Grossesse

« J’ai le blues, est-ce normal ? »

Le baby blues est un état normal un peu après l'accouchement

À LA MAISON

Vous êtes tout à votre bonheur d’envelopper votre bébé de votre amour et de vos soins. Une maman fière. Et pourtant… Vous avez du mal à retenir vos larmes. Vous vous sentez tour à tour triste, exaltée, irritée, émerveillée, inquiète, déphasée, crevée, débordée… Vous n’y comprenez rien. Pas de panique ! Avoir le blues, c’est normal un peu après l’accouchement.

Décryptage avec Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal aux Cliniques universitaires UCLouvain-Saint-Luc (Bruxelles), et Reine Vander Linden, psychologue en périnatalité.

Vous n’êtes pas la seule…

Le baby blues est un état normal : il fait suite au « tremblement de terre » que vous, la nouvelle maman, venez de vivre dans votre corps et dans votre tête. Il est en partie induit par les modifications hormonales qui accompagnent la naissance. « "J’ai le blues, est-ce normal ?" : des milliers de femmes récemment accouchées se posent la question dans tous les coins du monde, rassure Luc Roegiers. Le blues du post-partum traverse les cultures et les époques. Il survient souvent simultanément à la congestion mammaire, vers le troisième jour après l’accouchement. Il ne s’agit pas de dépression. Cet état n’est pas grave, il est transitoire et, surtout, il n’est pas pathologique. Plus de la moitié des accouchées passent par des alternances de sentiments contrastés et intenses pendant quelques jours ou seulement quelques heures. »

Que ressentez-vous ?

« La maman ne comprend pas les fluctuations d’états émotionnels qu’elle traverse. Il lui est difficile de les identifier les uns après les autres », décrit Reine Vander Linden. Vous pouvez être dans un état d’exaltation et, soudain, vous trouver nulle ou vous sentir vide – « Votre ventre est vide de ce bébé avec lequel vous étiez dans une unité parfaite ». Sûr qu’il y a de quoi balancer d’un état à l’autre : votre bébé prend toute votre énergie, il semble difficile à satisfaire, vous avez trop à faire… « Préoccupations, hésitations, déstabilisations et attentes contradictoires font partie de l’accueil d’un bébé, confirme Luc Roegiers. C’est déconcertant d’être projetée dans le rôle de maman. Séisme des émotions, la naissance est aussi une mutation profonde du corps. Le climat hormonal auquel la maman était accoutumée depuis des mois se modifie brutalement : cela aussi, il faut l’encaisser. »

Ce qui vous aide ?

« Pour la maman, passer par ces variations d’états émotionnels est désagréable, reconnaît Reine Vander Linden. Mais elle a avantage à expliquer à son entourage de ne pas s’en inquiéter, parce que l’entourage, s’il ne connaît pas ce phénomène, risque de s’affoler et d’en rajouter une couche – "Mais tu déprimes…" » Quant au papa, « il a vraiment intérêt à ne pas se moquer de la maman, ni à lui répéter "Ça va passer", mais à être là, disponible, et à lui dire "Laisse-toi aller, tu peux pleurer…" », ajoute la psychologue. Luc Roegiers résume : « Les intimes (conjoint, proches, professionnels avec lesquels "ça passe" bien…) sont autant de ressources à utiliser pour éviter la solitude. À la maman d’accepter ces égratignures, à ses proches de s’y adapter et de comprendre qu’il s’agit d’un passage obligé. »

Le blues, c’est bon pour les bébés !

Le blues des mamans fait du bien aux bébés. « L’état d’hypersensibilité de la maman profite à son bébé, éclaire Reine Vander Linden. Pour comprendre son bébé, elle doit entrer dans sa peau. Et pour entrer dans sa peau, il lui faut pouvoir être hypersensible. On ne peut pas le faire avec de grosses chaussures ! » « Certains pensent que la nature a privilégié l’expérience du blues pour aiguiser chez la maman un éveil particulier aux invitations relationnelles de son bébé, colorées, elles aussi, d’une alternance d’émotions fortes », conclut Luc Roegiers.

LES PARENTS EN PARLENT…

Rupture brutale
« Le retour à la maison a été dur. J’ai eu le blues la semaine qui a suivi. Durant toute ma grossesse, j’ai été fort suivie par mon gynéco, et mon compagnon m’a couvée. Aussi, quand Célia est née, je me suis vue délaissée. J’avais du mal avec cette rupture dans mon quotidien. Célia sortie de mon ventre, je me sentais vidée aussi. On a beaucoup discuté de tout cela, mon homme et moi. »
Claire

Parler pour passer le cap
« Le baby blues est arrivé le troisième jour après la naissance de Nathan. Pendant trois heures, j’ai pleuré. Impossible de l’expliquer : il fallait que cela sorte. J’avais un grand vide en moi… Je me suis forcée à mettre des mots sur ce que je vivais, je dis "Je me suis forcée" parce que ce n’est pas dans mon caractère de m’exprimer comme ça. Ma sage-femme m’a rassurée : elle m’a dit que c’était normal, elle m’a parlé de la chute hormonale et des bouleversements liés à ma nouvelle vie… Parler avec elle, ça m’a aidée à passer le cap. »
Noa