Développement de l'enfant

Au chapitre des pleurs, nous n’allons pas vous parler, maintenant que votre bébé a 6 mois, des pleurs dus à la couche sale ou au ventre affamé, par exemple : vous les (re)connaissez bien, et vous gérez ! Les pleurs restent, pour votre bébé, un moyen d’expression important. À 6 mois, vous pouvez être en butte à des pleurs différents de sa part. Aide au décryptage avec Emmanuelle Kadz, pédiatre à Bruxelles.
« Les pleurs ne sont, en général, pas un motif de consultation à 6 mois, parce que, normalement, on est dans une vitesse de croisière à ce moment-là », explique d’emblée Emmanuelle Kadz.
Alors, comme ça roule avec un bébé de 6 mois, on fera d’autant plus attention à des pleurs inopinés, isolés, uniques, qui surgissent comme « un coup de tonnerre dans un ciel serein » : le bébé pleure d’un coup, plus longtemps que d’habitude et il est difficile de le calmer…
Écarter l’éventualité d’une maladie
« Première chose à faire alors : s’assurer qu’il n’y a pas de cause pathologique. Les pleurs peuvent en effet être le symptôme que le bébé ne va pas bien, ils peuvent annoncer une maladie. À vérifier : sa couleur est-elle comme d’habitude ? A-t-il mangé comme d’habitude ? A-t-il fait pipi et caca comme d’habitude ? Interagit-il avec vous comme d’habitude ? Ou est-il plus mou, plus irritable ? A-t-il de la fièvre ? A-t-il vomi ?… Répondre à ces quelques questions permet d’écarter l’éventualité d’une maladie. » Une otite, par exemple, peut produire des pleurs redoutables, surtout dans la position couchée. Et si un petit a une bronchiolite, il pleure en plus d’avoir une respiration et un appétit inhabituels et de devenir pâle.
Quelque chose a changé dans le train-train
Vers 6 mois, votre bébé dort le plus souvent dans sa chambre. Son sommeil se stabilise en général… ou alors, cela fait un bail que vous n’avez plus profité d’une soirée apaisante ! Parfois aussi, depuis plusieurs jours, le coucher s’accompagne systématiquement de pleurs et votre bébé ne s’endort plus du tout facilement. Bien sûr, le réconforter est essentiel. Et il ne sert à rien de le laisser hurler des heures dans son lit. Il est aussi bon d’interroger le contexte dans lequel ces pleurs apparaissent. « Y a-t-il eu récemment un brusque changement dans la vie de l’enfant, comme une entrée en crèche ? Est-ce que, d’un coup, ses rythmes ont été bousculés et ses lieux de vie habituels ont changé ? Si c’est le cas, cet enfant montre très probablement que quelque chose le dérange dans la nouvelle organisation de sa vie, qu’il doit retrouver des repères, qu’il a besoin qu’on lui réexplique certaines règles, celles du coucher notamment. Un changement de vie peut produire des pleurs et faire perdre des acquis », dit la pédiatre. Pourquoi les pleurs se manifestent-ils surtout à l’heure du coucher ? Peut-être parce que le bébé est justement avec ses parents à ce moment-là, peut-être parce que la maman qui a repris le travail et est frustrée de ne pas s’occuper assez de lui en fait alors des tonnes pour compenser, peut-être parce qu’en fin de journée, le stress est à son comble pour tout le monde…
Le réflexe biberon ?
« Rien de grave là-dedans, on est d’accord, rassure Emmanuelle Kadz. Mais si des parents viennent avec leur bébé de 6 mois en consultation parce qu’il s’est remis à pleurer toutes les nuits et qu’ils m’expliquent qu’ils lui redonnent un biberon la nuit, je réagis. Si les nuits deviennent ou redeviennent systématiquement difficiles, il y a un réajustement à faire. Les parents croient que l’enfant boit son biberon parce qu’il en a besoin pour "survivre" et qu’il a faim. Or, la plupart du temps, c’est faux. Souvent, ce biberon est donné parce que les parents sont fatigués, qu’ils n’en peuvent plus et qu’effectivement, donner un biberon, c’est facile ! »

« Parlez de tout cela au sein de votre couple, entre parents. Parce que si l’un lutte pour que l’enfant soit autonome pour son sommeil et que l’autre casse de tels efforts, cela ne marchera pas. C’est vraiment un temps où il faut faire équipe »
Et la pédiatre de développer : « Lorsque des parents m’expliquent que, la nuit, leur bébé reçoit encore un biberon, je leur demande si cela leur convient. S’ils répondent oui, pas de souci ! Qui suis-je pour leur enlever ce plaisir ? Du moment que l’enfant dort en sécurité, sur le dos. Plus globalement, si les parents sont heureux d’avoir, la nuit, des moments privilégiés avec leur bébé, qu’ils le vivent bien et que l’enfant finit par être autonome pour trouver et retrouver le sommeil, je n’y vois aucun inconvénient. Mais trop de parents se transforment en esclaves de leur enfant et fracassent leurs nuits – et leur couple – sous prétexte qu’ils veulent lui offrir le meilleur et parce qu’ils vivent chacun de ses pleurs, chacune de ses frustrations comme insoutenable. Ces parents se retrouvent épuisés, et parce qu’ils sont épuisés, ils tolèrent de moins en moins de choses avec le temps. Ce n’est pas pour rien qu’on parle tant de burn-out parental… Ce qui importe, c’est vraiment que la triade papa-maman-bébé aille bien. »
Le petit rituel du soir est précieux. Pour cela, rien de tel que de « suivre les conseils que la pédiatre Marie Thirion donne dans son merveilleux livre Le sommeil, le rêve et l’enfant (coécrit avec Marie-Josèphe Challamel et paru aux Éditions Albin Michel, NDLR), suggère Emmanuelle Kadz. Éviter trop de stimulations le soir. Ne pas avoir peur de parler à son bébé : "Tu vas aller au bain, puis tu vas aller au lit, tu vas faire dodo et, demain, on se retrouve… je t’aime." Lui offrir un moment-tendresse (des câlins, une berceuse…). Et aller rassurer le bébé qui pleure dans son lit (éventuellement en posant une main sur lui) sans le prendre dans les bras, en espaçant de plus en plus ses interventions. Cela l’aidera à retrouver un équilibre par lui-même. Le problème peut se régler en trois jours. Mais les choses ne sont pas simples, il faut parfois retenter le coup plusieurs fois. Important aussi : féliciter l’enfant. Quand il a dormi six heures d’affilée, le lendemain, on le bénit : "Tu as été top." Cela va lui donner de la confiance. » Et, bien sûr, « parlez de tout cela au sein de votre couple, entre parents. Parce que si l’un lutte pour que l’enfant soit autonome pour son sommeil et que l’autre casse de tels efforts, cela ne marchera pas. C’est vraiment un temps où il faut faire équipe. »
Et si c’était une dent… ?
Les parents aiment comprendre pourquoi leur enfant pleure. « Mais nous-mêmes, professionnels, ne savons pas toujours exactement d’où viennent les pleurs des bébés. » Et, parfois, il n’y a pas d’explication à des nuits chahutées, par exemple… « Il faut se dire : c’est comme cela ! Chaque fois que vous pensez, comme parent, que tout est compris et acquis, eh bien, non… Cela force à rester humble et c’est ça aussi le charme de l’aventure parentale… même si, sur le moment, cela ne fait pas votre affaire ! »
Face à des pleurs inexpliqués du bébé (et donc après avoir écarté l’éventualité d’une maladie), il y a toujours quelqu’un pour les mettre sur le compte d’une poussée dentaire. « Dans les livres, les dents poussent à partir de 6 mois. Mais, dans la réalité, c’est en général plus à 8 mois, 10 mois, si pas 12 mois qu’elles apparaissent, observe la pédiatre. On pourra imputer des pleurs à une dent si, trois jours plus tard, une petite trace blanche se profile à l’horizon. Pour moi, ce n’est jamais un diagnostic ! C’est toujours l’avenir qui nous dira si les dents sont ou non la cause de pleurs ! Mais si cela rassure les parents de penser que leur bébé pleure parce qu’il fait ses dents, pourquoi pas ? » Surtout que l’attente peut être longue, comme le souligne ce papa, sourire aux lèvres : « Notre petite a presque 1 an et elle n’a pas encore une dent. Les dents, c’est comme le monstre du Loch Ness : on en parle beaucoup, mais on ne le voit pas. Chaque fois que quelque chose ne va pas, on se dit que c’est les dents, mais non, elles ne sortent pas. Elles vont sans doute toutes arriver d’un coup ! » Si douleur dentaire il y a, demandez conseil au pédiatre ou au pharmacien pour voir comment la réduire (gel antidouleur, anneau de dentition…).
UNE PÉDIATRE RACONTE
Les pleurs restent difficiles à supporter
Emmanuelle Kadz, pédiatre à Bruxelles
Pour les parents d’aujourd’hui, les pleurs à 6 mois restent difficiles à supporter. Ils le sont à 1 mois et ils le restent à 6 mois ! Les pleurs du bébé peuvent être ressentis comme un coup de couteau en plein cœur…
Les parents ont le nez collé à leur bébé. Parce qu’ils sont plus âgés que par le passé, ils ont sans doute le désir de tout comprendre, de tout décoder. Ils ont besoin d’avoir une cause valable aux pleurs de leur bébé. Chaque fois que quelque chose ne va pas, ils cherchent à tout prix une raison et questionnent leur responsabilité ou celle d’un tiers.
Je leur dis souvent – maintenant, je le dis davantage aux parents d’un bébé plus petit parce que c’est moins fort à 6 mois que cela l’est aux premiers mois de la vie : chaque fois que vous pensez que vous avez tout compris, il y aura quelque chose de nouveau qui fera que cela ne sera pas vrai. Le fait de ne pas comprendre immédiatement un fait nouveau ne doit pas entamer la confiance que vous avez acquise jour après jour. Et ce qui vous fait peur n’est certainement pas synonyme que quelque chose de grave se passe. Bienvenue dans le monde réel !
LES PARENTS EN PARLENT…
Les choses ont changé d’un coup
« Théo est entré à la crèche il y a deux semaines. Et alors qu’il a toujours passé des nuits formidables, les choses ont changé d’un coup. Il pleure à me fendre l’âme. On est complètement paumés face à ça. Jusqu’à maintenant, on n’avait jamais eu de souci avec les nuits. Tous nos copains nous racontaient leur galère et nous, on se trouvait chanceux, mais là, on doit leur demander des conseils alors que notre bébé est le plus vieux de la bande des petits loulous. »
Sophie, maman de Théo
25 000 causes possibles, trois ou cinq retenues…
« Eliott a bien dormi dès ses 6 semaines. Mais, à ses 6 mois, les bonnes nuits, c’était fini. Depuis quelques jours, il dort bien. Ça dépend, en fait, des périodes. Sa maman a tendance à se lever trop vite pour voir ce qui ne va pas. Un vrai réflexe de Pavlov ! Eliott détecte les signes avant-coureurs de la mise au lit. On le change sur la table à langer, il pleure ; on lui met son pyjama, il pleure. À la crèche, les puéricultrices n’arrivent pas à le faire se rendormir. Quand il se réveille la nuit, nous, on prend la voiture, on fait un tour avec lui et il se rendort. Pendant tout un temps, on s’est un peu trop focalisé sur les problèmes de sommeil. Si quelque chose ne se passe pas bien, on interprète. Il peut y avoir 25 000 causes possibles à des pleurs et on en retient trois ou cinq, c’est un peu une loterie. Et, de temps en temps, la solution qu’on propose marche… »
Quentin, papa d’Eliott
À LIRE AUSSI