pouvoir lancer de nouvelle production et idéalement de créer une start-up Focus, portée par un·e candidat·e entrepreneur·e. Le besoin est là, la demande est là. Plus d’infos sur focus-kids.app ou via info@focus-kids.app.
EN SAVOIR +
3/6/5
L’aide proposée par Focus s’inspire d’une méthode appelée 3/6/5. Comprenez 3 fois par jour, respirer 6 cycles par minute pendant 5 minutes. Un processus défini comme optimal par de nombreuses études pour obtenir les meilleurs bénéfices dans le temps au niveau de la cohérence cardiaque. Or celle-ci amène la sécrétion d’hormones et de neurotransmetteurs qui génèrent un état de calme, d’apaisement et, du coup, améliore les capacités cognitives et de concentration.
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